Est-ce un mal pour un bien ? À chaque fois que la ligne de chemin de fer entre Briançon et Paris est fermée pour cause de travaux, la question revient sur le tapis. Entre des usagers enclavés qui se disent furax et la SNCF qui leur promet que tout ira mieux demain, difficile de trancher le nœud gordien.
En 2024
- Travaux du 9 septembre au 6 décembre 2024 à Livron-sur-Drôme dans la Drôme : remplacement des composants de la voie ferrée et du ballast situé sous la voie ; rehaussement des quais de la gare. Les travaux auront lieu de jour et de nuit, du lundi au samedi, de 9 à 17 heures puis de 22 à 5 heures, du 9 septembre au 20 octobre ; puis les travaux auront lieu uniquement de nuit, du lundi au samedi, de 22 à 5 heures, du 21 octobre au 9 décembre.
- Travaux entre Les Laumes (Côte d’Or) et Blaisy (Haute-Marne) : maintenance sur la voie ferrée (date d’intervention non communiquée).
- Travaux entre Corbeil-Essonnes (Essonne) et Melun (Seine-et-Marne) : renouvellement de voie et de ballast (date d’intervention non communiquée).
- Travaux entre Sens (Yonne) et Laroche-Migennes (Yonne) au nord de Dijon : renouvellement de voie et de ballast du 21 septembre au 10 novembre.
En 2025
Sont d’ores et déjà programmés deux chantiers majeurs qui nécessiteront 151 jours d’interruption de la circulation répartis sur 18 semaines.
- Au premier semestre 2025 à raison de quatre nuits par semaine pendant sept semaines : chantier de maintenance sur la voie ferrée entre Livron (Drôme) et Valence (Drôme).
- Au deuxième semestre 2025 à raison de cinq nuits par semaine pendant 13 semaines : construction d’un pont-rail en gare de Livron.
Les JO 2030 vont-ils tout changer ?
Toujours est-il que, jusqu’au 9 décembre 2024 et pendant 151 jours (répartis sur 18 semaines) en 2025 , le débat sera de nouveau ouvert en place publique car d’importants chantiers sont programmés sur la voie ferrée. Avec pour conséquence directe, une mise à l’arrêt récurrente des locomotives alimentant le train Intercités Paris – Briançon – Paris.
Un train d’équilibre du territoire financé à 100 % par l’État dont le patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, a promis « d’améliorer les infrastructures et la desserte » notamment dans la perspective des JO 2030 puisque Briançon, Serre Chevalier et Montgenèvre doivent accueillir des épreuves olympiques.
« On ne fait pas le choix de l’autoroute, on mise tout sur le ferroviaire »
« On ne fait pas le choix de l’autoroute, on mise tout sur le ferroviaire. C’est donc un enjeu majeur. Même si tout n’est pas prêt pour les JO, il faut au moins engager les chantiers et que ça bénéficie aux Haut-Alpins après les JO » a plusieurs fois expliqué le maire de Briançon, Arnaud Murgia.
À horizon 2030, cette stratégie peut s’avérer gagnante. Wait and see. Mais à court terme, les usagers s’estiment perdants. Car la capitale s’éloigne. Les possibilités de déplacement aussi.
Déjà confrontés à des problèmes de régularité et à des carences mécaniques sur un matériel roulant datant de 1975, les voyageurs vont devoir s’organiser… sans voyage en train possible. Le calendrier des travaux et des mises en circulation étant variable, ajustable, modifiable, amendable, mieux vaut se reporter régulièrement au site internet de la SNCF avant de programmer un départ vers Paris ou un retour vers Briançon.
« C’est de pire en pire »
L’opérateur avoue lui-même que « le calendrier n’est qu’indicatif » puisque des cars de substitution sont, parfois, amenés à prendre le relais du train Intercités en fin d’année 2024. Rien n’a encore été annoncé pour 2025 concernant des transferts par la route en cars.
« C’est de pire en pire » pestent déjà certains membres du collectif Destination Trains de nuit, contraints de trouver des plans B pour rejoindre la capitale ou les stations de sports d’hiver des Alpes du Sud. « L’objectif de ces travaux, c’est justement que ça aille de mieux en mieux » répond la SNCF pour tenter de calmer la fronde et justifier la fermeture de la ligne.
Une fermeture temporaire qui vient s’ajouter à celle de la Maurienne jusqu’au printemps 2025 et qui empêche la circulation du Trenitalia entre Oulx et Paris. Tout mis bout à bout, ça fait beaucoup. Et le Briançonnais se sent plus enclavé que jamais au moment même où le maire de Briançon souhaite pourtant faire de sa ville un lieu prisé des travailleurs nomades et attirer des start-uppers en quête d’un cadre de vie idyllique. Mais sans accès régulier vers la capitale, ça tombe mal.
Les chiffres-clés
En 2023, 144 490 passagers ont emprunté le train de nuit Paris – Briançon, soit un taux de remplissage des trains de 62 % en moyenne sur l’année. Pour le premier trimestre 2024, les performances commerciales sont à la hausse avec un taux de remplissage de 76 %. Parmi ces passagers, 11,3 % s’arrêtent dans la Drôme, 19,8 % à Gap, 10,5 % à Embrun, 14,7 % à Montdauphin – Guillestre, 8,4 % à L’Argentière-Les Écrins et 35,1 % descendent au terminus à Briançon.
Des problèmes de fiabilité à résoudre
Sur les 560 trains de nuits Paris – Briançon – Paris mis sur rails entre avril 2023 et mars 2024 (12 mois), 34 % sont arrivés à l’heure. Il s’agit de la ligne la moins fiable de France. « Mais depuis le mois d’avril 2024, le plan d’actions mis en place par la SNCF commence à porter ses fruits » se félicite l’opérateur. La régularité du train serait ainsi passée à 42,9 % dans le sens Paris – Briançon et 54,5 % dans le sens Briançon – Paris.
Une voie pas comme les autres
- Les locomotives électriques qui partent de Paris (et roulant à 160 km/h) sont remplacées en gare de Valence par des locomotives diesel car la ligne à voie unique Valence – Briançon n’est pas électrifiée.
- Des manœuvres de séparation et de groupage des trains sont obligatoires chaque nuit en gare de Valence.
- La maintenance des voitures du train de nuit à Paris est actuellement perturbée par les tests réalisés sur les futurs Intercités de jour “Oxygène” qui doivent être mis en circulation en 2027.
- La ligne utilisée par le train de nuit est la même que celle utilisée par les trains de marchandises. Or les trains de nuit entre Paris et Valence peuvent rouler jusqu’à 160 km/h quand les trains de marchandises sont limités à 120 km/h. En période de pointe sur le fret, ça coince.
Les engagements de la SNCF
L’ancien député des Hautes-Alpes Joël Giraud avait « montré la catastrophe » au ministre des Transports. La SNCF avait alors édité un plan d’actions comprenant :
- Accroître le nombre d’opérations de maintenance des locomotives diesel à Valence à partir de 2025.
- Positionner une voiture de secours en gare de Briançon à partir de 2025.
- Réduire les incidents sur le réseau entre Livron et Gap (à l’étude).
Article issu du Dauphiné Libéré