Quand certains collectionnent les timbres (les philatélistes), voire les cravates (les fameux kravacolluphiledes) ou cultivent une passion irrationnelle pour les petits emballages de fromage (les célèbres microtyrosémiophiles), d’autres cumulent des inventaires uniques en leur genre. Des quêtes immatérielles dont l’appellation reste d’ailleurs encore à inventer.
Un défi différent
Car comment qualifier la performance de ce jeune Cranves-Salien de 23 ans parti mi-août collectionner à sa façon plus de 200 lacs (naturels ou artificiels) en Haute-Savoie, dûment répertoriés par ses soins ?
Ce défi un peu fou, Titouan Bouëtard-Peltier l’a pourtant relevé avec brio, reliant entre le 15 août et le 1er octobre le Léman au lac d’Annecy en totale autonomie. Mais qu’est-ce qui a poussé ce jeune homme, étudiant brillant par ailleurs (ingénieur, il va finir son cursus l’année prochaine) à meubler son été en accomplissant pareille performance ?
Un projet médité
« Quand j’étais en prépa, en, 2018-2019, j’avais déjà l’idée d’effectuer un gros trek, en autonomie, autour de ces lacs. J’en connaissais déjà beaucoup mais en les reliant je souhaitais les voir avec un regard différent. Je n’avais jamais eu le temps de concrétiser ce projet avant cet été. »
Sportif accompli, Titouan affichait déjà un bagage solide avec de nombreuses sorties et randonnées déjà réalisées, mais jusqu’alors aucun trek sur une durée aussi longue que celle envisagée.
Titouan a d’abord préparé avec minutie son parcours sur une bonne vieille carte IGN. « Je ne suis pas fan des applis sur téléphone. J’ai donc noté moi-même tous les lacs ; je n’ai gardé que les naturels. »
Le manque d’informations : Une occasion d’aventure
Concernant certains, il n’y avait aucune info, même pas sur le web. Le jeune Cranves-Salien a donc décroché son téléphone pour contacter certaines mairies, s’appuyant également sur les travaux d’un thésard de l’Unige pour affiner son projet.
Car définir la notion de lac demeure compliqué… « La petite gouille à côté du grand lac est-ce que je la comptabilise aussi ? Et ce lac asséché qui n’est est plus vraiment un ? Heureusement, c’était une bonne année pour moi car le printemps aura été très humide », rappelle Titouan qui a débuté son périple mi-août depuis Evian avec son réchaud, sa tente, son matelas autogonflant et son duvet. « Sans activer ma 4 G – pas mon truc non plus : il y avait un côté défi, avec l’envie de trouver des solutions par moi-même. »
Des bonnes surprises…
Son périple estival l’a ainsi amené d’Evian à Annecy via Châtel, Montriond, le lac de Vallon, Mieussy, le lac de Peyre, en passant par la chaîne des Aravis, Flaine, le lac de la Vogealle, Vallorcine, le massif des Aiguilles Rouges puis celui des Fiz, les Contamines-Montjoie, le mont Charvin et Annecy. Soit un total de 650 kilomètres pour un dénivelé positif de 50 000 mètres et des surprises forcément.
« Le lac des Verdets m’a surpris car je m’attendais à un petit lac presque asséché, mais étant donné qu’il avait bien plu les jours précédents ma visite, j’ai pu observer un très beau lac vert. Le lac de Damoz des Moulins m’a aussi agréablement surpris car je ne le connaissais pas du tout et qu’il est dans un massif peu fréquenté : il est un peu au milieu de nulle part, surtout le lac supérieur. Les trois gouilles (Servoz) m’ont surpris pour la même raison, mais aussi parce qu’il s’agit de vrais lacs avec de très belles couleurs. »
… et des mauvaises
Et au rayon des déceptions ? « Souvent quand on est déçus, c’est parce qu’on en attendait trop. Par exemple, je pensais que le lac des Plagnes était un beau lac de montagne alors qu’en fait pas spécialement (il est accessible en voiture donc assez fréquenté). J’avais aussi vu une super photo du lac du Plan des Lacs (Sixt-Fer-à-Cheval) mais la météo n’était pas favorable quand j’y étais, donc les couleurs n’étaient vraiment pas vives et joyeuses. Enfin, pour le lac de Charamillon, il est quasiment asséché, donc j’étais un peu déçu, sachant que j’étais monté exprès pour ce lac vers le glacier du Tour ! »
Au final, Titouan veut surtout retenir la dimension humaine d’une telle expérience. « Certains jours, j’étais content qu’un copain ou quelqu’un de ma famille vienne randonner à mes côtés car le plus compliqué c’était la solitude, surtout le soir. C’était parfois très pesant alors qu’on ne vit pleinement ce type d’aventure qu’à travers le partage avec d’autres. » A l’image de cette rencontre fortuite début septembre. « Je n’avais rien trouvé d’ouvert à Flaine pour manger ce jour-là. (NDLR : la station étant fermée), mais les deux personnes tenant le refuge de Gers ont rouvert la cuisine spécialement pour moi alors qu’il n’y avait personne d’autre… »
Autre satisfecit, celui de redécouvrir sa propre région d’un œil neuf. « Pas besoin de prendre un avion pour aller voyager à l’autre bout du monde. Franchement, il y a tout ici. Je n’aurai pas imaginé découvrir autant de choses juste à côté de chez moi. » Un matériau indispensable pour prolonger l’expérience. « Je veux continuer à découvrir d’autres massifs en mode itinérant car c’est vraiment mon truc. » Parole d’expert.
Article issu du Dauphiné Libéré
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