Au sommet du col de la Madeleine : la Banquise, une véritable institution

« La retraite, je pourrais m’y faire, mais pas sans le col », soupire Marc Daumas, contemplant sa Madeleine. Ses clients lui répètent à l’envi « Oh, vous avez un beau bureau ! » Il en est convaincu. Avec sa femme, Patricia, après dix ans à Saint-François-Longchamp, ils ont pris encore plus de hauteur en 1996, dans le refuge construit à la fin des années 1930 par le Touring club au col (semblable à celui de l’Iseran), et repris par son père en 1982.

Auberge espagnole au cœur d’un trafic à moitié international

Depuis, des milliers de skieurs, l’hiver, et tout autant de deux-roues, camping-caristes, automobilistes et randonneurs, l’été, sont venus accoster sur sa Banquise. « L’été a bien augmenté : 40 % de l’activité, avant c’était moins d’un tiers. On arrive à être jusqu’à sept pour travailler. »

Les Daumas sont là-haut, à 2 000 m, dès l’ouverture début juin jusqu’au dernier week-end de septembre, jonglant entre une clientèle locale d’habitués et du passage, beaucoup de passages. Auberge espagnole au cœur d’un trafic à moitié international. Une cohorte de 205 immatriculée en France y croise une grappe de Porsche venue de Suisse et d’Allemagne.

« Les cyclistes viennent de toute l’Europe, les motards de Suisse, Italie, Allemagne, Hollande… Mais des TO (tours opérateurs) vendent les Alpes à moto, et il y a des Coréens, des Chinois, des Australiens, clientèle qu’on n’avait pas avant. La Madeleine reste un des grands cols des Alpes, il n’y a que nous et l’Iseran pour relier Maurienne et Tarentaise. La différence, c’est que même s’il y a la pluie, le brouillard, les gens savent que le col est toujours ouvert. On l’a vu en juin, Galibier, Glandon, Iseran ont été fermés, et nous avons fait un super mois. »

Même sans le passage du Tour de France. « À partir du moment où il est dans la vallée, les amoureux du vélo en profitent pour faire tous les cols autour. Mais bon, on a quand même besoin d’une petite piqûre de rappel de temps en temps », sourit Marc. La Grande Boucle n’a pas pointé ses roues depuis septembre 2020, l’année du Covid.

La Madeleine en bref
  • Accès soit par Saint-Avre/La Chambre, soit par Notre-Dame-de-Briançon, par la RD 213 en Savoie. Le col est la confluence des communes de Saint-François-Longchamp et La Léchère, des massifs de la Lauzière et la Vanoise, des vallées de Tarentaise et Maurienne. Et l’hiver, des domaines skiables de Valmorel et Saint-François-Longchamp.
  • Les réfugiés de la Guerre civile espagnole ont commencé à construire une route avant guerre. Mais le col ne date que de 1968.
  • L’altitude est pointée à 2 000 m sur la stèle érigée au sommet. L’ancien panneau la donnait à 1 984 m. La plupart des cartes et des sites cyclistes l’affichent à 1 993 m.
  • Au sommet , l’activité économique estivale se partage entre deux commerces (bar-restaurant-souvenirs), cinq alpagistes et un photographe.
  • Point de départ de randonnées pédestres. Comme vers le Cheval Noir ou une boucle par les cols Sarvatan et Montjoie.

« Un des rares cols ouverts à 360° »

Mais la Madeleine ne se résume pas qu’à un lieu de passage. Le cadre est aussi le départ d’excursions, de randonnées. « Non seulement c’est un des rares cols ouverts à 360° où on n’a pas l’impression d’être enfermé, mais on peut aussi s’y promener. Les personnes d’un certain âge peuvent marcher au moins 400 mètres sans rocher. Les curistes montent de La Léchère, Brides et Salins. À 2 000, ils sont en montagne, mais avec de l’herbe à vaches. » Et des vaches, il n’en manque pas dans les alpages qui bordent le col… tout comme des cailloux et des cristaux. « Ils font partie de sa notoriété. On a eu droit à un hors-série de la revue Règne minéral , avec des photos magnifiques, et ça amène une certaine clientèle ».

Trait d’union entre deux vallées qui ne manquent jamais une occasion de se « chatouiller », la Madeleine se garde bien de pencher d’un côté ou de l’autre. « Le col est en Maurienne », assure Marc, dont l’établissement est aussi sur le versant sud. « Avec mes voisins des Mazots, Marcel et Virginie (eux en Tarentaise), on ne ressent pas cette guéguerre, mais on entretient une légende. On en joue, on taquine et ça fait rire. J’ai beaucoup de copains de Celliers… on leur parle quand même ! Aux touristes, on rappelle qu’ils sont en Savoie, sinon ils croient qu’ils changent de département. »

Qu’importe le versant, Marc et les autres apprécient un cadre enchanteur. « La chance qu’on a, c’est de travailler avec des gens en vacances, pas stressés. » Et même lorsqu’ils lui demandent où il met la neige l’hiver, Marc Daumas prend ça avec philosophie. Madeleine, patronne des voyageurs, ne leur en tiendra pas rigueur…

Article issu du Dauphiné Libéré

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