Crise du Beaufort : pourquoi est-elle moins importante en Maurienne ?

En hiver, la boutique accolée à la coopérative de Saint-Sorlin ne désemplit pas. Toute la matinée, les clients vacanciers affluent, particulièrement lorsque le temps est couvert et décourage les skieurs. Il faut dire qu’acheter son Beaufort ici est plus que tentant, à quelques mètres de l’atelier de fabrication et de la cave d’affinage ; du producteur au consommateur, difficile de faire un circuit plus court. Chaque jour, entre 12 et 14 meules sont produites, grâce au lait des 19 exploitations de la vallée de l’Arve.

Le lait, un autre or blanc en montagne

Des petites structures, avec en moyenne une quinzaine de vaches, tarines et abondance uniquement, comme l’exige le cahier des charges de l’AOP. C’est d’ailleurs la dernière coopérative à collecter le lait en bidon, des conteneurs de 40 litres, d’un autre or blanc de montagne. Il en faut 400 litres pour produire une seule meule, d’environ 40 kilos. Le lait n’attend pas, et évidemment, pas question de pasteurisation. La production prend trois jours, entre la création du caillé, la presse et le passage en saumure. Vient ensuite l’affinage, cinq mois minimum afin de respecter le cahier des charges de l’appellation. Ici, place à la modernité, les opérations de brossage au sel et de retournement des meules ne sont plus faites à la main depuis longtemps, c’est un robot qui s’en charge, dans la cave d’affinage qui peut contenir jusqu’à 5 000 pièces.

À Saint-Sorlin l’étape de l’affinage est rallongée de quelques semaines, et les fromages ne sont mis en vente qu’au bout de 7 à 8 mois. « On s’est rendu compte que ces deux mois supplémentaires étaient les plus importants pour donner tout son goût au fromage », raconte Guy Mollaret, agriculteur et président de la coopérative. C’est ce qui explique ce goût unique, que les vacanciers ne retrouvent pas chez eux. « Quand ils rentrent de vacances en achetant du Beaufort en supermarché, ils le trouvent fade, ce qui les motive à revenir nous voir ! », commente l’agriculteur qui explique que le fromage est vendu directement après achat, sans ce dernier affinage indispensable.

La comparaison entre le Beaufort et le Comté n’a pas de sens

Pourtant, pas question d’éterniser cette dernière étape. Un Beaufort mature 10 mois maximum, bien loin des affinages de Comté qui peuvent aller jusqu’à 3 ans. La comparaison entre ces fromages n’a d’ailleurs pas de sens ; s’ils font partie de la famille des pâtes pressées cuites, les ressemblances s’arrêtent là et les volumes produits sont incomparables. On produit chaque année environ 5 000 tonnes du prince des fromages, là où le Jura produit annuellement 70 000 tonnes de Comté.

Plus qu’un fromage, le Beaufort est aujourd’hui une marque que fait prospérer l’ensemble des acteurs de la filière. Des visites gratuites du site de production et des caves d’affinage ont lieu tous les matins, de 9 h à 11 h 30, sans inscriptions préalables pour les particuliers et les vacanciers.

Une tournée des stations est aussi au programme pour les vacances d’hiver avec trois dates sur les fronts de neige de Maurienne, le 11 février à Saint-François-Longchamp, le 18 à Lanslevillard et le 20 à Valloire. Un événement à destination des vacanciers avec un village éphémère proposant des fondues, des dégustations et de nombreuses surprises.

Consommation : « On ne ressent pas une euphorie »

Depuis un an, le prince des fromages n’a plus la cote. Une baisse de la consommation qui touche l’ensemble des produits alimentaires et en particulier les fromages d’appellation d’origine contrôlée (AOP) perçus comme plus chers par les consommateurs. La crise est « moins pire » en Maurienne pour deux raisons, estime Julien Marie, directeur de la SICA de l’Arvan, la société d’intérêts collectifs agricoles locale.

Tout d’abord, les volumes produits en Maurienne restent relativement faibles. « Là où l’on sort 500 Beauforts de nos magasins à Noël, dans le massif du Beaufortain c’est 3 500 », indique Julien Marie à titre de comparaison. Autre facteur, les modes de distribution. Ici, 70 % de la production est vendue en direct, en particulier dans les différents magasins qui maillent les stations et les communes de Maurienne, évitant ainsi de passer les grossistes et les grandes surfaces, là où la baisse est la plus forte.

Si l’hiver est traditionnellement une période propice à la consommation de Beaufort, « on ne ressent pas une euphorie », constate Julien Marie, qui reste cependant optimiste « des crises, le Beaufort en traverse tous les 15 ans. D’ordinaire c’était lié à une surproduction, là c’est une baisse de la consommation, mais tout finira par rentrer dans l’ordre on l’espère ». À Saint-Sorlin, la coopérative représente 12 emplois à temps plein, sans compter les agents des différents magasins de vente directe.

Article issu du Dauphiné Libéré

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