Il y a des montagnes qu’on ne se lasse pas de regarder et puis il y a la face nord de l’aiguille du Midi. Une paroi de 1 200 m de dénivelé qui fait vibrer tous les amoureux de verticalité.
Dominée par le plus haut téléphérique de France, cette muraille naturelle, franchie désormais sans effort par près de 450 000 personnes par an, est toujours prise d’assaut par les skieurs les plus chevronnés qui voient en elle un terrain de jeu sans limites. Surtout quand ces pentes effrayantes pour le commun des mortels se parent de leur plus beau manteau blanc.
Des conditions d’enneigement exceptionnelles
Grâce à un enneigement digne des printemps d’il y a 20 ans, les conditions observées ces dernières semaines dans cette face mythique se sont révélées excellentes pour les virtuoses de la carre, qui s’en sont logiquement donné à cœur joie.
Grande classique de la pente raide suivant pratiquement les câbles du téléphérique, le Mallory fut très régulièrement emprunté par des skieurs glaçant le sang des touristes, qui n’échangeraient pour rien au monde leur place dans la cabine avec celle de ces équilibristes de la spatule. Le couloir des Cosmiques et le glacier rond, deux autres incontournables du secteur, ont aussi fait le bonheur de ceux qui ont su profiter d’une météo capricieuse pour prolonger leurs heures de glisse.
Des itinéraires aux faux airs de sentiers battus, à faire une fois dans une vie de skieur de pente raide. « C’est le terrain d’apprentissage incontournable de la discipline, c’est presque un rite de passage », estime le skieur du ciel Vivian Bruchez, qui s’est fait un nom dans ses jeunes années en enchaînant quatre descentes de cette face nord dans la même journée.
« La métamorphose de la haute montagne nous pousse à être plus créatifs »
Et même si ses projets l’amènent à se rendre à ski sur les 82 4 000 m des Alpes, le guide passionné aime toujours revenir dans cette paroi pour en explorer de nouveaux recoins cachés. En compagnie de deux amis, sans l’avoir vraiment prévu, ils réalisèrent il y a quelques jours la première répétition d’une variante du glacier rond. « Je ne crois pas que ce soit les conditions qui poussent les skieurs à s’engager dans des itinéraires peu ou pas explorés. Pour moi, c’est plus une évolution de la pratique liée au réchauffement climatique. La métamorphose de la haute montagne nous pousse à être plus créatifs », explique le spécialiste.
« La vue de ce mur qui domine Chamonix m’a toujours impressionné »
Ce ne sont pas les jeunes Chamoniards dévalant cette face comme d’autres descendent les bières qui lui feront dire le contraire. Ces dernières semaines, ils ont osé traîner leurs spatules dans les coins les plus sauvages de la paroi. Aux éperons jumeaux, Gaspard Ravanel et Aurélien Lardy ont répété une descente domptée par seulement trois ou quatre skieurs avant eux. Quelques jours plus tard, ce même Gaspard Ravanel, cette fois en compagnie de Mathieu Moullier explore une variante inédite du couloir des Cosmiques.
Visiteur très régulier de ce jardin suspendu, Christopher Baud s’est aussi illustré en empruntant une nouvelle ligne à l’éperon Frendo. Un projet qui lui tenait à cœur et pour lequel il s’est entouré de deux excellents skieurs : Nicolas Borgeot et Victor Galuchot.
Originaire des Ménuires, ce dernier est peut-être celui qui exprime le mieux la place de cette paroi dans l’univers de la pente raide. « J’ai toujours vu cette face nord comme un symbole, un cap majeur dans la vie d’un skieur. La vue de ce mur qui domine Chamonix m’a toujours impressionné. J’imagine que c’est un peu le Kitzbühel du freeskier », explique-t-il. « Je me suis même souvent demandé si j’avais ce qu’il faut pour plonger là-dedans. Maintenant que c’est fait, je me demande si c’est une fin en soi ou la porte vers la suite. »
Article issu du Dauphiné Libéré