Venu d’Asie, le moustique tigre a fait son apparition en France dans les Alpes-Maritimes. Plus de 20 ans plus tard, il a colonisé une large partie du pays. Très actif entre le 1er mai et le 30 novembre, sa présence est aujourd’hui constatée dans 81 des 96 départements métropolitains. Chaque été, la menace prend de l’ampleur.
Capable de transmettre des virus comme la dengue, le chikungunya ou le Zika, il s’est parfaitement adapté aux milieux urbains et périurbains. Mais il existe encore des territoires où ce redoutable insecte ne prospère pas : la montagne. Pour combien de temps ? Et pourquoi reste-t-elle épargnée ?
Un insecte thermophile limité par l’altitude
Le moustique tigre (Aedes albopictus) a une biologie étroitement liée aux températures. Il est actif dès que le thermomètre dépasse les 15 °C, avec un pic de prolifération entre 25 et 30 °C. Au-delà de 1 000 à 1 200 mètres d’altitude, les températures nocturnes chutent régulièrement sous les seuils nécessaires à son développement, même en été. Cela ralentit son cycle de reproduction, voire l’interrompt complètement.
Des études entomologiques montrent que les œufs pondus par le moustique tigre ont besoin de températures stables pour éclore et que les larves ne survivent pas bien aux variations thermiques importantes. En montagne, les écarts jour/nuit peuvent dépasser 15 °C, ce qui freine leur installation.

Un terrain peu favorable à la reproduction
Aedes albopictus est un moustique dit « péridomestique » : il dépend en grande partie de l’activité humaine pour se reproduire. Contrairement aux moustiques « sauvages » qui pondent dans des mares ou des zones humides naturelles, le moustique tigre privilégie les eaux stagnantes de petite taille : soucoupes de pots de fleurs, arrosoirs, gouttières bouchées, vieux pneus, etc.
Or, les habitats de montagne, souvent plus dispersés, plus rustiques et moins urbanisés, offrent moins de ces niches artificielles. Les pentes naturelles limitent aussi la stagnation d’eau, car elle s’écoule rapidement. Même dans les villages d’altitude, les bassins et fontaines sont souvent alimentés par des eaux courantes, un environnement peu propice à la ponte.
Une pression humaine plus faible… pour l’instant
La densité de population en montagne reste faible, ce qui limite les hôtes disponibles pour le moustique. Moins d’humains, moins de piqûres, donc moins de chances pour l’insecte de boucler son cycle reproductif. Même en période touristique, les échanges humains restent ponctuels, et les mobilités moindres que dans les grands centres urbains.
Mais il faut rester vigilant : les moustiques peuvent être transportés passivement dans les véhicules, les bagages, ou même dans des plantes en pot. On recense d’ailleurs ponctuellement des moustiques tigres jusqu’à 1 300 mètres d’altitude dans certaines vallées alpines.
Une carte de la présence du moustique tigre à l'échelle des communes est mise en ligne par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (L'Anses). Un moteur de recherche est également disponible.
Le réchauffement climatique change la donne
Avec le réchauffement global, la limite altitudinale de nombreux insectes est en train de remonter. Le moustique tigre n’échappe pas à cette règle. Des simulations menées par l’INRAE et l’ANSES montrent qu’il pourrait s’implanter durablement au-dessus de 1 200 mètres d’ici 2050 si les tendances actuelles se confirment.
Cela pose un défi pour les territoires de montagne, qui devront adapter leurs politiques de prévention : surveillance entomologique, communication auprès des résidents et touristes, suppression des gîtes larvaires… Des démarches sont déjà en cours dans certains parcs naturels régionaux.


