« Un dossier au long cours » : c’est le terme qu’a l’habitude d’employer le maire de Villard-de-Lans, Arnaud Mathieu, pour parler du projet immobilier de la Côte 2000, acté par la municipalité précédente, dont il a hérité en devenant maire. Tony Parker, la star du basket français, l’avait présenté à ses balbutiements en 2019, avant de quitter peu à peu le devant de la scène. Cela fait donc cinq ans que ce projet d’envergure est dans les tuyaux sans toutefois sortir de terre. Pour cause : il est loin de faire consensus.
La crainte du surtourisme
Au cœur des débats, il y a la création d’une unité touristique nouvelle structurante (UTNS) d’une surface de 17 000 m² dont la moitié sera dédiée à la construction d’une résidence de tourisme de 99 appartements (700 lits). Autour de ce complexe baptisé Ananda Resort, deux visions s’affrontent : la nécessité de continuer à vivre du tourisme en montagne, ou la crainte d’un surtourisme dangereux pour l’environnement.
Le porteur du projet est (pour l’instant) la Société d’équipements Villard-de-Lans/Corrençon (SEVLC) qui exploite la station à travers un contrat de délégation de service public presque arrivé à son terme. Rappelons que Tony Parker, via sa société Infinity Nine Mountain, en est devenu l’actionnaire majoritaire en mai 2019.
En cinq ans, Ananda Resort a beaucoup évolué. Le nombre de lits a été revu à la baisse, et son emplacement a été modifié. Imaginé pour être construit sur la colline des Adrets, il pourrait finalement voir le jour à l’endroit du parking P1.
Un dossier « vital pour la commune »
Le 27 septembre dernier, le conseil communautaire du massif du Vercors (CCMV) a validé une nouvelle étape, malgré des avis partagés au sein des élus du plateau : le dépôt du dossier de création de l’UTNS auprès des services de l’État. Un dossier passé « d’important pour la rentabilité du ski alpin » à « vital pour la commune » selon Arnaud Mathieu : « Il vient à peine compenser les lits chauds perdus ces dernières années ». « Le territoire du Vercors voit sa capacité hôtelière diminuer, complétait Franck Girard, le président de la CCMV. On a de moins en moins d’hébergements touristiques. Même avec ce projet-là, nous n’arriverons pas à la capacité hôtelière que nous avions dans le Vercors il y a 25 ans. »
Sur le fond, à l’image des habitants du Vercors, les élus étaient aussi partagés. Stéphane Falco (maire d’Engins) a jugé cet UTNS « surdimensionnée au point de vue luxe par rapport à ce qu’attendent les gens ici » ; Pierre Weick (Autrans–Méaudre) a relevé un « manque de consultations des élus avant de prendre cette délibération ». Quant à Claude Ferradou, élu d’opposition (Villard-de-Lans), il a regretté que le projet d’origine présenté en 2020 lorsque son équipe était encore à la tête de la commune n’ait pas été conservé. Pour lui, modifier le nombre de lits et l’emplacement du projet n’était pas une bonne idée.
Une décision de la préfecture le 1er trimestre 2025
« Il ne faut pas se méprendre sur la clientèle qu’on va faire venir, a répondu Thomas Guillet (Corrençon). Trois ou quatre étoiles, ce n’est pas un pseudo-palace parisien mais bien une résidence de tourisme ! En ce moment à Corrençon-en-Vercors, il y a beaucoup de séminaires, pourquoi les entreprises ne restent pas plus qu’un jour ? Parce qu’il n’y a pas assez de logements ! » Sur la question de l’emplacement aussi, il n’y a pas de sujet selon lui : « On va préserver des terres pour construire sur l’enrobé d’un parking. Si on avait fait l’inverse, tout le monde crierait au scandale ! »
Le dépôt du dossier d’UTNS a été validé à la majorité des voix, moins une dizaine d’oppositions ou d’abstentions. Le dossier sera donc transmis à l’État, qui rendra sa décision via la préfecture de l’Isère au 1er trimestre 2025. « Celle-ci pourra ensuite être attaquée… Ce dossier est donc encore loin d’être terminé », a constaté Arnaud Mathieu. Après la réponse de la préfecture, une nouvelle phase de concertation s’ouvrira, cette fois-ci pour le permis de construire.
Article issu du Dauphiné Libéré