L’an dernier, il avalait au pas de course et non-stop le plus à l’est des géants himalayens, le Kangchenjunga (8586 m) , à la frontière entre Népal et Inde. Quatorze mois plus tard, c’est le 8000 le plus à l’ouest que Vadim Druelle, 22 ans, s’est offert, toujours en mode « course contre la montre », au Pakistan. Son temps reste à valider mais selon sa sœur, Keva, en lien avec lui par téléphone satellite, l’ancien athlète de l’équipe de France de ski alpinisme, tailleur de pierres dans les montagnes du Chablais, aurait grimpé le Nanga Parbat (8126 m) en moins de 16 h 30. « Comme il a eu un bug avec sa montre, nous sommes en train d’affiner avec précision le timing ».
Vadim a quitté le camp de base mardi 9 juillet dans l’après-midi pour arriver au sommet mercredi matin vers 8 heures, empruntant l’itinéraire dit classique de ce versant Diamir haut de près de 4000 m que l’on peut difficilement qualifier de voie normale. Il a pour obstacle principal le redoutable mur Kinshofer, pente de neige de 1 000 m qui s’effiloche dans une paroi rocheuse quasi verticale.
La « Montagne Tueuse »
Ce Nanga Parbat porte bien son surnom. Selon ses messages, l’alpiniste aurait souffert du froid ce qui l’aurait aussi incité à accélérer la cadence pour ne pas traîner là-haut. D’autant qu’au camp 3, à 6800 m, où il avait installé un dépôt de matériel au cours de son acclimatation, il aurait perdu une partie de son équipement. L’exploit du Haut-Savoyard semble confirmé par les experts de l’Himalayan data base, dont le Français Rodolphe Popier qui attendait la photo prise par un sherpa pakistanais, pour valider la performance. « Mais les données GPS sont probantes. Il devrait avoir amélioré le temps de référence de l’Italien François Cazzanelli de 4 heures ! » Druelle était de retour au camp de base, mercredi après-midi. La route étant équipée de cordes fixes on se gardera de parler stricto sensu de style alpin même si le Haut-Savoyard s’efforce de ne pas y toucher et, surtout, évolue sans oxygène en bouteille.
Moins de chance en revanche pour d’autres Français présents au Nanga ces temps-ci. Autre spécialiste de l’alpine, voire de l’Himalayan running, et autre skieur alpiniste, le guide Mathéo Jacquemoud qui visait lui aussi un record n’aurait pas tenté sa chance, reparti avant cet ultime créneau météo, las d’attendre. Quant à Tom Lafaille, avec la Polonaise Anna Tybor, il a dû renoncer à 80 m du sommet. Le tandem ambitionnait de descendre à skis. Partis un jour avant, ils ont cheminé avec Druelle sur une partie de l’itinéraire, se calant sur son ascension, mais ont été stoppés par le mauvais temps.
L’expédition française au Pakistan
Pour le routeur météo Yan Giezendanner qui suit les alpinistes au Pakistan en ce moment, « l’instabilité oblige les expéditions à s’adapter. Il faut être courageux et partir la nuit, la neige arrivant l’après-midi ». Vadim Druelle, détenteur du permis pour les cinq sommets de plus de 8000 m du Pakistan, devrait poursuivre son aventure du côté des Gasherbrum ou du K2. Peu probable qu’il les gravisse tous en 2024, son retour en France étant programmé début août. Il a perdu du temps au Nanga.
Après le Manaslu et le Kangchenjunga, cette force de la nature bat ainsi un troisième record de vitesse himalayen, lui qui compte réaliser le Grand chelem des quatorze géants himalayens en mode « one push ». Cul sec ! Du côté du K2 (8611 m), où pas moins de quatre Français vont tenter de gravir le deuxième plus haut sommet de la Terre et d’en décoller en parapente, c’est l’attente en raison des conditions très spéciales en ce moment au Pakistan, où règne une chaleur écrasante. En altitude le vent est fort, et les chutes de neige régulières.
Selon Yan Giezendanner, l’instabilité devrait persister avant qu’une fenêtre se dessine la semaine prochaine. Autre athlète des cimes, le Drômois des Hautes-Alpes Benjamin Védrines a toutefois pu monter à 7300 m et décoller en parapente lors de sa préparation.
Article issu du Dauphiné Libéré