
Quand le vent glacial balaie les pistes de ski et que le thermomètre plonge sous zéro, il y a toujours cet instant de doute au moment d’embarquer sur un télésiège.
Assis sur un siège gelé, balloté par le vent, on rêve d’un peu de chaleur. Une idée qui paraissait autrefois superflue, mais qui s’impose désormais dans certaines stations avec des sièges chauffants et des bulles protectrices.
Un système technologique venu d’Autriche
L’idée de sièges chauffants sur les télésièges est loin d’être une nouveauté. Ce système, largement répandu en Autriche, repose sur un principe simple : des résistances électriques intégrées aux sièges sont activées lorsqu’ils passent en gare, diffusant ensuite une chaleur régulière le temps de l’ascension. Les sièges sont souvent couplés à des bulles de protection contre le vent et la neige, augmentant le confort des skieurs.
L’Autriche, réputée pour ses installations modernes, a très tôt misé sur ces technologies. Dans des stations comme Ischgl ou Kitzbühel, les télésièges « full options » avec cuir, chauffage et bulles teintées sont devenus la norme. En France, en revanche, cette innovation reste marginale.
Les pionniers français
Le premier télésiège chauffant en France ne date que de 2006. A ce moment, la station savoyarde des Karellis a été la première à s’équiper d’un tel dispositif sur son télésiège six places de Vinouve. Un investissement de 5 millions d’euros, conçu par le constructeur autrichien Doppelmayr, permettant aux skieurs de monter de 1 600 m à 2 135 m d’altitude en six minutes.
Son originalité ? Un système de chauffage par frottement : « Les sièges sont alimentés en énergie par frottement, au moment de leur passage dans la gare inférieure et la gare supérieure, et cette chaleur qui va dans les sièges et dans les dossiers est dispersée pendant la montée », racontait à l’époque Jean-Florent Boineau, directeur de l’office du tourisme des Karellis, à l’AFP.
Un confort qui se généralise en France
Il faudra attendre 2017 pour voir d’autres stations françaises s’aligner sur cette tendance. Cette année-là, Les Arcs installent le télésiège du Pré Saint-Esprit, un appareil six places fabriqué par Doppelmayr et équipé de sièges chauffants et de bulles teintées. L’investissement de 10,4 millions d’euros permet alors d’améliorer la desserte de la vallée de l’Arc en fluidifiant le flux de skieurs entre Arc 1950 et Arc 2000 rapportait Le Dauphiné Libéré.
Méribel suit la même année avec le télésiège « Legends », qui propose également des sièges chauffants et des coques translucides. Son débit de 3 600 skieurs par heure et son tracé stratégique en font aujourd’hui un incontournable du domaine des 3 Vallées.
Enfin, un an plus tard, Val d’Isère remplaçait l’ancienne télécabine de La Daille par un modèle dernier cri, équipé de cabines de 10 places avec des sièges chauffants et une cabine VIP, conçues par le designer italien Pininfarina. Cette installation, inaugurée en décembre 2018, représentait alors un investissement de 11 millions d’euros selon BFM Business.
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Luxe ultime ou confort superflu ?
Mais cette innovation fait aussi débat. Si beaucoup saluent un confort accru, d’autres y voient une surenchère technologique qui dénature l’expérience du ski. « On ne passe que quelques minutes sur un télésiège, est-ce que cela justifie un tel investissement ? » questionne un habitué des stations sur un forum.
Un argument financier qui se pose aussi du côté des exploitants, qui doivent amortir des coûts supérieurs et répercuter ces investissements sur le prix des forfaits. Dans les 3 Vallées, summum du luxe français, les tarifs ont augmenté de 15 euros en trois saisons pour un forfait 6 jours , en partie pour financer de nouvelles infrastructures.
En Autriche, l’équation économique semble différente : les installations sont gérées par de grands groupes privés qui misent sur le confort premium pour attirer une clientèle haut de gamme. En France, où la gestion des remontées repose souvent sur des contrats publics-privés, l’adoption de ces innovations se fait plus lentement.
Un sujet qui divise sur le climat
Un autre débat porte sur l’impact environnemental. Si ces télésièges consomment de l’énergie pour chauffer les sièges, les constructeurs assurent que les technologies modernes, comme l’alimentation par frottement ou par énergie solaire, limitent leur impact.
Aujourd’hui, la la tendance reste encore minoritaire en France, mais malgré les réticences, la montée en gamme des stations reste bien possible. Face à une concurrence accrue et à une clientèle en quête d’expériences toujours plus qualitatives, les sièges chauffants pourraient bien devenir un standard dans les années à venir.
Le confort deviendra-t-il un critère décisif pour le choix d’une station ? Ou bien ces équipements finiront-ils par apparaître comme ubuesques à l’ère du réchauffement climatiques ?