Exceptionnel, et dans tous les sens du terme.
Niché au cœur de l’Ardèche du sud, ce site est certes réputé pour ses endroits iconiques comme le circuit de la Vierge ou ce rocher en forme d’ours et de lion. Mais le bois de Païolive, c’est bien plus que ça.
Le maître des lieux
Et pour nous en parler, qui mieux que son gardien, Jean-François Holthof ? Les mains croisées dans le dos, il avance d’un pas décidé dans son élément. Pour lui, les branchages, les ronces et les petits chemins sinueux du site ne sont pas une difficulté.
Il faut dire que l’ermite a souvent emprunté ce petit sentier sur lequel il s’engage au hameau des Buis, dans la commune de Berrias-et-Casteljau, en Sud-Ardèche. À quelques mètres de la maison de Pierre Rabhi, le moine cistercien sait où s’engouffrer dans le bois pour y contempler ses plus belles caractéristiques.
En 1994, le Poitevin s’installait à l’ermitage Saint-Eugène, situé aux Vans. « Il y avait pas mal de travail puisque les lieux n’avaient pas été habités depuis la Révolution. J’avais déjà la vue, mais il fallait que je me concentre sur la restauration, donc je n’allais pas beaucoup me balader », sourit-il.
Une mine d’or biologique
Pendant dix ans, il se concentre sur le chantier de l’ermitage. Une fois la rénovation terminée, le religieux part alors à la découverte de cet écocomplexe unique qui s’étend sur 16 kilomètres carrés entre le sud du département et le Gard.
Il y découvre notamment des chênes centenaires, parfois serpentiformes, vivants ou morts, caractéristiques des lieux.
« C’est un endroit qui a été préservé des forestiers. On peut parler de forêt ancienne puisqu’il y a une continuité dans le développement des espèces depuis la dernière glaciation qui date de plusieurs milliers d’années. Certains meurent naturellement et leur étude est très intéressante pour mieux comprendre la vie d’un arbre. »
Un écosystème à part
Païolive a beau être une forêt ancienne, elle peut se targuer d’avoir une technologie moderne à sa disposition, que Saoû attend toujours : la climatisation.
Par leur composition et leur typologie, certaines parties de la forêt sont préservées tout au long de l’année des épisodes de sécheresse, des chaleurs étouffantes de l’été et des journées de gel à l’hiver. « À certains endroits, il peut faire 15 degrés en août et 12 en janvier », assure l’ermite.
Il y a aussi cette flore unique et un nombre d’espèces présentes sur tout le site qui ne cesse de croître. 5 000 d’entre elles ont été répertoriées pour l’heure. Elles sont probablement deux fois plus nombreuses, selon Jean-François Holthof.
Si un arbre devait représenter le bois de Païolive, ce serait sans aucun doute le chêne. Il est même une source d’études sans fin pour de nombreux scientifiques.
« Certains sont serpentiformes, c’est-à-dire que leur racine a poussé de manière irrégulière du fait du peu d’énergie que possédait l’arbre pour se développer de manière verticale », explique Jean-François Holthof, secrétaire général de l’association Païolive.
« D’autres sont même morts et ont été préservés de la coupe. Ces derniers sont intéressants à analyser puisque lorsqu’ils meurent, ils développent par exemple des champignons particuliers qui vont participer à leur décomposition pour les rendre à l’état de poussière. »
L’association se lance d’ailleurs dans une nouvelle recherche autour des chênes de l’écocomplexe de 16 kilomètres carrés. « Nous allons placer des capteurs sur plusieurs arbres pour comprendre, entre autres, leur manière d’évoluer ».
La crainte du surtourisme
Ce joyau de la biodiversité ne manque pas d’attirer les touristes pour ses randonnées ou ses curiosités. Pour tenter de le protéger, le site a été classé espace naturel sensible et zone Natura 2000. Insuffisant pour le moine cistercien Jean-François Holthof.
« Il faut une vraie politique pour lutter contre le surtourisme. Quand je vois qu’à Pâques, certains parkings sont bondés et que les voitures débordent le long des voies, je me dis qu’il faut rester vigilants. Il ne faut pas faire de Païolive un Disneyland. » Si le changement climatique ne l’inquiète pas pour l’instant, le religieux tient avant tout à préserver la tranquillité des lieux. En 2004, une association était créée pour étudier le site mais aussi s’assurer de sa préservation.
Jean-François Holthof est devenu secrétaire général de la structure. « C’est un peu chez moi », lance-t-il. Même si à 74 ans, il sait que lui, les Ardéchois et même les amoureux de Saoû ont encore beaucoup à découvrir de ce haut-lieu de la biodiversité.
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Article issu du Dauphiné Libéré