A la tête de la patrouille de France, un ancien espoir des Deux Alpes

Bien malin celui qui parviendra à fendre l’armure d’Alexandre Richard.

 Trouver l’astuce pour l’affranchir de son langage protocolaire. Qu’il baisse la garde et abandonne les « eh bien », formels, glissés à chaque début de phrase. Qu’il emploie un « on », familier, plutôt qu’un « nous », soutenu. Le militaire de 33 ans maîtrise parfaitement sa communication. À la virgule près.

Sa posture, aussi : les deux mains retranchées dans les poches latérales de son bomber. Menton relevé. Imperturbable. Même si le pilote de Rafale foule ce matin de février la neige dure et glissante des Deux-Alpes avec des bottes en cuir.

Le leader de la patrouille de France

« Je reviens ici aussi souvent que je peux. C’est-à-dire pas souvent », confie celui qui a quitté sa station de ski natale pour le soleil de Salon-de-Provence et sa base militaire. Alexandre Richard est cette année le leader de la Patrouille de France. Le Thomas Jolly de l’armée de l’air. Le chorégraphe des 8 Alphajet connus pour laisser derrière eux une traînée bleue, blanc et rouge, le jour de la fête nationale.

Ne vous y trompez pas. La démonstration des avions au-dessus des Champs-Élysées, le 14 juillet, est toujours linéaire. Rien à voir avec celle que prépare le « chef d’orchestre » de l’armée de l’air : une danse acrobatique que les mousquetaires du ciel, lui y compris, réaliseront dès le printemps. À quoi ressemblera le nouveau spectacle ? « C’est top secret », balaye le soldat de la grande muette, invitant les indiscrets à lever yeux vers les nuages dans les prochains mois.

Photo Adobe Stock
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« Rien ne me prédestinait à être pilote de chasse »

Comment passe-t-on d’une enfance sur le télésiège à une carrière dans un cockpit ?  « Je suis un gamin de la station, rien ne me prédestinait à être pilote de chasse. Ça me paraissait lointain et inaccessible », rembobine la fierté locale, qui a appris à skier avant de marcher.

Grandir au pied des remontées, à 1600 mètres d’altitude, c’est vivre « un petit peu dans un microcosme et en autarcie. » Aucun aviateur dans la famille. Aucun pilote. Mais un père professeur de deltaplane et une bibliothèque copieuse. Pour s’évader, le petit Alexandre en dévore les histoires une par une : « Il y avait une collection de livres jeunesse qui retraçaient les exploits des pionniers de l’aéropostale : Henri Guillaumet, Jean

À l’époque, si certains adolescents grandissent avec Zizou comme modèle, lui s’inspire d’un héros de la Seconde Guerre mondiale, dont il connaît la biographie par cœur : Jean Maridor, le pilote qui « déséquilibrait d’un petit coup d’aile » les missiles nazis :

« Un jour, lors d’une mission, une bombe volante allait s’écraser sur un hôpital militaire au Royaume-Uni. Il l’a abattue au canon, quasiment à bout portant. Elle a explosé trop proche de son appareil et il s’est crashé. Son sacrifice a sauvé des centaines de personnes. Pour moi, il a toujours été la figure ultime du pilote de chasse. Je me suis pris dès l’enfance une volonté de lui ressembler. »

Photo Jean-Baptiste Bornier
Photo Jean-Baptiste Bornier

Du téléski au Rafale

Passer le bac ? « Une formalité ». Intégrer la classe préparatoire de l’école des pupilles de l’air ? Suite logique. Rejoindre l’établissement de Salon-de-Provence ? C’est fait, à 19 ans. Alexandre réalise son rêve, convaincu que « chaque montagnard a une petite flamme en lui qui peut l’animer pour ce genre de carrière ». 

Mais il renonce par là à son deuxième destin : « Ça fait un petit pincement au cœur de me dire que je suis passé à côté d’une carrière de sportif, mais j’ai fait le choix de la raison », se console l’ancien espoir du ski alpin, qui a connu le circuit européen.

Des pratiques liées

De ses années slalom, le pilote d’avion de chasse conserve un toc d’athlète : « En compétition, je claquais toujours mes bâtons avant de les placer dans le portillon de départ. De la même manière, avant chaque décollage à la patrouille de France , je me suis surpris à actionner la petite palette derrière le manche pour me stimuler, comme un signe d’activation mentale. »

Et le montagnard de prolonger le parallèle entre ses deux passions : « En ski, vous avez plusieurs mois de travail pour préparer deux manches qui vont durer une minute chacune. La patrouille de France, c’est 6 mois de travail pour une quarantaine de vols d’une vingtaine de minutes. »

Sur la neige ou dans les airs, aucun écart n’est permis : « Si vous faites une faute à ski, vous perdez une seconde et passez de la 1re à la 15e place. En vol, la moindre erreur se verra esthétiquement et peut engendrer des rapprochements dangereux ou des collisions entre les appareils. »

« Alexandre, il nous fait rêver »

Le commandant Richard survole parfois les Deux-Alpes, sa « pouponnière ». Avec, toujours, une pensée pour ses anciens coachs de ski, ses instituteurs et ses camarades. Il y a Nils, par exemple, son « premier ami d’enfance ». Par hasard, les deux copains se croisent sur le front de neige. « On était comme cul et chemise », se souvient l’homme à la longue chevelure blonde devenu moniteur de ski.

« Alexandre, il nous fait rêver, c’est la grande classe, l’incarnation de la réussite. » La dernière fois que le pull rouge a aperçu le militaire, c’était à la télévision, dans le ciel parisien, pendant les Jeux olympiques. Le pilote lui adresse une tape dans le dos. Ferme et affectueuse. Qui sait quand viendra la prochaine ?

Le leader de la Patrouille de France repart le soir même auprès de sa deuxième famille : ses 7 coéquipiers qui l’attendent pour s’entraîner dans le ciel des Bouches-du-Rhône. Pas question, en revanche, de rentrer sans tracer quelques courbes sur les pistes qui lui ont tout appris.

« C’est le Rafale des télécabines ! », plaisante le commandant en évoquant la remontée mécanique dernière génération dont vient de s’équiper le domaine. Un sourire, enfin.

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