Trois petits jours et puis s’en vont, l’expédition en prévoyait pourtant quatre ! Partis le dimanche 28 janvier, ils ont bouclé leur parcours le mardi 30 seulement. Mais, il faut dire que Benjamin Védrines et Léo Billon avaient déjà bien potassé leur sujet. En février 2023, leur cordée avait établi un record sur la face Nord des Grandes Jorasses (une autre voie que celle empruntée lors de cette expédition). C’est suite à cette ascension que l’idée de cette sortie sprintée sur trois-quatre jours a germée dans l’esprit du premier : « je voulais ‘’une innovation’’, quelque chose qui pouvait permettre à notre cordée d’élever encore le niveau, de passer à la vitesse supérieure, un projet excitant et motivant pour nous deux, bref un vrai défi ! ». Une fois l’idée en tête, il s’est appliqué à penser le parcours qu’ils emprunteraient. Il a donc pioché dans les récits de collègues et amis parmi les plus belles voies, les plus difficiles, celles qui font références : « des trucs qui me faisaient rêver ! »
Les Drus – « La voie des guides »
Longue de 850 mètres et cotée « ED+ » (la cotation maximale), la voie des guides se situe dans la face Nord des Drus. Là où les premiers alpinistes ont mis huit jours et sept bivouacs pour l’ouvrir en 1967, les deux compères du lycée n’y ont passé que dix heures. A l’écoute compte rendu fait par Benjamin Védrines en fin de journée, on croirait qu’ils sortent d’une balade dominicale : « C’était super beau. » « C’était trop cool, on s’est pris au jeu. » confie-t-il. A la fin de cette première journée ils se sont même permis de s’avancer un peu pour le lendemain : « On a fait un petit passage à la tente et puis on a filé. On voyait qu’on avait le temps ! »
« A deux on peut faire quelque chose d’extrêmement innovant, on peut taper plus fort dans le monde de l’alpinisme »
Benjamin Védrines
Les Droites – « Rhem – Vimal »
Il s’agit de la voie la plus dure en face nord des Droites. Libérée en 2009 par Eric Doiseau, Benjamin Guigonnet, Damien Tomasi, longue de 1000 m, elle est également cotée au maximum de difficulté. Il leur aura fallu 7h seulement pour s’en défaire… « Tout s’est bien passé, c’était dément ! », s’exclame Benjamin Billon dans son debrief quotidien. Après deux jours de grimpe intensive l’énergie semble être au rendez-vous. A ce moment-là de la « trilogie », comme ils l’appellent, les deux compagnons de cordée pensent à enchaîner. « Si tout va bien, si on arrive à trouver un peu de force – parce que là ça commence à être long quand même – on se dirigera sur les Jorasses » détaille-t-il. Ce qu’ils feront bien entendu, l’expérience prend de la saveur dans la difficulté : « C’est une belle immersion, hyper intense, incroyable ! Avec Léo on sent qu’on vit quelque chose de fort. »
Les Jorasses – « No siesta »
La veille ils pensaient partir sur la « Bonatti », en attendant de voir les conditions, ils se lancent finalement sur la « No siesta », toujours cotée max pour 1200 m de long. Considérée comme l’une, si ce n’est LA voie la plus difficile de la face nord des Jorasses. En 2022 il avait fallu à Christophe Dumarest, une référence dans le milieu lorsqu’il s’agit de ce pic, et Tom Livingston, deux bivouacs pour la gravir. Léo Billon et Benjamin Védrines l’ont fait en douze heures, non sans difficultés. « C’était long parce qu’on a fait des erreurs d’itinéraire, on était un peu fatigué et moins lucide. On a perdu deux heures. » Après ça plus qu’une descente et la trilogie est accomplie : « A deux on peut faire quelque chose d’extrêmement innovant, on peut taper plus fort dans le monde de l’alpinisme », c’était parfaitement prémonitoire de la part de l’homme qui se prépare à gravir le K2 en une journée.
