On dit que son goût est proche du lapin. On ne sait toujours pas si la marmotte met vraiment le chocolat dans le papier alu, mais elle se cuisine, oui.
Civet de marmottes, marmottes à la moutarde…
Sur internet, on retrouve des recettes de civet de marmottes aux girolles, ou encore de marmottes à la moutarde. Le directeur de la fédération de chasse de Savoie, Pierre Sicard confirme : « C’est une espèce qui se consomme et je vous assure que c’est pas mal du tout ! » Elle se mange, et elle se chasse aussi, en Savoie.
Cet animal grassouillet à cette époque de l’année est à la fois une icône des montagnes et considéré comme un nuisible pour « certains agriculteurs ».
D’après les chasseurs, il faudrait en réguler la population. Autorisée une nouvelle fois par la préfecture de Savoie, la chasse à la marmotte est soumise à plusieurs restrictions. Elle est ouverte sur une période courte, environ un mois et demi dans l’année, et quatre jours par semaine. Chacun pouvait s’exprimer sur le projet d’arrêté préfectoral.
La chasse à la marmotte a bien été validée, à la grande satisfaction des 87 chasseurs de marmottes déclarés dans le département l’an passé. De ce fait, six associations (l’Association justice animaux Savoie, l’Aspas, Animal Cross, Aves, FNE Savoie et One Voice) avaient déposé un recours en justice en octobre 2023. Le tribunal administratif de Grenoble n’avait pas retenu le caractère urgent à cesser la chasse pour la saison qui était en cours et a jugé l’arrêté préfectoral conforme à la loi.
« La marmotte peut être chassée même si c’est une espèce protégée »
La marmotte est protégée par la convention de Bern, annexe III. Ce texte doit assurer la conservation de la flore et de la faune sauvage ainsi que de leurs habitats naturels, dans l’Union européenne. Pour Pauline di Nicolantonio, présidente de l’Association justice animaux Savoie (Ajas), « la marmotte peut être chassée, même si c’est une espèce protégée. L’annexe III signifie que la marmotte n’est pas sauvegardée au plus haut degré. Cela la classe donc comme une espèce dont la population n’est pas en danger. Et c’est finalement le seul argument de la préfecture et des chasseurs ».
Pour les associations Ajas, One Voice et France Nature Environnement, cette chasse est un non-sens. Tout d’abord car la marmotte compte nombre d’admirateurs en montagne. En randonnée, les touristes s’arrêtent, prennent des photos et sont amusés. Jean-François Coulomme, député LFI de Savoie, rejoint cette position : « La marmotte est un symbole et un attrait touristique, et l’idée que nous les chassions ici en Savoie écœure celles et ceux qui viennent fréquenter notre territoire pour sa nature. »
Ce n’est pas l’avis de Bernard Mogenet, vice-président de la chambre d’agriculture de Savoie. Pour lui, cette chasse est bien justifiée. « La marmotte, c’est comme un gros rongeur. Elle fait pas mal de trous, cela déstabilise les terrains et crée des accidents. Et certains agriculteurs s’en plaignent. » Il affirme aussi, quitte à surprendre ou à hérisser le poil des animalistes : « Il y a des chalets d’alpages qui restent fermés tout l’hiver, si les marmottes arrivent à rentrer, cela peut faire de nombreux dégâts dans un chalet. »
« Réguler la population, là où elles commettent des dégâts »
Pierre Sicard, le directeur de la fédération de chasse, explique : « La population des marmottes est importante. Sa chasse ne met pas en péril son nombre, ce prélèvement concourt à réguler la population, là où elles commettent des dégâts. Tout le monde a en tête la marmotte qui enveloppe le chocolat dans la pub Milka, mais en fait, ce n’est pas que ça. »
Il explique une cocasse “légende urbaine rurale” d’un agriculteur mort écrasé par son tracteur car les roues se seraient coincées dans un trou fait par les marmottes… La fédération de chasse aurait reçu un courrier, il y a quelques années, relatant ces faits. Sur internet, on trouve plusieurs articles sur des accidents où des agriculteurs sont morts écrasés par leurs tracteurs dans plusieurs régions françaises, mais à ce jour, aucun constat ne fait référence aux marmottes.
Jessica Lefèvre-Grave, directrice des relations externes de l’association nationale One Voice, est elle aussi formelle. « Les dégâts sont minimes. Je ne sais même pas comment ils arrivent à justifier que ce sont bien les marmottes qui les font. Je remets en cause cette idée. Et quand bien même il y a des dégâts, je pense que les agriculteurs peuvent survivre. »
427 marmottes chassées en Savoie en 2023
Lors de l’audience du référé au tribunal administratif, deux agriculteurs souffrant des nuisances créées par les marmottes ont témoigné, selon Pauline di Nicolantonio, initiatrice de l’action en justice avec son association. Elle raconte, remontée, qu’elle était « sidérée d’entendre ça devant les juges. Les chasseurs et le préfet disaient : “Les bergers se font des entorses dans les trous des marmottes, les tracteurs se renversent, les agneaux se cassent les pattes et si nous ne sommes pas là, ils meurent. Et les marmottes grignotent les tuyaux d’arrosage…” On avait l’impression que c’étaient les rats à Paris ! » Puis elle défend que lorsqu’on est professionnel de l’agriculture et que l’on s’installe en montagne, la cohabitation avec certaines espèces n’est même pas un sujet.
Questions de point de vue encore. Durant la saison de chasse 2023, 427 marmottes ont été chassées en Savoie.
Article issu du Dauphiné Libéré