Le défi du Grand Puy : comment survivre sans remontées mécaniques ?

Le ciel dominical ne s’est jamais découvert sur la commune de Seyne. Une fine pluie et de la brume sont restées accrochées aux montagnes de la Blanche. Celles-là mêmes qui, en 1959, voyaient apparaître la première station du lieu : le Grand Puy. 65 ans plus tard, dimanche 6 octobre, une autre « première » a eu lieu, selon le maire Laurent Pascal. Un référendum local décisionnel, par lequel les Seynois, à 71,31 % des votants, ont acté l’arrêt des remontées mécaniques. Exit le télésiège des Crêtes installé en 2016 pour 3,3 millions d’euros.

Les « joyaux de la couronne »

De quoi nourrir le dépit de Frédéric Bony, président de l’association seynoise des commerçants et du comité de station, convaincu de l’hérésie de vendre les « joyaux de la couronne ». Un télésiège dont le propriétaire du Chalet, le restaurant soixantenaire de la station, est voisin. « J’ai appris à skier ici en 1986, on a racheté l’établissement il y a huit ans. L’économie générée par la station, le maire ne la prend pas en compte », estime-t-il. « Bien sûr que le “tout neige”, il faut l’oublier. Mais cela fait des années que l’on propose une luge d’été, du parcours d’aventure en forêt, des cabanes insolites… Cela permet de rentabiliser le porteur. Mais ils ont la volonté de ne pas gagner un kopeck avec la station. »

Frédéric Bony résume : sans remontée, point de salut touristique pour diversifier l’activité. Il regrette aussi qu’un scénario proposé par des socioprofessionnels du Grand Puy n’ait pas été retenu dans les débats. Cela aurait été le huitième, sept autres ayant déjà été imaginés par un bureau d’études. « Pas un alinéa n’a été retenu », peste-t-il.

De la fenêtre de son bureau de maire, qu’il occupe depuis 2020, Laurent Pascal désigne une langue de terre brunie. « Il y avait un téléski. » Son histoire familiale s’y est en partie écrite. « Je n’ai rien contre le Grand Puy, évacue-t-il. C’est le bureau d’études qui a estimé que le scénario des socioprofessionnels n’était pas viable. On leur a laissé carte blanche. Sur les sept scénarios, trois proposaient un maintien des remontées en l’état. »

Débrancher les remontées est devenu une urgence

Ce télésiège des Crêtes, Laurent Pascal avait d’ailleurs voté “pour”, en 2015, comme élu d’opposition. « On n’aurait pas dû, on le regrette aujourd’hui. Depuis 20 ans, il n’y a pas eu assez d’études sur la diversification du site et du tourisme de la commune. »

Résultat, schématise le maire, débrancher les remontées est devenu une urgence. « On n’a plus le temps. Ça nous a coûté 350 000 € en une année, 13 % du budget de la commune. Depuis qu’on est élus en 2020, cela fait 1,3 million d’euros de subventions partis. » À comparer à un budget annuel de 2,7 millions d’euros pour faire fonctionner Seyne. « On n’a pas les moyens d’investir dans une transition si on ne vend pas les remontées », affirme Laurent Pascal. Il rappelle les maigres 6 000 journées skieurs en 2023-2024, contre 17 000 en 2013-2014.

« Le télésiège est la colonne vertébrale pour faire du quatre-saisons »

Certains ont glissé avec Léa Picozzi, Seynoise et monitrice ESF. « C’est un endroit incontournable. Le référendum n’est pas une mauvaise chose, mais c’est la façon dont on y est arrivé qui est difficile à digérer. Car le télésiège est la colonne vertébrale pour faire du quatre-saisons. »

À ses côtés, Claude Guarino, l’ancien commerçant du Chalet, ne dit pas autre chose et évoque le bike park. « Au Grand Puy, on a été précurseurs du VTT de descente. Avant Montclar ! Les spécialistes de l’Evo bike park de Digne-les-Bains nous disent que c’est un “spot”. Mais la commune ne veut rien entendre. » Léa Picozzi, qui travaille dans le tourisme quand elle n’est pas pull rouge, reprend : « Les clients venaient chercher ici une station familiale et à petit prix. Je ne pense pas qu’il y aura un transfert total vers Chabanon et Montclar. » Claude Guarino acquiesce et évoque une soixantaine d’emplois liés à la station.

Un impact économique que Laurent Pascal recadre, chiffrant à 6 000 € les recettes du télésiège l’été et à 50 000 € le chiffre d’affaires du dernier hiver. Et l’économie indirecte ? « On a beaucoup de résidents secondaires qui continueront à venir. Quand on s’installe, c’est aussi pour une vallée, une ambiance », pronostique le maire. « Il faut recalibrer le côté nature. »

La municipalité table sur une revente des remontées mécaniques à 600 000 € a minima et prévoit de consacrer 150 000 € sur cinq ans à la diversification. « Il y a des lacs collinaires qui peuvent être réutilisés pour la pêche, on a des pistes de VTT électrique à développer à la montée, un stade de trail… D’autres idées pourraient sortir de la part des socioprofessionnels. » Malgré le vote, pas sûr que la perche soit saisie dans l’immédiat.

Article issu du Dauphiné Libéré

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