Trop de randonneurs ? Le Tour du Mont-Blanc s’oriente vers un tourisme sélectif

« On voit vraiment sur les chiffres de fréquentation des refuges, qu’il y a un avant et un après Covid-19 », lâche Julien Jean, le président de l’association des gardiens de refuge du tour du Mont-Blanc. Les statistiques sont éloquentes. En 2019, on comptait 36 000 passages sur un lieu stratégique du parcours. En 2023 sur ce même sentier, plus de 60 000 passages étaient recensés sur les quatre mois d’été, entre le début juin et la fin septembre.

À titre de comparaison, un sentier du tour des glaciers de la Vanoise a enregistré en 2025 un peu plus de 27 000 passages, un chiffre en recul puisque 2019 voyait au même endroit plus de 34 000 marcheurs. Là-bas, il n’y a pas d’explosion de la fréquentation.

Ces comptages inclus des randonnées à la journée, le GR 5 ou des épreuves sportives, mais l’estimation faite il y a deux ans sur le seul tour du Mont-Blanc était de 35 000 à 40 000 trekkeurs. Le chiffre n’est pas moins élevé pour l’été 2025 et la progression interroge. À la Boerne en vallée de Chamonix sous le col des Montets, « j’ai eu mes premières nuitées complètes cette année autour du 10-12 juin. Et du 20 juin au 20 septembre, on est à fond. » Les 30 places sont occupées en permanence.

Le bivouac, les poubelles et les toilettes sont les préoccupations principales

Le maire de Saint-Gervais dénonçait le 19 septembre dernier une « surfréquentation » de l’itinéraire, demandant haut et fort une régulation. Cette sortie médiatique de Jean-Marc Peillex a agacé de nombreuses personnes investies sur le sujet, car les différents acteurs ont multiplié les tables rondes et les réunions par secteur depuis le printemps 2024.

Gardiens de refuge, accompagnateurs en montagne, représentants des réserves naturelles, remontées mécaniques, office de haute montagne, élus et techniciens des collectivités, ainsi que l’Espace Mont-Blanc se sont saisies de la problématique et des nuisances générées par cet afflux de randonneurs. Le bivouac, les poubelles et les toilettes sont les préoccupations principales sur une dizaine identifiée. Les acteurs ont décidé d’actions collectives, à commencer par une sorte d’autorégulation.

« Ce que l’on ne maîtrise pas, c’est tout ce qui déborde »

Les 43 adhérents de l’association ont comptabilisé 1 673 lits tout autour du massif. Dans une répartition par vallée, certains des dix secteurs sont bien lotis avec jusqu’à 300 couchages disponibles, alors que d’autres territoires sont en dessous des 200 lits : (165 personnes aux Chapieux sur la comme de Bourg-Saint-Maurice ou 204 aux Contamines-Montjoie). « On a décidé de ne pas rajouter d’adhérents dans les secteurs où l’on a un nombre de lits haut, pour ne pas augmenter l’offre et les écarts avec des secteurs moins pourvus. On veut avoir un nombre de lits constant sur toutes les étapes identifiées », détaille le président de l’association des gardiens de refuge. Par ailleurs pour garder un esprit originel, le règlement intérieur de l’association stipule que chaque hébergement doit avoir au moins de 30 % de ses lits en dortoir.

La stratégie d’autogestion a ses limites et Julien Jean l’assure : « Si tous les gens qui font le tour du Mont-Blanc dormaient dans les refuges du réseau et un peu dans les bivouacs, cela tiendrait. Mais ce que l’on ne maîtrise pas, c’est tout ce qui déborde. »

Le lac Blanc. Photo Adobe Stock
Le lac Blanc. Photo Adobe Stock

La fréquentation dépasse en haute saison les 1 000 randonneurs par jour

Martigny, Bourg-Saint-Maurice et même Moûtiers, des taxis effectuent des transferts toujours plus loin matin et soir, pour aller chercher des hôtels, parfois aussi pour un public en recherche d’un certain confort. Il y a quelques années, une dizaine de chauffeurs assurait ces transferts et les transports de bagages. Ils sont aujourd’hui une quarantaine à tourner tout l’été.

Le tour du Mont-Blanc est aujourd’hui équipé de 18 éco-compteurs sur l’intégralité du parcours. La fréquentation dépasse en haute saison les 1 000 randonneurs par jour, avec jusqu’à 1 500 personnes par étapes. Dans l’attente d’une synthèse globale encore en cours, réalisée par les Amis de l’UTMB qui a beaucoup investi sur le sujet, certains observateurs annoncent plus de 50 000 personnes sur le tour du Mont-Blanc pour l’année 2025. Une consolidation scientifique est attendue.

Les enquêtes montrent que 56 % des marcheurs font au moins une nuit en bivouac. Cette pratique accrue pose des problèmes et transforme la nature en vaste camping. Le 4 août dernier par exemple, l’aire officielle de bivouac des Chapieux accueillait 200 tentes, mais il y avait également 125 tentes entre le refuge des Mottets et le col de la Seigne, dans un territoire interdit, où le propriétaire privé a pourtant posé des panneaux.

Pour l’été 2026, les réservations déjà ouvertes

Côté italien, cette pratique est devenue totalement interdite en vallée d’Aoste. Cette question dépasse bien souvent le cadre des communes et remonte au niveau des États. L’entité Espace Mont-Blanc peut permettre de « mettre de la cohérence dans les efforts » estime son vice-président français, Éric Fournier.

L’un des axes de travail va avec le nouveau site internet Autour du Mont-Blanc. Depuis le 1er octobre, les agences peuvent réserver les refuges, mais avec des quotas limités et favorisant les tours guidés. Pour les particuliers, la plus grande quote-part est préservée. Pour l’été 2026, ces réservations sont ouvertes depuis le 15 octobre.

« On s’est doté de moyens pour essayer de limiter le nombre d’agences, qui proposent un tour du Mont-Blanc sans guide, et essayer de favoriser les individuels, qui planifient leur tour en s’informant sur le territoire et en ayant une plus grande conscience de l’endroit où ils vont mettre les pieds », annonce Julien Jean.

Dès le 15 novembre, le cœur de saison sera déjà bien plein, à plus de 50 % pour certains hébergements et déjà à 100 % pour d’autres.

Précision sur les sites internet concernant le tour du Mont-Blanc

Le site internet “autourdumontblanc.com” permet de retrouver l’ensemble des informations sur l’itinéraire du tour du Mont-Blanc, entre réglementation, conseils pratiques et hébergements.

Toutefois, le site de référence pour les réservations est “montourdumontblanc.com”. Il permet de réserver en ligne ses différents couchages. Non seulement cette adresse internet regroupe les 43 hébergements, mais la plateforme actualise en temps réel les dernières informations sur tous les sujets liés au tour du Mont-Blanc.

Article issu du Dauphiné Libéré

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