Avec l’impact du réchauffement climatique, le sommet de la Grande Casse est de plus en plus difficile d’accès. En été, il est même inaccessible. Les 11 et 12 juillet prochains, trois guides de haute montagne vont tenter de trouver une nouvelle voie pour l’atteindre. Si ce chemin s’avère fructueux, il permettra à tous de poursuivre l’ascension du plus haut col de Savoie.
C’est un projet auquel les professionnels de la montagne s’intéressent depuis plusieurs années. Car ils voient le plus haut sommet savoyard, la Grande Casse se métamorphoser à vue d’œil chaque année. Culminant à un peu plus de 3 855 mètres, le tracé actuel laisse les alpinistes face à des pentes de 50°. En été, l’ascension jusqu’au sommet est désormais inaccessible. Une conséquence directe d’une température en constante augmentation.
Rendre accessible le sommet tout au long de l’année
« C’est l’un des sommets les moins bien exposés et il en souffre énormément, précise Bernard Vion, figure historique des guides de Pralognan-la-Vagnoise. Exposé sud-ouest, en juin le soleil frappe alors de 10 à 22 heures. »
Il est difficile de quantifier la fréquentation totale jusqu’au sommet, mais près de 90% des ascensions sont réalisées en hiver et au printemps. Un impact sur le travail des guides. Et pour que ce célèbre sommet reste accessible tout au long de l’année, le 11 et 12 juillet prochain, trois guides vont tenter de rouvrir une ancienne voie. Non pas par le glacier lui-même, mais par une arête rocheuse, qui contourne au nord sa partie la plus escarpée. Et tenter aussi un chemin retour.
Deux passages vont être étudiés. « Nous aurons deux cordées. Chacun sera équipé d’un GPS pour garder une trace du parcours », précise Emmanuel Pellissier, le président du bureau des guides d’Albertville. Il fera partie du trio.
Une démarche encouragée et accompagnée par les politiques, dans une période où le tourisme quatre saisons en montagne est plébiscité. « C’est un sommet historique, si les conditions le permettent, il faut ouvrir cette nouvelle voie », pousse la maire de Pralognan-la-Vanoise, Martine Blanc. Et ce n’est pas le maire d’Albertville, Frédéric Burnier Framboret, également membre du syndicat des géomètres experts qui dira le contraire. Cette organisation participe également à ce projet. L’an passé, ils ont mesuré aux centimètres près le sommet. Permettant d’ajouter de nouvelles données et de le modéliser. « La montagne est à tout le monde. Donc il faut tenter pour qu’elle continue d’être accessible. »
« En montagne, il n’y a pas de risque 0 »
L’ouverture de cette nouvelle voie se fera donc à l’appréciation des professionnels qui donneront une cotation précise. Elle permettra de déterminer la difficulté du parcours. « En montagne, il n’y a pas de risque 0. Mais, si le risque est minime, elle pourra ouvrir », glisse Laurent Charnay, responsable du service scientifique du Parc de la Vanoise.
Pour l’heure, seulement un tiers de cette nouvelle voie a été étudié. L’an passé, Emmanuel Pellissier a pu effectuer une première reconnaissance. Expérimenté, il a déjà ouvert plusieurs voies dans le monde entier. « Il y a un côté excitant lorsque l’on est guide de découvrir de nouveaux passages plus explorés depuis longtemps. Puis cette arête me fascine », poursuit le professionnel.
Si rien n’est sûr, les guides vont tout faire pour trouver le bon trajet. Car la part d’inconnu reste importante. Et la montagne peut réserver quelques surprises.
Des personnes ont tenté de gravir le sommet en… basket
Pour que le 11 et le 12 juillet, les guides puissent monter, il faudra que les conditions météorologiques soient réunies avec un temps sec.
Aussi, la médiatisation de la nouvelle voie devrait permettre aussi de sensibiliser le grand public à la dangerosité de l’alpinisme. Certains insouciants prennent beaucoup de risques pour une simple story sur Instagram. L’été dernier, le peloton de gendarmerie de haute montagne a dû intervenir pour sauver des personnes tentant de gravir le sommet en… basket. Nécessitant une intervention de plusieurs heures en pleine nuit. « Il y a un effet réseaux sociaux. Certains après avoir vu une vidéo sur internet sont prêts à tout pour réaliser la même », souffle Emmanuel Pellissier.
En montagne, il faut faire preuve d’humilité. Que ce soit pour les amateurs ou bien pour les professionnels. « Si cette voie n’est pas assez sécurisée, il faudra renoncer », conclut sagement Bernard Vion. Et repartir au travail pour continuer de rendre accessible le plus haut sommet savoyard.
Article issu du Dauphiné Libéré