Calotte glaciaire du mont Blanc : « Elle serait au maximum épaisse de 22 mètres »

Des scientifiques français et italiens ont fait cordée, il y a quelques jours, pour cartographier et établir une topographie 3D de la calotte glaciaire du toit des Alpes. Leur objectif : recueillir des données précieuses sur l’impact du changement climatique et remonter le fil du climat alpin.

Après trois mois à scruter les bulletins météo avec l’espoir d’y voir un créneau de beau temps sans vent, le guide et chercheur au laboratoire Edytem Xavier Cailhol n’a pas caché son enthousiasme quand il a pu, le 31 mai dernier, donner rendez-vous au sommet du mont Blanc à toute une équipe de scientifiques franco-italiens.

Composée de trois chercheurs de la Fondazione Montagna Sicura, du géomorphologue directeur de recherche au CNRS Ludovic Ravanel et de lui-même, cette cordée de spécialistes souhaitait profiter de l’année internationale des glaciers, pour procéder à une importante campagne de mesures sur la calotte glaciaire du toit de l’Europe occidentale.

Calotte glaciaire du mont Blanc : « On la connaît assez mal »

Car si le mont Blanc détient bien un sommet rocheux culminant à environ 4 792 mètres, son point le plus haut est formé par une épaisse couche de neige et de glace dont l’altitude exacte varie entre 4 805 et 4 810 mètres, selon les accumulations provoquées par les vents d’ouest. Une calotte qui constitue la “référence” pour l’altitude officielle du mont Blanc et qui intéresse particulièrement les chercheurs. « On la connaît assez mal », résume Xavier Cailhol, indiquant qu’en dehors des mesures biennales du sommet par des géomètres afin de déterminer son altitude exacte, aucune modélisation approfondie n’a été entreprise depuis le début des années 2000 et les travaux de l’équipe du glaciologue Christian Vincent.

Heureux de se retrouver au sommet d’un massif qui les unit plus qu’il ne les sépare, les scientifiques ont donc posé leur équipement à 4 800 mètres, dès l’aube du 31 mai, avant de s’affairer pendant près de huit heures.

Pour les aider à cartographier au millimètre près la topographie et l’épaisseur de la glace, ils ont pu cette fois compter sur un arsenal technologique incomparable à celui d’il y a un quart de siècle. Des drones équipés de détecteur Lidar, des GPS différentiels ou encore des géoradars dernier cri. « Chaque équipe a apporté là-haut ses outils les plus performants et ses connaissances », explique Ludovic Ravanel. Un partage des tâches efficace qui a vu les Français s’employer à relever les coordonnées GPS pendant que les Italiens pilotaient les drones.

« En 2022, on a mesuré des températures de +10 °C au sommet du mont Blanc »

Après ce travail de terrain, les scientifiques procèdent désormais au traitement des données. Une opération qui doit conduire à une modélisation en 3D de la calotte glaciaire. « Les premiers résultats, qu’il faudra encore affiner, laissent penser qu’elle serait au maximum épaisse de 22 mètres », confie Xavier Cailhol pour qui cette cartographie permettra, au gré des futures campagnes de mesures, d’en savoir davantage sur les conséquences du réchauffement climatique à cette altitude.

Dans les décennies à venir, le toit des Alpes pourrait, lui aussi, connaître d’importantes transformations. « En 2022, on a mesuré des températures de +10 °C au sommet du mont Blanc, ce qui n’est pas sans conséquence pour les glaciers, poursuit le chercheur français. Là où ils restaient toujours froids et collés à la roche auparavant, ils peuvent désormais passer à 0 °C et commencer à glisser. Et même si ce n’est pas encore le cas pour le sommet du mont Blanc, il est possible que sa calotte se réchauffe tout de même ».

D’ici la fin de l’été, l’équipe, dont les travaux sont financés par la Région de la Vallée d’Aoste, pourra donc présenter au grand public une modélisation complète où figureront des éléments comme l’épaisseur ou le volume de glace contenu au sein de la calotte. Mais une phase de recherche ultérieure s’annonce tout aussi passionnante. La cordée franco-italienne projette en effet de revenir pour effectuer des carottages profonds dans la calotte, afin d’y lire les archives naturelles du climat alpin.

« Grâce à notre connaissance de la topographie de la calotte, on saura où prélever des échantillons d’une glace pouvant être parmi les plus anciennes jamais étudiée dans les Alpes », se réjouit l’équipe de chercheurs, impatiente de savoir si le mont Blanc abrite une glace plus ancienne que celle vieille de plus de dix millénaires collectée au col Gnifetti, dans le massif du Mont-Rose. Cette glace pourrait aussi contenir des traces de pollution ou d’autres indicateurs permettant d’en apprendre un peu plus sur le passé climatique des Alpes. Un trésor pour l’heure bien enfoui sous les crampons des alpinistes.

Article issu du Dauphiné Libéré

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