L’accueil glacial au guichet de la SNCF pour prendre son billet confirme que la gare de Saint-Gervais le Fayet n’a rien d’un site touristique. Prendre la ligne du Mont-Blanc Express qui relie la France à la Suisse, c’est d’abord emprunter une ligne voyageur assez classique du réseau français.
Un trajet domicile – travail pour certains
Ici pourtant, on quitte les voies de 1,435 mètre de large pour une voie métrique. À bord de la Z 800, la célèbre voix de Simone n’est pas dans les haut-parleurs pour annoncer les arrêts. Les consignes sont données par la contrôleuse qui indique que cinq arrêts sont desservis sur demande. Charge aux voyageurs d’appuyer sur le bouton comme dans un bus de ville.
Dans le train de 9 h 28, des habitués de l’itinéraire ont pris place pour l’un de leur trajet domicile – travail. D’autres voyageurs sont des vacanciers chargés de leurs lourds bagages et rejoignent la vallée de Chamonix. Enfin, certains passagers vont en Suisse et profiteront de l’intégralité de la ligne jusqu’à Martigny.
Des fenêtres panoramiques
Passé la traversée de la zone d’activité, l’ensemble ferroviaire composé de deux wagons emprunte une pente de 7 à 9 %, la déclivité maximale pour rouler en adhérence sur les rails. Grâce aux fenêtres panoramiques situées sur les parties hautes des voitures, le voyageur découvre le viaduc routier en courbe des Egratz, une prouesse technologique inaugurée en 1981.
Le Mont-Blanc Express est lui aussi un miracle de l’ingénierie. La ligne, plus que centenaire (1908), est électrifiée depuis son origine et circule été comme hiver. Entre son départ et le point culminant à Montroc, elle franchit une dénivellation de 800 mètres.
À l’approche des Houches, la verticalité est une réalité. D’un côté la pente masque la vue, de l’autre le ravin juste à l’aplomb des rails inquiétera les plus sensibles au vertige, avant de franchir le spectaculaire viaduc Sainte-Marie long de 125 mètres et surplombant l’Arve à 52 mètres de hauteur, qui permet de changer de versant.
Au fil des arrêts, le train se remplit. Une colonie de vacances va découvrir Chamonix à la journée. Des randonneurs et leurs lourds sacs à dos vont rejoindre leur point de départ du jour. Les 90 places assises ne suffisent plus, il faut rester debout au milieu des sacs de randonnée, comme dans un tramway urbain, mais le train ne peut accepter plus de 150 personnes.
Der Sommer-TV-Hit! @srf zeigt ab heute täglich #schweizaktuell #srfalpenreise! Und #SchweizTourismus präsentiert tolle Reise-& Ferientipps entlang der Alpenreise-Route vom MontBlanc zur Rigi! Z.B. Den "Mont-Blanc Express" @valaiswallis @MartignyTourism pic.twitter.com/uPb0lzCKgA
— Der Schweiz-Experte (@STMediaCH) July 16, 2018
Une carte postale en mouvement
L’été, la ligne est à son maximum de fréquentation sur les 800 000 visiteurs annuels empruntant cette voie unique, où seuls les croisements entre trains peuvent se faire dans certaines gares, alors que près de 15 trains circulent par jour.
Au-dehors, le décor est digne d’une carte postale en mouvement. Le glacier des Bossons, le lac des Gaillands et son rocher d’escalade, puis l’aiguille du Midi… le trajet est une visite en soi sans effort, une façon très contemplative de découvrir la vallée de Chamonix et ses sommets mythiques : les Drus, la Verte, l’aiguille d’Argentière. Les appareils photo sont de sortie pour saisir ce panorama.
En arrivant à Montroc au point le plus haut à 1 380 mètres d’altitude, la transhumance d’un troupeau de chèvres et de brebis confirme la ruralité du territoire traversé. L’arrêt ne dessert que quelques maisons dans le cul-de-sac de la vallée, alors l’autre attrait de cette pause est bien l’environnement naturel où nombre de marcheurs ont prévu leur départ de randonnée. La sortie de cette impasse n’est possible qu’en pénétrant dans le long tunnel des Montets. Long de 1 882 mètres, il est l’un des 48 ouvrages d’art que compte la ligne du Mont-Blanc Express.
Une frontière inexistante
À la sortie, une nouvelle vallée tout aussi sauvage, la vallée de l’Eau Noire. Vallorcine est la dernière étape française avant la frontière. Parfois le train continue, parfois il est nécessaire de changer de wagon pour monter dans celui qui est à quai en face, pour des considérations techniques d’exploitation. Quel que soit l’impératif pour les voyageurs, là s’arrête la partie française. Les agents de la SNCF laissent la place aux agents de la TMR (Transports de Martigny et Régions).
La frontière n’est même pas une formalité, elle est tout simplement inexistante. En Suisse, le parcours est beaucoup plus sinueux et vertigineux à l’image des six ponts, cinq viaducs, douze tunnels et seize galeries construits pour installer les rails. Après le barrage d’Emosson, le Mont-Blanc Express dessert des sites touristiques comme le funiculaire VerticAlp, les gorges du Triège, le zoo des Marecottes, les gorges du Trient, jusqu’à la fondation Gianadda. À flanc de montagne, le tracé est impressionnant mais tellement esthétique jusqu’à Salvan.
Comptez un peu plus de 5 heures pour faire l’aller-retour
Il est temps de perdre de l’altitude pour plonger dans la vallée. La pente est tellement importante que le Mont-Blanc Express doit s’agripper à une crémaillère. Sans bruit supplémentaire, la descente se fait dans une inclinaison à 20 % pendant 2,5 kilomètres. Un long tunnel dans la montagne permet au train d’effectuer progressivement un virage à 180 degrés.
En bas après Vernayaz, l’arrêt les Fumeaux est également le dépôt du matériel roulant, juste avant l’arrivée en territoire plus urbain à Martigny.
Un couple a profité des 57 kilomètres et fait dans la foulée le trajet retour. Pour eux le voyage était une excursion. Parcourir l’intégralité de la ligne dans les deux sens prend un peu plus de cinq heures.
Article issu du Dauphiné Libéré