Perché à 1 218 mètres d’altitude, le col de Bavella est bien plus qu’un simple passage entre l’Alta Rocca et la côte orientale de la Corse. C’est un monument naturel et sportif, un carrefour stratégique entre les sommets, un joyau géologique et l’une des ascensions les plus redoutables de l’île. Cyclistes, randonneurs, grimpeurs ou simples curieux : tous ceux qui le franchissent s’en souviennent.
Le col de Bavella relie les villages de Zonza et de Solenzara, en traversant une partie de la Corse intérieure où le granit est roi. Ici, la montagne se dresse sans retenue, taillée par l’érosion, battue par les vents, traversée par les légendes. Bavella, ce sont avant tout ses célèbres aiguilles : des flèches de pierre rouge ou dorée, acérées comme des lames, culminant à plus de 1 800 mètres, et qui dominent le col dans une ambiance de cathédrale alpine.
Le lieu marque une transition spectaculaire entre la végétation dense des forêts de pins laricio et les paysages presque lunaires de la haute montagne corse. C’est un espace de contraste, à la fois rude et enchanteur, où se mêlent silence minéral et chant du vent.
Une ascension redoutée des cyclistes
Si le col de Bavella attire tant les passionnés de la petite reine, c’est qu’il représente le défi ultime en Corse. L’itinéraire le plus difficile, celui qui part du village de Solenzara sur le littoral, propose une montée longue de près de 30 kilomètres, pour un dénivelé positif de plus de 1 300 mètres.
La pente moyenne, relativement modérée sur le papier (4,7 %), masque une réalité bien plus exigeante. Les premiers kilomètres permettent de s’échauffer en douceur. Les choses se compliquent après 12 kilomètres. La pente se redresse, les lacets s’enchaînent, et le final impose des rampes dépassant les 12 %, souvent sous un soleil implacable.
Ce col est rarement emprunté par les grandes compétitions cyclistes en raison de sa difficulté logistique, mais il figure sur les itinéraires de nombreux défis amateurs, comme la Corsica Cyclo ou les raids multisports.
Un carrefour sur le GR20
Côté randonnée, le col de Bavella est un point de passage emblématique du GR20, le sentier de grande randonnée qui traverse la Corse du nord au sud. L’étape qui relie le refuge d’Asinau au col est l’une des plus spectaculaires du parcours, avec une variante alpine réservée aux marcheurs expérimentés, passant par la Punta di l’Accellu.
Le col constitue aussi une porte d’entrée pour des randonnées à la journée, notamment vers le Trou de la Bombe, une curiosité géologique bien connue, ou vers la Punta Velaco.
Un haut lieu de l’escalade insulaire
Les aiguilles de Bavella sont aussi un terrain de jeu privilégié pour les grimpeurs. Le granit y est exceptionnel, sculpté de fissures, de dalles et de surplombs spectaculaires. De nombreuses voies d’escalade, parfois engagées, y ont été ouvertes dès les années 1970. Le site est aujourd’hui réputé bien au-delà de la Méditerranée, attirant des grimpeurs en quête de verticalité sauvage.
Un site fragile à préserver
Bavella est victime de son succès. Chaque été, des centaines de véhicules stationnent le long de la route, les sentiers sont surfréquentés, et l’érosion s’accélère. Le site est classé au sein du Parc naturel régional de Corse, qui œuvre à la régulation de la fréquentation et à la protection des milieux naturels.
Les autorités locales et les associations environnementales militent pour une approche plus douce, avec navettes, parkings périphériques, et sensibilisation des visiteurs à la fragilité du massif.
Le col de Bavella, c’est un concentré de Corse : rude, sauvage, magnifique. C’est un lieu qui se mérite, que l’on aborde à la force des mollets ou des semelles, et qui récompense l’effort par une beauté brute, presque mystique. Un passage obligé pour tout amoureux de la montagne.
