De la ruine au luxe : l’incroyable histoire du plus grand 5 étoiles des Alpes

Elle a tout fait pour fuir cet hôtel. En menant d’abord des études à l’école d’ingénieur de Grenoble en mécanique quantique et physique nucléaire. En s’expatriant ensuite aux États-Unis pour travailler. « Je suis née à Grenoble et j’avais 3 jours quand je suis arrivée dans cet hôtel. J’ai grandi au milieu des clients, sans vraiment voir mes parents », explique Patricia Grelot-Collomb. Et pourtant !

Patricia Grelot-Collomb. Photo Le DL/Benoît Lagneux
Patricia Grelot-Collomb. Photo Le DL/Benoît Lagneux

« Beaucoup de nos clients séjournaient aux Grandes Rousses quand ils étaient enfants »

En 2012, elle reprend cette affaire familiale, l’hôtel des Grandes Rousses, et la hisse, 10 ans plus tard, au sommet en décrochant cinq étoiles. Un nouveau chapitre dans une épopée qui comprend déjà plusieurs tomes. Le premier ayant été écrit il y a plus d’un siècle par son arrière-grand-père. « On porte clairement cet héritage que l’on transmet à nos collaborateurs. On a le devoir d’être à la hauteur », précise Patricia. « Cet hôtel a une vraie âme, un vrai charme grâce à son histoire, ajoute Théodora Laroche, la directrice de l’hébergement. Beaucoup de nos clients séjournaient aux Grandes Rousses quand ils étaient enfants. Ils aiment d’ailleurs souvent échanger des anecdotes avec nous. »

Une histoire incroyable, digne des plus grandes aventures industrielles, qui a démarré avant même la création de la station de l’Alpe d’Huez. Avec comme premier personnage Joseph Collomb, l’arrière-grand-père de Patricia. Enfant de l’assistance publique, il débarque dans le village d’Huez avec deux chèvres et un projet : faire du fromage. « Beaucoup de villageois venaient le voir car il savait lire et écrire. Les premiers randonneurs étaient également de passage l’été. Ce qui lui a donné l’idée d’ouvrir un café de village qui est devenu une auberge. Il a ensuite créé le premier lieu d’accueil pour les skieurs avec une chambre d’hôtes chauffée par la bergerie », raconte Patricia.

Le nom de “Grandes Rousses” ne sera apposé que quelques années plus tard. « On ne connaît pas vraiment la date », dit-elle. Mais un papier à lettres gardé dans les archives familiales nous indique tout de même que l’hôtel des Grandes Rousses existait en janvier 1915. Sur ce document, on peut y lire : “Entre excursions et ascensions, cure d’air et cure de lait. Ânes et mulets pour excursions. Voiture à tous les trains sur demande.” Avec un prix de 5 francs par jour.

« L’histoire de cet hôtel, c’est l’histoire de l’Alpe d’Huez »

Véritable pionnier pour l’époque, Joseph va insuffler – sans le savoir – une tradition d’innovation et d’entrepreneuriat dans la famille. Quand aujourd’hui, l’hôtel des Grandes Rousses se dote de la plus grosse chaudière biomasse des Alpes, ce n’est donc pas un hasard. « Dans mon enfance, j’ai baigné dans une hôtellerie innovante. Mon père a construit le premier chauffage solaire en montagne et s’amusait à développer des résines chauffantes pour déglacer les toitures de l’hôtel », se souvient Patricia. Des innovations qui ont aussi accompagné le développement de la station. « L’histoire de cet hôtel, c’est l’histoire de l’Alpe d’Huez », nous confie un employé.

C’est la deuxième génération, incarnée par Clotaire, en tant que maire, qui va entreprendre, en même temps, le changement de dimension des Grandes Rousses et celui de la station. L’auberge créée au début du siècle déménage ainsi d’Huez à l’Alpe d’Huez en 1956 tandis que Clotaire lance avec Maurice Rajon, la Sata, la société d’exploitation du domaine skiable. Des révolutions qui fascinent encore aujourd’hui Patricia, elle qui ne cesse d’être en quête d’innovations, s’apprêtant à lancer cinq phases de travaux pour réduire l’empreinte carbone de l’hôtel. « Au fond, c’est ce qui me plaît dans cette aventure. Innover, créer, avancer… Mener des projets en somme. »

« Dans la station, on me voyait comme l’héritière parisienne qui débarquait »

Car la fibre de l’hôtellerie, elle la délègue plutôt à ses équipes. Notamment son bras droit, Céline Cayot. « Avec Patricia, c’est un projet par jour ! » souligne-t-elle. Une force de caractère qui a porté la dirigeante au moment de la reprise en 2012.

« Dans la station, on me voyait comme l’héritière parisienne qui débarquait », se souvient Patricia. Elle venait alors du luxe, notamment Hermès. « Quand on voit ce qu’un petit berger a pu surmonter comme épreuves et fait comme chemin dans une industrie qu’il ne connaissait pas, on se dit que beaucoup de choses sont possibles ! »

Sans doute ce qui l’a incitée à reprendre l’affaire quand elle s’est retrouvée au pied du mur. L’hôtel qui avait été mis en location au début des années 2000 à la suite de la retraite de la mère de Patricia était dans un état « lamentable », pour ne pas dire « saccagé ». Le locataire avait pris la fuite. « L’huissier m’a remis les clés en me demandant si je voulais vendre ou reprendre », raconte Patricia. Épaulée par sa sœur qui travaillait déjà dans l’hôtellerie, elle rouvre les Grandes Rousses en février 2012 pour les vacances, « sans aucune réservation ! précise-t-elle aujourd’hui avec le sourire. J’ai passé la saison à m’excuser auprès des clients vu l’état de l’hôtel ».

Mais il en fallait plus pour décourager cette femme de projets qui, d’année en année, a ajouté une étoile sur la devanture de la maison, pour en obtenir cinq en 2022. Entre-temps, l’hôtel a été totalement rénové avec une surface d’exploitation doublée. Ce qui en fait aujourd’hui le plus grand cinq étoiles des Alpes.

Article issu du Dauphiné Libéré

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