Courchevel, temple du luxe : immersion dans le monde féerique des Airelles

Ils ont l’habit blanc et le béret tarte des chasseurs alpins. On pourrait les affubler d’un casque bleu. Au bord de la piste verte du jardin alpin, le ski room des Airelles est un des rares endroits au monde où Russes et Ukrainiens cohabitent en harmonie, à la veille de Noël. Et les valets skieurs sont aux petits soins. Mieux qu’un chausse-pieds, ils ajustent aux petons d’une clientèle huppée, ces boots qui lui permettront de dévaler les Trois vallées. Sur la neige, les skis sont rangés au cordeau, par numéro de chambre. En fin de journée, nos troupes hospitalières seront là pour retirer aux hôtes vêtus de combinaisons Bogner, Toni Sailer, Dior ou Prada, les planches louées au magasin Bernard Orcel de l’hôtel, avant de les expédier à l’atelier pour un coup de fart.

Un décor de Disney

À Courchevel, plus forte concentration d’hôtels de luxe en Europe, dix-sept 5 étoiles et cinq palaces, les valets skieurs des Airelles sont l’incarnation de la formidable ascension de la station depuis 1990. Cette année-là, Raymonde Fenestraz, entreprenante femme d’affaires locale, transformait un vieil hôtel en imposante bâtisse de style tyrolien. L’alchimiste inventait les Airelles, digne du château de la Belle au bois dormant, ses valets skieurs assortis, ses buffets pantagruéliques, ses chambres plus vastes, son spa. Trente-cinq ans plus tard les hommes en blanc sont immuables dans ce décor de Disney. Le palace, parangon de l’essor premium de Courchevel, est, depuis 2007, dans le giron du magnat de l’audiovisuel Stéphane Courbit qui a décliné son concept Airelles Collection à Gordes, Saint-Tropez, Versailles, Val d’Isère.

D’après Ludovic Thomas, maître des clés depuis 22 ans, la maison mère « a gardé son âme ». À la tête de la conciergerie avec son bataillon de chasseurs voituriers, avec leur Rolls Suv, et de valets skieurs, il témoigne du génie marketing de l’ancienne patronne. Elle a voyagé pour amener à Courchevel cette clientèle internationale qui, un tiers de siècle après, représente 75 % des nuitées. Elle a rapporté ces touches personnelles donnant son cachet à l’établissement. D’inspiration alpine mais pas que. Tel ce plafond d’un palais vénitien dans le bar. Ou les tommettes au sol et la cheminée au carrefour des trois restaurants de l’hôtel, prélevées des ruines d’un château en Bourgogne. « L’effet recherché était d’en mettre plein les yeux, à l’instar de ces peintures murales de chasse », témoigne David Dreani, stagiaire à l’ouverture de l’hôtel, spécialiste de l’histoire des stations de sports d’hiver.

Comptez deux employés par client

Pierre Gagnaire n’a plus sa table étoilée dans ces murs. La pièce a été transformée en fumoir, ou armagnac hors d’âge et sélection de cigares attendent les convives sous le lustre en cristal Saint-Louis. Dans les vitrines, un Pétrus 1983 nargue les palais d’œnologue. Silvia Almeida, patronne des réservations évoque un taux de fidélisation de 40 % chez une clientèle venue du monde entier. Brésiliens, Monégasques, Américains, Ouzbeks… « Pas plus de 15 % par nationalité ». Avant les fêtes, les 44 chambres ou suites, les trois chalets privatifs, prisés des visiteurs du Moyen Orient, affichaient complet. Avec une armée de 250 personnels à leur service. Comptez deux employés par client. Autant que de sherpas pour un ascensionniste à l’Everest. Faut ça pour être au sommet de l’élégance. La demi-pension débute à 2500 € et culmine à 30 000 -le prix d’achat d’un studio les Vosges- pour l’appartement de 550 m². Certains séjournent trois semaines. On imagine la note au check-out !

Forcément, les services sont à la hauteur. Au niveau -1, deux salles de cinéma, trois espaces ludiques avec château fort reconstitué et salle dédiée aux jeux vidéo. L’étage -2 est consacré à la beauté et à la relaxation. Avec manucure, salon de coiffure, kinés et coach sportif préposé à la salle fitness. Autour de la piscine intérieure le spa, ses cabines de cryothérapie, ses jacuzzis, sa grotte à neige et ses douches sensorielles font sensation. Au royaume du luxe, les Airelles restent à la pointe. Pour Ludovic Thomas, la concurrence depuis la décennie 2000 a encore monté d’un cran le standing.

Parmi les huit premiers palaces français

Les Airelles ne fut pas le premier hôtel « hype » de la station. Dès 1958, Le Lana, 4 étoiles, sortait de terre. Mais son concept fut pionnier, donnant le go à l’essor très haut de gamme. En 2009, quand la classification 5 étoiles apparaît en France, il est, avec six autres de Courchevel, dans les onze premiers. Deux ans plus tard, dans le cercle des huit premiers palaces français distingués, il figure avec son voisin le Cheval-Blanc, propriété de Bernard Arnault.

Une évolution qui n’était guère du goût de Laurent Chappis, l’urbaniste qui créa, après-guerre, la station, première Française en site vierge, deuxième dans les Alpes derrière Sestriere, parlant de « folklore de pacotille ». En décalage avec l’urbanisme à hauteur d’alpage, « sans superflu » qu’il prônait. En rupture aussi avec l’idée lancée par le communiste Pierre Cot, au département de la Savoie, tenant d’une « vision sociale visant à mettre la jeunesse face à la montagne ».

David Dreani rappelle que la gestation de Courchevel fut complexe et moins lutte des classes qu’on le dit. Source de débat aussi. Certains promoteurs voulant faire un super Megève. « Elle a été aussi conçue pour concurrencer les stations qui captaient la clientèle haut de gamme, Saint Moritz, Gstaad, Cortina ». Et dans le plan fondateur tracé en 1946, des zones étaient réservées à des hôtels. Plan qui mit du temps à être exécuté. Jusqu’à ce que la générale en chef Fenestraz lance les hostilités, avec ses valets skieurs, aussi muets que l’hôtel est visible. N’essayez pas de leur tirer les vers du nez pour savoir quelle célébrité séjourne ici. La discrétion, de nos jours, est le plus précieux des luxes.

Article issu du Dauphiné Libéré

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