« Ici, c’est mon paradis sur Terre » : le vallon de Laverq à Méolans-Revel

C’est une demande faite par Lucien Tron lors d’une matinée d’été ensoleillée au cœur du vallon du Laverq, à deux pas des vestiges d’une abbaye chalaisienne. « Il ne faut pas que je sois la vedette. C’est l’histoire du hameau qui importe », insiste-t-il dans un sourire, en acceptant de se prêter à quelques clichés pour le Dauphiné Libéré. Reste qu’avec des racines familiales dans ce coin de Méolans-Revel (Alpes-de-Haute-Provence) et ayant été le seul habitant permanent dès 2007, le septuagénaire est une bible des lieux.

Lucien Tron. Photo Le DL/Thibaut Durand
Lucien Tron. Photo Le DL/Thibaut Durand

Un vallon inhabité pendant plus de 10 ans

L’actuel président de l’association de préservation du vallon, géologue de formation et ancien des parcs nationaux des Écrins et de la Réunion, s’y est installé à sa retraite. Début juillet, sur un bac de fontaine, il a remplacé une pièce disgracieuse.

Le week-end de l’assemblée générale de l’association aux plus de 300 adhérents ? Un jas, c’est-à-dire un abri couvert pour les bestiaux, a été repris par une douzaine d’adhérents. Et en 2021 ? L’ancienne cabine téléphonique devenait une boîte à livres richement fournie. « Ici, c’est mon paradis sur Terre. Celui-là, je sais que je le tiens » Et un paradis, ça se chouchoute.

Le vallon du Laverq, c’est une ascension vers la quiétude. Tout commence au sortir de la départementale D900, au hameau du Martinet. Très vite, la chaussée se rétrécit. Puis, après les Clarionds, le bitume vous laisse continuer sans lui. Au-delà, « jusqu’en 1968, il n’y a pas eu de piste », retrace Lucien Tron.

Le téléphone, lui, sonnait dès 1926 au hameau de l’Abbaye ! Las, à cette époque, le vallon était déjà largement affecté par un déclin de population. « Ici, c’était le travail, Dieu, et puis voilà », résume le Lavergan. La dureté de la vie et l’espoir d’un avenir meilleur, ajoutés aux guerres de 1870 à 1939, ont fait s’écrouler la démographie.

La famille Tron, des paysans, s’est établie à Selonnet, 30 kilomètres plus loin, dans les années 1930. Loin des « 400 habitants vers 1860 » dans le Laverq, il ne reste plus que la fratrie Collomb au hameau de l’Abbaye en 1977. Les sœurs et le frère le quittent cette année-là. Les Clarionds, comme le haut vallon, vont être désertés pendant plus de dix ans.

« C’est la plus belle vallée de cette région, avec un caractère fantastique »

Mais le Laverq n’est pas tombé dans l’oubli. Parce qu’on y pâture. Parce qu’une association a vu le jour en 1976, impulsée par le colonel Guy Silve « pour conserver le caractère préservé et développer les activités douces. » Parce que le lieu est prisé des amoureux de la montagne, au pied de sommets des Séolane ou du glacier rocheux de la Blanche.

La preuve ? Il faut demander à Francis, un touriste belge croisé en cet été 2024. Il convoque un souvenir vieux de 40 ans. « Avec mes parents, nous étions dans la région. Et ils ont dit : “Il y a un vallon où personne n’habite, les prêtres sont partis”. On a essayé de venir avec une carte. » Découverte réussie : quatre décennies plus tard, Francis revient régulièrement et, ce jour-là, guide des amis. « C’est la plus belle vallée de cette région, avec un caractère fantastique », livre-t-il.

Il a fallu attendre 1993 pour un retour aux Clarionds. Celui de Christiane Peytral. Au-dessus de son entrée, un panneau d’une ancienne cabine téléphonique a été conservé. Et même trente ans plus tard… « Vu qu’on est en zone blanche , les gens demandent parfois à appeler sur notre fixe », sourit cette productrice de fromages de chèvre.

Les GR 6, 56 et 69 passent dans le secteur

Pourquoi revenir au Laverq ? La réponse est pragmatique et affective. « C’était la petite exploitation de mes grands-parents avec des terrains libres. Et le village me plaisait, il y avait ces attaches familiales. » Elle observe en souriant : « À l’époque, moins de monde courait la montagne. » Avant la pandémie de coronavirus, déjà, jusqu’à 11 000 visiteurs annuels étaient recensés.

Car les GR 6, 56 et 69 passent dans le secteur. Aux Eaux-Tortes, place à un paysage de tourbière à plus de 2000 mètres d’altitude. Les promeneurs peuvent aussi profiter du patrimoine réhabilité, notamment par l’association de préservation. « On a restauré des cabanes pastorales , on entretient des sentiers, on a créé deux itinéraires, l’un en une à deux heures et l’autre à la demi-journée avec des ruches savantes … », décrit Lucien Tron. Il désigne une structure en bois, d’où des tiroirs d’informations sur tous les aspects de la vie du Laverq peuvent être extraits. Et ainsi expliquer que ce joli clocher, c’est l’église Saint-Antoine l’Égyptien, datée du XVe siècle, et non l’abbaye !

« Vivre ici, c’est le vrai confort »

Depuis 2021, au hameau, un gîte communal neuf de 33 places s’est invité dans le paysage , succédant à celui qu’une famille du Laverq a fait perdurer jusqu’au milieu des années 2010. C’est « la sérénité » et le « côté sauvage », encore eux, qui ont séduit Emmanuelle Tapiero, son actuelle gérante, dont la cuisine se veut « très engagée santé ». La présence humaine au Laverq ? « On n’est pas là pour prendre à la nature, mais partager », estime-t-elle. Et d’ajouter : « Vivre ici, c’est le vrai confort. » On se doute que leur seul voisin, un certain Lucien, ne peut qu’acquiescer.

Article issu du Dauphiné Libéré

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