C’est un tableau aussi vrai que nature, des sommets qui s’intercalent, que le regard embrasse avant de plonger vertigineusement vers la vallée de la Romanche et du Vénéon. Un panorama sur les Aiguilles d’Arves, le plateau d’Emparis, les Grandes Rousses qui se passe de mots mais en impose pour faire découvrir Villard-Notre-Dame, en Oisans. Un village si près, 9 km à peine, et si loin du Bourg-d’Oisans.
Le trajet : une route étroite à flanc de montagne
Il faut monter par une route étroite à flanc de montagne dans laquelle les hommes ont forcé des tunnels, un ruban ponctué de belvédères aériens. Une aventure en soi pour les automobilistes des mornes plaines qui arrivent parfois tétanisés au café-restaurant de La Gardette à l’entrée du village.
Ce matin, Romain accueille des cyclistes venus d’Australie. « Ils sont de plus en plus nombreux, avec les randonneurs aussi », dit le patron. La montagne a été un terrain de jeux et de liberté pour cet enfant du village qui a d’abord travaillé comme moniteur de ski. « Déjà, j’avais l’idée d’ouvrir un bar-restaurant », à l’image de son arrière-arrière-grand-père qui tenait le Café des glaciers. Il lui a fallu deux ans de travaux pour transformer l’ancienne écurie et faire sa première saison en 2021.
« C’est un quartz des plus purs que l’on retrouve sur les lustres de Versailles »
Toutes les bâtisses agglutinées en cascades et surplombées par l’église accolée au petit cimetière, affichent leur histoire, d’hier à aujourd’hui. Les Brun, toutes générations confondues, la racontent depuis Paulette Brun, institutrice en 56, trois élèves alors, et son mari, André, moniteur et cristallier. Philippe Brun, l’un de leurs trois fils, comme son neveu Romain, a hérité de cette passion pour les cristaux extraits pendant des années de la mine de La Gardette qui a attiré les chercheurs d’or.
« C’est un quartz des plus purs que l’on retrouve sur les lustres de Versailles », souligne-t-il. Mais son royaume est ici, dominé par la pointe de Malhaubert, le Rochail et le Grand Renaud (3049 m). Maire de 2008 à 2020, « j’ai remplacé mon cousin Jean-Jacques Berlioux qui avait remplacé mon oncle Clément Brun », raconte l’ancien moniteur de ski.
Il connaît tous les habitants : une trentaine avec les résidents secondaires, mais une dizaine en hiver, saison où la route est déneigée chaque jour par le Département. « Mais cela nous est arrivé de rester coincés ici plusieurs jours après une avalanche », témoigne Romain. Pas de bus scolaire non plus pour Clément son fils, 15 ans : « On s’arrange avec les gens du village ».
« S’il y a un gros problème, on est tous là »
À Villard-Notre-Dame, « chacun se débrouille mais s’il y a un gros problème, on est tous là » : Marie-Claude Gallard a été marquée par cette phrase « des anciens qui nous ont transmis beaucoup sur l’histoire du village ». Petite fille, sa grand-mère du Bourg-d’Oisans l’avait emmenée ici. « Ce lieu m’avait émerveillé. Je n’avais qu’une idée : vivre là, c’était vital ». Dès les années 75, quittant la région parisienne, elle est venue en touriste dans l’un des gîtes communaux, avec Jean-Claude son mari avant de s’installer définitivement. « Les pierres me parlent », témoigne l’artiste, peintre et sculpteur. Dans cette nature, « je recherche les traces que peuvent laisser les hommes et le vivant », des formes dans les pierres, les arbres, les racines qu’elle travaille. Chaque été, elle ouvre aux visiteurs les portes de Terra Rêve, son atelier.
Le luxe du silence
En Oisans, « j’ai découvert la montagne », dit Jean-Claude, de la randonnée aux glaciers. Musicologue, « j’ai enregistré beaucoup de sons ici, celui des cloches à vaches et surtout des oiseaux », bases de ses orchestrations inédites. Le silence est “son” luxe qui laisse place au chant des grives et à l’écho des cascades du Moulin du Vallon. Jean-Claude, bénévole dans l’association des Fareillets du Rochail, qui anime le village, en est également devenu le deuxième adjoint dans l’équipe d’Ophélie Brun, la maire depuis 2020.
Pas de vacances pour la trentenaire qui a ouvert cette semaine les portes de La Brindille. Après deux ans de travaux menés avec deux frères, charpentiers, l’auberge-chambres d’hôtes affiche son identité : « Tout est fait maison même la maison ».
Monitrice de ski, professeur de yoga, diplômée de l’école Lesdiguières, « je suis passée par des grandes maisons mais Monaco ça ne me ressemblait pas trop ». Dans les traces du grand-oncle qui tenait “L’Ours brun” il y a 40 ans, « l’idée est d’ouvrir à l’année : un sacré pari » lance Ophélie qui évoque « un tourisme quatre saisons à développer doucement » pour ne rien dénaturer. « Ici, c’est la vie dans la vraie montagne ».
Article issu du Dauphiné Libéré