Odeurs de poulets rôtis et de paella, fruits et légumes, et quelques spécialités de la région comme le miel ou la lavande. Il ne manque rien d’essentiel ce vendredi matin, jour de marché hebdomadaire à Saint-Nazaire-le-Désert. « Vous cherchez à acheter dans le coin ? », demande un marchand à sa cliente. Une question un peu clichée mais bien réelle en cette période de l’année où les touristes arrivent.
« Quand on passe dans ce village, il y a quelque chose qui vous aspire »
Bienvenue dans le sud de la Drôme, à un peu plus d’une heure de voiture de Montélimar. Dans ce petit village de 200 âmes, dont à peine la moitié habite à l’année, nombreux sont les nouveaux arrivants pour ne pas dire les néoruraux.
Cédrique Sluiter est l’un d’eux. « Quand on passe dans ce village, il y a quelque chose qui vous aspire », dit-il, en en mimant un tourbillon. Ce Belge a débarqué il y a dix ans dans ce hameau aux 250 logements, situé à pas moins de 35 km d’une première petite ville.
Des néoruraux
Jusque-là, le quinquagénaire habitait en Belgique, près de Bruxelles. Sa vie n’avait alors rien à voir avec celle qu’il mène aujourd’hui. Il montait des décors à l’occasion d’expos photo, auto ou lors des sommets européens en lieu et place du Conseil ou lors des visites royales à Bruxelles. Plus jeune, il a été formé à l’agronomie puis a suivi des études d’interprète-traducteur. Le néorural parle quatre langues : le français, l’espagnol, le néerlandais et l’anglais.
Jeune, il a toujours travaillé pendant les vacances, dans l’entretien des jardins ou pour des travaux de peinture. À côté, et pour le plaisir du voyage, il a parcouru des milliers de kilomètres à vélo sans manquer de traverser les États-Unis.
À Saint-Nazaire, il a un travail plus en lien avec ce qu’il a appris sur le tas que lors de ses études. Pendant la saison estivale, il loue une partie du terrain du camping municipal pour son activité de location de vélos électriques.
À l’année, il tient une entreprise de BTP spécialisée dans la rénovation, dans laquelle il travaille seul. Contre toute attente, il ne dépasse pas les huit kilomètres par jour pour se déplacer. Il passe 99 % de son temps sur des chantiers à Saint-Nazaire. « Avec toutes ces vieilles maisons à entretenir dont beaucoup ne sont occupées que ponctuellement, du boulot, j’en ai toute l’année ». D’ailleurs, c’est comme ça qu’il a atterri ici.
L’épicerie est redevenue le point névralgique du village
L’opportunité de rénover la dépendance d’une maison, qu’un Belge habitait et qu’il connaissait, s’est présentée. En contrepartie d’un loyer défiant toute concurrence et de l’entretien de toute la propriété, c’était parti ! Cédrique a débarqué avec sa compagne Célia qui, elle non plus, ne s’ennuie pas à Saint-Nazaire. Elle et une vingtaine de bénévoles, dont Eugénie qui travaille désormais avec elle, ont retapé, il y a six ans, l’épicerie située au centre du village qui était fermée depuis plus de deux ans.
Des milliers d’euros de dons venus des locaux mais aussi de gens de toute la France ont permis sa remise en état. « De 1 à 5000 euros pour certains alors qu’ils ne connaissent même pas le village », indique Cédrique.
Grâce à ses volontés soucieuses de sauvegarder la vie dans les villages, l’épicerie est (re) devenue le point névralgique du village. Produits essentiels et locaux s’entassent désormais sur les rayons, en plus de produits frais, dans cette boutique ouverte toute l’année et qui emploie trois personnes.
Un café le matin après avoir déposé les enfants à la crèche ou une glace à l’heure du goûter quand les bambins sont libérés, ces choses simples de la vie suffisent à entretenir le lien dont seuls ces petits villages savent conserver le charme.
« Aller au marché de Die le dimanche et passer inaperçu »
Ici, chacun s’appelle par son prénom, toutes générations confondues. Une bienveillance et une promiscuité qui font aussi dire à Eugénie et ses amis que, parfois, « ça fait du bien de descendre en ville. Comme aller au marché de Die le dimanche et passer inaperçu ».
À part quelques instants d’anonymat, que manque-t-il alors dans ce hameau ? « Un distributeur de billets de banque et une offre de logements locatifs digne », énumère la bande d’amis. Un garagiste ? Celui de Brette, en cas d’urgence, débarque en 30 minutes. Un médecin ? Il y a une cabine de télémédecine à l’espace de vie sociale en plus d’un bureau de poste. Une pharmacie alors ? Pas vraiment. Les villageois ont créé un groupe WhatsApp. Quand l’un d’entre eux a besoin de médicaments, il y a toujours une personne qui descend dans la journée ou le lendemain pour les lui remonter. « Ça marche très bien », assure la bande d’amis dont Cédrique, le premier, maintient : « Ici, on est au milieu de nulle part et au centre de tout. »
Article issu du Dauphiné Libéré