Anthony Robert, moniteur de ski à La Plagne-Aime 2 000, n’arrive plus à se séparer de sa caméra embarquée. L’influenceur vosgien a commencé à filmer « comme n’importe quel touriste », juste pour le fun. Sans crier gare, les vues sur les réseaux sociaux se sont accumulées.
« J’ai remarqué que mes vidéos de skis marchaient mieux que mes copains et qu’il y avait du blé à se faire », en rigole le jeune trentenaire, arrivé à La Plagne en 2012. De fil en aiguille, après des buzz en faisant un backflip et un triple front flip, les marques ont commencé à lui donner des vêtements en échange de ses services.
Jusqu’au jour où il s’est rendu compte que son activité amateur pouvait devenir un réel gagne-pain. « Une marque de cosmétique n’a même pas cligné des yeux quand je leur ai proposé mon tarif déjà bien élevé. Là je me suis dit que j’aurai pu demander trois fois plus… »
116 millions de vues
Ses vidéos à base de figures acrobatiques , de descentes dans la poudreuse, de couchers de soleil orange fluo et de ses clients inversant maladroitement leurs chaussures de ski, sont suivies au minimum par ses 160 000 abonnés sur Instagram.
Depuis quatre ans, le créateur de contenus s’engage pleinement dans la réussite de son activité, tout en exerçant en tant que moniteur. Après sa journée de huit heures de ski, Anthony Robert joue les prolongations en soirée pour éditer ses vidéos sur les réseaux. Une abnégation qui lui a permis d’atteindre les sommets en septembre dernier, avec 116 millions de vues.
On le voit skier sur une crête à la Roche de Mio , entourée d’une mer de nuage à couper le souffle. Il a calculé que sa vidéo de dix secondes a été regardée sur 32 ans en termes de temps de lecture.
7000 euros pour une publicité d’aspirateur
Pour autant, le skieur sait garder les pieds sur terre. « Le succès sur les réseaux, c’est mystérieux. Tu as beau avoir le meilleur contenu du monde, ça peut faire un bide, et des fois tu publies un truc pas travaillé, et ça fait des millions. »
« L’objectif serait de prendre plus de temps pour moi et que mon salaire de créateur de contenus dépasse celui de moniteur. Je serai libre d’aller et venir comme je l’entends, sans avoir besoin de pointer du lundi au vendredi de 8 à 19 h ». Depuis cette année, il collabore avec une agence de communication parisienne pour gérer ses contrats et négocier les rémunérations à sa juste valeur.
D’autant que les sommes vertigineuses proposées par les marques pourraient lui faire tourner la tête. Pour être en adéquation avec ses valeurs, il a refusé de faire de la publicité pour un aspirateur, qui lui aurait pourtant rapporté 7 000 €
.
Une réputation à tenir
« Même Chatgpt n’a pas trouvé un lien entre aspi et ski », plaisante l’influenceur. « Juste pour un alléchant billet, tu vas perdre en crédibilité auprès des gens qui te suivent, faire un bad buzz et ton business va mourir à petit feu ».
A contrario, Anthony Robert souhaite mettre à profit sa notoriété pour sensibiliser sur la sécurité sur et hors-pistes , grâce à sa casquette de moniteur. « Avec ma tenue de rouge, je ne peux pas dire aux gens de faire attention et dans mes vidéos faire des choses dangereuses ».
Sa notoriété a même dépassé les montagnes plagnardes. La semaine prochaine, Anthony Robert s’envolera en Turquie pour faire la promotion d’Erciyes en Anatolie centrale : l’influenceur a plus d’une idée derrière la tête.
« Les moniteurs sont des ambassadeurs naturels de la montagne »
Côté écoles de ski, on voit d’un bon œil la percée de ces moniteurs sur les réseaux sociaux. Pour Grégory Mocellin, directeur de l’École du ski français (ESF) de Tignes Val Claret, « les moniteurs sont des ambassadeurs naturels de la montagne et des valeurs de l’ESF [et] en partageant leur quotidien, leurs conseils et expériences, ils participent à la promotion du ski et de la station. »
D’où la nouvelle stratégie de l’ESF de Tignes Val Claret : repartager les contenus de leurs moniteurs stars des réseaux. Sur le compte Instagram de l’école, les “stories” se déclinent en autant d’épisodes de la vie d’un “mono” : une sortie en hors-piste entre amis, les exploits de leurs petits skieurs sur les pistes ou encore les coulisses humoristiques de leurs vies personnelles.
L’ESF mise sur l’authenticité. « Le partage de contenus, comme les stories des moniteurs contribue à renforcer l’image de proximité et de dynamisme de l’école », explique Grégory Mocellin.
Selon le directeur, « qui dit proximité avec les moniteurs, dit, derrière, proximité avec les clients. » L’objectif est clair : il s’agit d’attirer de potentiels nouveaux écoliers pour les saisons à venir. Pour les moniteurs comme pour les ESF, le système est gagnant-gagnant.
Article issu du Dauphiné Libéré