Mont Pourri : cette montagne au nom peu flatteur recèle bien des secrets

« Quel dommage qu’un si beau pic porte un si vilain nom ! », s’exclamait en son temps l’alpiniste et président fondateur en 1874 de la section iséroise du Club alpin français Henry Duhamel. Il est vrai que le Mont Pourri porte en lui le stigmate d’un nom disgracieux et dont l’origine reste encore aujourd’hui incertaine.

La montagne a porté plusieurs noms

“Tsapel du Kòr”, Mont Thuria, Chafé Quare ou la Tourne… Dans son histoire, la montagne a porté plusieurs noms, et différents selon la vallée de laquelle on l’apercevait. Selon Bernard Richermoz, ancien guide de montagne et auteur de l’ouvrage « Ces lieux qui nous parlent » (2021, éditions Gap), le nom de “Prii” s’est imposé dans le premier cadastre de Savoie en 1738.

Il fait référence au nom de la confrérie des moines du Saint-Esprit qui vivait dans un petit monastère proche. « Puis par analogie, confusion et erreurs de traduction, la montagne a pris le nom de Pourri », suppose Bernard Richermoz. Et ce qualificatif peu flatteur s’est généralisé sur les cartes françaises lorsque la Savoie a intégré le Second Empire à la fin XIXe siècle. La même période où l’alpinisme connaît son premier âge d’or.

Photo Le DL/Vincent Kranen
Photo Le DL/Vincent Kranen

Une première ascension en 1861

Deuxième plus haut sommet du massif de la Vanoise derrière la Grande Casse, le Mont Pourri culmine à 3 779 m d’altitude. Et c’est l’alpiniste français Michel Croz, « probablement le meilleur guide de son temps », assure Bernard Richermoz, qui réussit pour la première fois son ascension un beau jour d’octobre 1861 par sa face ouest.

Mais triste fin pour cet alpiniste chevronné qui s’est tué quatre ans plus tard lors de la montée du Cervin, l’indomptable sommet suisse… En revanche, plus étonnante fut la première ascension du Mont Pourri par sa face sud. C’est un simple berger du coin, Joseph-Michel Poccard, qui tente l’expédition en solitaire « armé de son seul bâton de pèlerin ! » raconte Bernard Richermoz. Aujourd’hui, la voie porte son nom mais est fortement déconseillée depuis quelques années en raison des risques d’éboulement.

Le Mont Pourri fascine les alpinistes

Aujourd’hui encore, le Mont Pourri fascine les alpinistes. Mais la montée reste ardue et les guides de Vanoise ne conseillent pas son ascension l’été. « C’est trop dangereux, prévient Norbert Silvin, guide de montagne aux Arcs. Avant c’était possible mais la fonte des glaciers rend la montée trop périlleuse. »

Fort de ses 50 années d’expérience, l’ancien guide Bernard Richermoz constate également le recul inquiétant des glaciers : « Depuis les années 1970, les glaciers ont perdu les deux tiers de leur masse. Ça s’est accéléré depuis les années 2000 à cause d’un effet d’emballement dû à la réflexion des rayons du soleil sur les roches désormais à nu qui réchauffent la terre en dessous des glaciers. Et ces derniers fondent d’autant plus vite que leur épaisseur diminue. »

Le mont Pourri, versant de Villaroger. Photo Le DL/Tom Pham Van Suu
Le mont Pourri, versant de Villaroger. Photo Le DL/Tom Pham Van Suu

« Le Mont Pourri, c’est comme une personne »

La belle carte postale du Mont Pourri perd donc de sa splendeur. Mais dans l’imaginaire collectif, ce “bec” savoyard garde encore ses jolies parures enneigées. Notamment grâce à une célèbre marque de chocolats suisse. Dans un spot publicitaire diffusé dans les années 2000, le Mont Pourri se dresse en majesté derrière une vache aux couleurs blanche et violette. Une vue prise depuis le hameau classé du Monal à Sainte-Foy-Tarentaise.

« Mais la plus belle vue du Mont Pourri reste quand même depuis l’Aiguille Rouge aux Arcs », soutient Norbert Silvin qui n’oublie pas de mentionner le sublime panorama offert aux automobilistes en provenance d’Italie via le col du Petit Saint-Bernard. Et à Bernard Richermoz de conclure, le sourire en coin : « Le Mont Pourri, c’est comme une personne, il a plusieurs facettes et il faut en faire le tour pour l’admirer pleinement ! » Cette montagne n’a bien de pourri que son nom.

La vue sur le mont Pourri depuis Les Arcs. Photo Le DL/Thierry Guillot
La vue sur le mont Pourri depuis Les Arcs. Photo Le DL/Thierry Guillot

Article issu du Dauphiné Libéré

Découvrez nos lectures liées
Restez informé, suivez le meilleur de la montagne sur vos réseaux sociaux
Réserver vos séjours :
hébergements, cours de ski, forfaits, matériel...

Dernières actus