Après une matinée à enchainer les pistes, vous décidez de vous offrir un bon repas en altitude. Vous dépliez la carte, et là, stupeur : l’omelette à 15€, le plat du jour à 22€, le burger à 25€, sans parler du café à 5€.
Mais avant de crier au vol et pester contre les restaurateurs, prenons un instant pour analyser ce phénomène sous l’angle économique, qui illustre à merveille cette notion tant rabâchée par nos profs d’éco : la loi de l’offre et de la demande.
L’offre : Un coût d’exploitation vertigineux
Les prix en station ne sortent pas de nulle part. Pour commencer, ouvrir un restaurant à 2 000 m d’altitude représente un véritable casse-tête logistique. L’approvisionnement des ingrédients se fait souvent par dameuse ou téléphérique, avec des contraintes horaires strictes et des surcoûts liés au transport.
Prenons l’exemple de Jérôme Mamet, restaurateur au Grand-Bornand et suivi par France tv dans le cadre d’un reportage : « Tous les jours, il doit remonter des produits frais à 1 400 mètres d’altitude. Le seul moyen d’acheminer des marchandises à cette heure : la motoneige. »
Comme l’explique le Mag de Tignes, tout devient plus onéreux pour les établissements de haute altitude : la livraison des produits bien sûr, mais aussi leur stockage et leur préparation. Illustration au restaurant du Panoramic : « L’hiver dernier, nous avons commandé un frigo… il nous a fallu deux semaines pour le monter. Impossible de le monter avec le funiculaire. Nous avons donc fait appel à un hélicoptère… qui n’a jamais pu se poser à cause du vent et finalement, nous avons dû le transporter en dameuse ».
Ajoutons à cela un immobilier qui flambe. En 2023, Le Dauphiné Libéré rappelait que le prix moyen d’un local commercial en altitude pouvait dépasser celui d’un centre-ville huppé. Avec des loyers élevés et des frais de personnel accrus, les restaurateurs amortissent ces coûts sur leurs prix.
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La demande : une clientèle plus fortunée
Un autre facteur joue en faveur des restaurateurs : la clientèle du ski. Contrairement à d’autres lieux touristiques, les vacanciers en montagne appartiennent souvent à une catégorie socio-professionnelle plus aisée. Sachant que seulement 10% des Français se permettent de partir au ski, ces consommateurs, habitués à des standards de consommation élevés, sont moins réfractaires à des additions plus lourdes.
Cette situation influence directement la stratégie tarifaire des restaurants. Comme le souligne Le Dauphiné Libéré, l’inflation alimentaire a été répercutée sur les cartes sans trop d’impacts sur la fréquentation. Autrement dit, même si les prix montent, les clients continuent de venir, contredisant une loi des plus puissantes en économie.
Et justement, ce paradoxe s’explique par un fait : sur les pistes, la concurrence est réduite…
Un monopole naturel en altitude
Une fois perché à 2 500 m, difficile d’aller voir ailleurs si les prix sont plus doux. Cette situation, proche d’un monopole naturel, permet aux restaurants d’ajuster leurs tarifs sans craindre une désertion massive.
Le manque d’alternatives renforce cette dynamique. Contrairement aux stations balnéaires où l’on peut comparer plusieurs restaurants côte à côte, un restaurant d’altitude profite d’une captivité forcée de ses clients. Quand le vent souffle et que les jambes sont lourdes, peu de skieurs sont prêts à redescendre pour trouver un snack meilleur marché.
Une addition plus digeste avec du recul
On récapitule : en économie, le prix d’un bien ou d’un service est déterminé par la rencontre entre l’offre et la demande. En station, l’offre de restauration est limitée et coûte cher à maintenir, tandis que la demande reste forte, surtout en haute saison. Cette situation explique pourquoi les restaurateurs peuvent fixer des prix élevés sans risquer une baisse drastique de leur clientèle.
D’autant plus que le repas en altitude n’est pas vraiment un besoin : c’est plus un plaisir, une expérience qui fait partie du séjour au ski. Beaucoup de vacanciers acceptent d’y mettre le prix, renforçant ainsi l’équilibre en faveur des restaurateurs.
Si l’addition peut sembler salée, elle résulte d’une combinaison de coûts élevés, d’une demande solvable et d’une concurrence limitée. Finalement, payer une fortune pour une omelette en haut des pistes, c’est peut-être moins du vol qu’une parfaite illustration des lois du marché.