Cuisine, cimes et souvenirs : la tradition culinaire paysanne des Alpes

Au milieu du siècle dernier, l’essor de la pratique du ski et surtout l’apparition des stations font des Alpes un nouvel eldorado touristique. Pourtant d’origine suisse, fondues et raclette, à même de rassasier ces nouveaux sportifs affamés par l’exercice et le grand air, deviennent les emblèmes de toute une région. Le secteur produit parmi les fromages les plus réputés (les Savoie comptent 8 AOC et IGP).

Accompagnés de pommes de terre et de vin blanc, ils servent d’ailleurs de base à de nombreuses spécialités.  Mais ces terres contrastées faites de montagnes, mais aussi de vallées et de lacs sont également le berceau d’une cuisine paysanne marquée par l’autosuffisance, où les produits du jardin, de l’élevage et de la chasse avaient encore toute leur place au début du siècle dernier. Ces recettes souvent transmises au sein de la famille sont maintenant sublimées et retravaillées par les plus grands chefs.

Un livre pour recenser les recettes oubliées

Certains d’entre eux partant du constat que les recettes traditionnelles de montagne n’avaient pas de livre référence, comme le célèbre “Reboul” jaune en Provence, ont lancé un appel. « La transmission de ces petites recettes de famille se faisait oralement, de mère en fille. L’idée est de les récupérer, sinon elles seront perdues ; ce qui serait dommage, il y a des  pépites », explique René

Meilleur, chef 3 étoiles du restaurant La Bouitte, à Saint-Martin-de-Belleville en Savoie et l’un des fers de lance de cette initiative. Une centaine de recettes de famille ont déjà été collectées, elles se retrouveront peut-être un jour dans un livre. En attendant, trois générations d’enfants du pays ont accepté d’ouvrir pour nous les cahiers de cuisine de leurs aïeux, les souvenirs d’enfance comme ambassadeurs de leurs terroirs. Avec la polente du papa d’Isabelle, le farcement de la maman de Raymonde et les escargots des grands-parents de Francis, découvrez un échantillon de cette gastronomie authentique des Alpes.

Raymonde Gaillard-Bochatay. Photo Cécile Bouchayer
Raymonde Gaillard-Bochatay. Photo Cécile Bouchayer

Le farcement de la maman de Raymonde

Le farcement fumant, tout juste sorti de son moule en fer, exhale des parfums de pruneaux et de lard mijotés. Raymonde Gaillard-Bochatay s’est levée aux aurores pour préparer ce plat traditionnel de Haute-Savoie et le pot-au-feu qui l’accompagnera. Dans son petit chalet des Houches, planté face à l’aiguille du Midi et l’aiguille du Goûter, elle se souvient du temps où Gabrielle, sa mère, était aux fourneaux, dans les années 50. « Le farcement, c’était le plat du dimanche, des grandes tablées familiales, quand maman avait plus de temps et n’allait pas aux champs. »

Ce plat complet était différent d’un village à l’autre, mais toujours cuisiné avec de vieilles pommes de terre (moins riches en eau et donc plus adaptées à la recette) et du lard, cuits dans un moule spécifique. « Nous, on mettait des pruneaux secs du verger, des raisins secs ; certains mettaient de la crème, des abricots secs, des poires. » Le farcement cuisait plusieurs heures sur les fourneaux allumés du matin au soir, le temps de travailler au jardin ou d’aller à la messe.

Une recette issue du joli livre de recettes et de souvenirs de Raymonde Gaillard-Bochatay, édité chez Équinoxe : Quand nos grands-mères cuisinaient dans les Alpes.

Le farcement de la maman de Raymonde. Photo Cécile Bouchayer
Le farcement de la maman de Raymonde. Photo Cécile Bouchayer
Le farcement :

Pour 6 à 8 personnes Préparation 1 heure Cuisson 4 h

1,5 kg de vieilles pommes de terre ; 50 g de lard fumé en tranches fines ; 2 œufs ; 2 c. à soupe de farine ;4 pruneaux secs par personne ; 2 poignées de raisins secs ; sel, poivre.

1. Épluchez les pommes de terre, lavez-les et râpez-les à la main, attention aux doigts !
2. Dans ces pommes de terre râpées, ajoutez sel, poivre, œufs, farine, fruits secs, mélangez bien le tout. Le moule à farcement aura été légèrement graissé.

3. Tapissez le fond et les côtés avec vos tranches de lard. Puis le garnir avec votre préparation, déposez le couvercle.
4. Mettez à cuire au bain-marie sur le feu, durant 4 heures au moins, démoulez juste au dernier moment. Durant ces 4 heures, vous pouvez cuisiner un pot-au-feu ou de la cochonnaille. 

Astuces : S’il vous reste du farcement, vous pouvez le cuisiner le lendemain, tranché et poêlé, avec une salade.
Si vous n’avez pas de moule à farcement, vous pouvez utiliser un moule à kougelhof.

La polente du papa d’Isabelle

“Au p’tit bar du marché” à Chambéry, c’est l’antre d’Isabelle Dussautois. Un bistrot au charme ancien et à la cuisine simple où le menu emprunte parfois ses secrets aux aïeux. « Traiteurs, restaurateurs…On a toujours eu des cuistots dans la famille. » Le premier d’entre eux, son père Paul, lui a transmis ses recettes dont celle de la polenta, appelée polente en Savoie.

« Mon père était beaucoup en cuisine, il avait ses propres recettes ; la polente, il la faisait plutôt l’hiver. »  Cette préparation onctueuse de semoule de maïs est une institution en Savoie. Elle est classiquement servie en purée avec des saucisses locales, les diots… Mais chaque famille a sa propre recette. Celle du papa d’Isabelle était enrichie de divers ingrédients glanés dans le placard ou le frigo, si bien qu’elle n’avait jamais exactement la même saveur !

« Il faisait du bouillon où il mettait ce qui traînait : des légumes, du fond de veau, des lardons, des oignons… cela donnait beaucoup de goût. » Pour que vive la tradition, Isabelle a transmis la recette à son fils Adrien, qui a pris les rênes de la cuisine du P’tit bar du marché il y a 7 ans. Il y sert régulièrement la polente de son grand-père avec de la viande et des légumes.

La polente du papa d'Isabelle. Photo Cécile Bouchayer
La polente du papa d'Isabelle. Photo Cécile Bouchayer
La polente

Pour 4 personnes Préparation 15 min Cuisson 5 à 10 min  :

250 g de polenta ; 1 oignon ; 1 carotte (+ légumes à votre convenance : navet, poireau...) ; 50 cl de jus de viande ou fond de veau ; 1 l d’eau ; 150 g de lardons ; ½ l de crème fraîche ; 200 g de tomme de montagne ; sel, poivre.

 

1. Faites revenir les oignons, les carottes et les lardons dans un peu de beurre (tous vos restes de légumes, en fait). 
2. Mouillez avec un reste de fond de veau et d'eau.
3. Faites bouillir et incorporez la polente. Salez.
4. Brassez bien. La polente va absorber tout le liquide et une fois celle-ci cuite, rajoutez de la bonne crème et la tomme de montagne râpée (La Dent du chat par exemple) et poivrez. 

Le plat est servi ici avec du porc aux olives et aux petits légumes.

Francis Theraulaz, chef du restaurant Le Grand Joseph. Photo Cécile Bouchayer
Francis Theraulaz, chef du restaurant Le Grand Joseph. Photo Cécile Bouchayer

Les escargots à la savoyarde des grands-parents de Francis

C’est une recette de fête, une recette qui durant son enfance rassemblait la grande famille de Francis Theraulaz et dont la préparation était « une grande expédition ! Cela prenait la journée, il ne fallait pas que ça manque, se souvient le quadragénaire. Tout le monde mettait la main à la pâte. C’était des repas à l’ancienne, à rallonge, où il y en avait toujours plus qu’il n’en faut ! »

Devenu restaurateur à Chambéry, Francis Theraulaz propose la recette de ses grands-parents Hélène et Conrad aux clients de son établissement : Le grand Joseph. « J’aime la faire dans mes restaurants et je n’ai pas peur de dire que c’est une recette de famille. » Au décès de sa grand-mère, il l’a d’ailleurs retrouvée dans un de ses cahiers « au vieux papier taché d’huile ». Car la recette a toujours été dans la famille, même si les origines ne sont pas connues.

« Les escargots, ça se fait pas mal en Savoie, comme les noisettes », importées des voisins du Piémont italien. L’originalité vient de l’utilisation des anchois. « On ne les sent pas forcément, mais ça relève super bien le mélange et ça se marie bien avec les noisettes », explique le chef qui apporté sa petite touche. « J’aime bien rajouter 4 cl de pastis dans le beurre, pour relever un peu le goût. »

Les escargots à la savoyarde des grands-parents de Francis. Photo Cécile Bouchayer
Les escargots à la savoyarde des grands-parents de Francis. Photo Cécile Bouchayer
Les escargots à la savoyarde

Pour 6 à 8 personnes Préparation 25 min Cuisson 20 min :

8 douzaines de coquilles vides ; 8 douzaines d’escargots gros ; 30 g d’ail pelé ; 20 g d’échalotes épluchées ; 50 g de persil frais ; 350 g de beurre doux ; 3 filets d’anchois au sel ; 40 g de noisettes ; 2 g de poivre blanc moulu ; 10 g de sel fin.

 

1. Sortez le beurre 1 heure à l’avance du frigo. Lavez et hachez bien fin le persil. Ciselez les échalotes et hachez l’ail. Écrasez au pilon les noisettes et les filets d’anchois. Mélangez tous les ingrédients ensemble avec l’assaisonnement.
2. Déposez un escargot dans chaque coquille. En le poussant assez au fond on pourra y mettre un peu plus de beurre.
3. À l’aide d’une poche à douille ou avec une cuillère à café, déposez une belle noix de beurre d’escargot en le faisant bien rentrer dans la coquille. Les escargots peuvent être conservés quelques jours ainsi au frigo.
4. Au moment de passer à table, préchauffez le four à 180°C et enfournez 20 minutes environ selon la taille. À déguster bien chaud.

Quelques spécialités traditionnelles savoyardes

Les crozets

Ce sont des petites pâtes carrées, dont l'ingrédient principal est la farine de sarrasin ou la farine de blé dur. 

La pela

Un plat cousin de la tartiflette, à base de pommes de terre et de reblochon cuits à la poêle.

Le gâteau de Savoie

Un gâteau très aérien grâce à l’utilisation de blancs en neige.

Les rissoles

Des chaussons en pâte feuilletée garnis de confiture ou de compote.

Le berthoud

Entre la raclette et la fondue, un plat qui tient au corps, avec du fromage abondance et du vin blanc de Savoie.

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