« Face au changement climatique, le plus facile et le plus irresponsable serait de ne rien faire. » Gino Decisier, le directeur marketing et commercial de Grand Massif domaines skiables (GMDS) annonce la couleur.
À quelques semaines de la prochaine saison de ski, l’entreprise dévoile son Plan résilience, ou comment le domaine skiable va s’adapter au changement climatique.
Elle s’est fixé l’horizon 2035. C’est-à-dire demain. « Vu ce qu’on envisage, il faut s’y mettre dès maintenant », argumente le directeur.
La neige menacée
Car même sur un domaine comme celui-ci, qui figure dans le top 10 français avec 265 kilomètres de pistes allant de 700 à 2 500 mètres d’altitude, les effets du changement climatique se font ressentir.
« Il n’y a plus de situation linéaire, rapporte le directeur. Les phénomènes sont plus marqués et plus fréquents, on monitore ça depuis une dizaine d’années. Dans la vallée du Giffre par exemple, si on s’intéresse au vent et à combien de journées d’interruption de service il a entraînées, la moyenne augmente ».
Autre chiffre révélateur : la célèbre piste des Cascades, longue de 14 kilomètres qui descend du sommet du domaine jusqu’à Sixt-Fer-à-Cheval (760 mètres), a pu ouvrir 23 jours la saison dernière, « aussi parce qu’on ne veut pas l’ouvrir dans de mauvaises conditions », précise Gino Decisier. « Il y a dix ans, la question ne se posait pas ».
Même à Flaine 1600, « selon les orientations, il y a certaines zones où l’enneigement est compliqué ».
GMDS a donc lancé ce vaste Plan résilience, bien conscient que « c’est difficile de bouger dans des situations où ça va bien. Mais notre responsabilité d’exploitant, c’est d’alerter. La pérennité de l’activité est en jeu, et avec, nos 230 équivalents temps plein. Il va falloir faire évoluer des métiers », défend le directeur.
L’entreprise a fait le pari de communiquer ouvertement sur le sujet. Depuis quelques jours sur le site internet du Grand Massif, un onglet “Le Plan résilience” a fait son apparition, bien visible à côté de celui permettant de réserver son forfait de ski.
« En parler à nos clients, c’est assumé, parce que ça les concerne. Nous avons aussi mis au courant nos partenaires, les collectivités », précise Gino Decisier.
Réinventer le Grand Massif
Les mesures envisagées, issues d’un travail d’un an et demi, seront présentées lors du “Résilience tour”, une série d’au moins quatre réunions dont la première, ouverte au public, s’est déroulée à Thyez le jeudi 16 octobre. « On ne prétend pas avoir la science infuse, surtout qu’on est dans l’inconnu. On veut échanger. »
Un petit film visible sur le site internet du Grand Massif livre déjà quelques pistes de ce qui est envisagé, comme le repositionnement des appareils de neige de culture plus en altitude, et même la relocalisation de remontées mécaniques « en réutilisant l’existant, avec les mêmes ressources en eau », précise Gino Decisier.
À terme, GMDS pourrait aller jusqu’à « une réduction de l’espace de ski -il y a des zones où ce ne sera plus viable de mettre de la neige de culture-, induisant une baisse du nombre de skieurs accueillis, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité », annonce le directeur marketing.
Adaptation nécessaire
Comment alors, préserver l’activité ? « Il y a deux options : soit on augmente les tarifs ; ce n’est pas ce qu’on veut. Soit on répartit de façon plus intelligente le nombre de skieurs et on élargit nos périodes d’exploitation des remontées mécaniques, en répondant au besoin de nature, d’espace, de fraîcheur qu’on constate depuis le Covid. Sur l’été, on n’est pas encore très bons », reconnaît Gino Decisier.
« Il faut des produits pour développer l’attractivité hors hiver, en travaillant avec les offices de tourisme. On sait que c’est viable. Si on prend l’exemple du DMC de Flaine, ce n’est un secret pour personne qu’il faut le changer, il a 40 ans. Si on regarde hiver et été, ce n’est pas le même calcul que de miser que sur l’hiver. Il enregistre 23 000 passages l’été. Dans dix ans, ce sera peut-être le double. Ces perspectives vont conditionner l’appareil qu’on pourrait mettre en service à cet endroit ».
« Avec ces changements, le ski restera solide, assure Gino Decisier. À condition de bouger, maintenant. »
▶ Grand Massif domaines skiables est la société d’exploitation des remontées mécaniques de Samoëns, Sixt-Fer-à-Cheval, Morillon et Flaine. La Soremac exploite la station des Carroz. Le domaine skiable est partagé entre les deux avec un forfait commun.
▶ L’entreprise est une filiale de la Compagnie des Alpes.
▶ GMDS est délégataire de six délégations de service public : avec les communes de Sixt, Samoëns, Magland (Flaine), Arâches (Flaine), Morillon, et avec le Département de la Haute-Savoie. La Soremac est délégataire d'Arâches pour les Carroz.
▶ La société emploie 400 collaborateurs l’hiver dont 100 permanents. Ce qui représente 230 équivalents temps plein.
▶ La saison 2025-2026 ouvrira le 6 décembre à Flaine (sous réserve de l’enneigement) et s’achèvera le 19 avril.
Article issu du Dauphiné Libéré