Le bouquetin, espèce noble et protégée, est au centre des débats entre agriculteurs, écologistes, chasseurs et l’État. En 2024, selon la préfecture de Haute-Savoie, la population de bouquetins est estimée à 9 000 individus dans les Alpes françaises. Aucun chiffre précis n’est connu pour celle du département.
Selon France Nature Environnement, 60 % de la population nationale se situe en Savoie, mais les comptages réalisés, notamment dans le Bargy, estiment le nombre de bouquetins à environ 500 dans ce massif.
Un casse-tête sanitaire
Touchée par la brucellose, la situation de cette espèce interroge. Rappelons que la propagation de ce virus vers un troupeau domestique entraîne directement son abattage et rend les produits issus de ce cheptel impropres à la transformation vers des produits de consommation.
D’après les informations données par les services de l’État, « les massifs du Bargy et des Aravis sont touchés par la maladie. Les mesures mises en œuvre au printemps 2024 doivent encore faire l’objet d’analyses et d’évaluations avant de conclure quant à l’opportunité de nouvelles mesures pour l’automne 2024 ou pour 2025 ». Les mesures prises correspondant à la capture et recapture de bouquetins. On parle de 180 captures sur plus de 400 individus. Ces dernières ont été réalisées entre mai et juin, les prochaines sont prévues entre septembre et octobre. Comme c’est arrivé en 2014 et en 2022, des mesures drastiques d’abattage de bouquetins peuvent être décidées. Que se passera-t-il l’automne ?
Je n’ai pas la solution, ce qu’on sait, c’est que la maladie ne s’éradique pas seule. Nous, on lutte contre la maladie et pas contre l’espèce
Virginie Avettand, présidente du Syndicat interprofessionnel du reblochon
« On a la boule au ventre à l’approche de l’automne »
La perte d’un troupeau est une situation dramatique pour un éleveur. Du côté des agriculteurs, l’inquiétude est grandissante : « On a la boule au ventre à l’approche de l’automne, on sait qu’avec les captures et recaptures du printemps, on est entre 9 et 10 % d’individus contaminés. Il y a beaucoup d’appréhension face aux conséquences qu’aurait une contamination sur un élevage et sur la filière », explique Virginie Avettand, présidente du Syndicat interprofessionnel du reblochon.
« Je n’ai pas la solution, ce qu’on sait, c’est que la maladie ne s’éradique pas seule. Nous, on lutte contre la maladie et pas contre l’espèce. Le protocole doit s’intensifier pour qu’on puisse réellement avancer. Pour le moment, le nombre de captures est insuffisant » poursuit-elle. Par ailleurs, pour la Fédération des chasseurs de Haute-Savoie, la solution est claire : « Il faut prendre des mesures fortes. Selon nous, l’intérêt général voudrait que l’on éradique le bouquetin et qu’on le réintroduise trois ans plus tard. Tant qu’il y aura des cas contaminés, la situation ne va pas évoluer. »
Avis qui n’est pas partagé par tout le monde. Pour Jean-Pierre Crouzat, vice président régional de France Nature Environnement : « On n’a pas d’exemple d’éradication d’une espèce sauvage dans le monde qui ait réussi. Plus la tension de tir est forte, plus les animaux se protègent et plus c’est compliqué. L’éradication totale est impossible. »
Coqueluche des touristes
Animal contesté par certains, il est aussi l’un des plus prisés des randonneurs. Voilà l’une des seules espèces sauvages, avec la marmotte, que l’on peut approcher facilement. « Avant, comme il était chassé, il fuyait les hommes. Désormais, comme ce n’est plus le cas, il se méfie moins des promeneurs. Le mâle est plus facile à approcher que l’étagne (femelle) qui protège les cabris et les éterlous (jeunes de plus d’un an) » conclut Jean-Pierre Crouzat, vice président régional de FNE.
Il est bon de savoir que le mâle vit majoritairement seul alors que les hardes se composent des femelles et petits. Attiré par les barres rocheuses, il est plus facile de le croiser en milieu minéral.
Article issu du Dauphiné Libéré
