Berger d’appui : un dispositif pour aider les éleveurs face à la prédation

« Pour protéger mes chèvres contre les loups, j’ai deux patous. Mais le premier, je ne peux pas le mettre avec le troupeau, car il n’aime pas les touristes. Je suis obligé de l’attacher, alors que c’est un bon ! » peste Marc Agnellet, en tenant en laisse un patou de belle taille. « Et le second, qui est gentil comme tout, il n’aime pas les chiens. Alors dès qu’un chien d’un randonneur s’approche, il y va. Et toutes les semaines, on a des plaintes… Qu’est-ce qu’on peut faire ? » interroge-t-il, en prenant à témoin le préfet qui s’était déplacé dans les Aravis pour le lancement du dispositif “Berger d’appui”.

« On fait tout comme il faut, mais on est embêté quand même »

« Les touristes ont pris une location alors ils veulent profiter de la montagne ; ils n’ont rien à faire de nos problèmes. J’ai mis des panneaux sur la présence du loup partout. Normalement, les vététistes doivent descendre et marcher à côté de leur vélo… Je les vois descendre comme des blindes, au ras des parcs. Heureusement que les patous ne passent pas le filet car après ce sont les gendarmes qui appellent, pour avoir des explications sur une morsure. On fait tout comme il faut, mais on est embêté quand même. »

Avec son franc-parler, l’éleveur de La Clusaz raconte ses difficultés au quotidien pour lutter contre la prédation ; les moyens déployés, comme les mètres de filets pour créer des parcs, et la présence de chiens de protection.

Des mesures imposées par la présence du loup dans tous les massifs de la Haute-Savoie et les attaques récurrentes, « plus de 200 en 2022 et, déjà une cinquantaine depuis le début de la saison » confirme Léna Durbecker, chargée de mission à la société d’économie alpestre.

Photo Le DL/Krystel Bablée
Photo Le DL/Krystel Bablée

« Une pression permanente sur l’éleveur et le berger »

« Avant le troupeau restait à l’abri du bois, c’était le rêve, maintenant, il faut avoir un parc à proximité, et il faut le changer tous les 4/5 jours ; ce qui génère du travail en plus » informe l’éleveur. « Et de la fatigue générée par des journées à rallonge, ainsi qu’une pression permanente sur l’éleveur et le berger, car malgré les mesures prises, jusqu’au GPS accroché au collier d’une chèvre qui trace le troupeau, des attaques se produisent » complète Léna Durbecker.

« La première fois, je ne savais pas que c’était le loup ; j’ai retrouvé ma bête, cinq jours après, la tête sous le corps. Intrigué, j’ai ouvert le cou. On m’a dit : “Ce n’est pas à toi de le faire”, et pour cette raison, on ne m’a pas indemnisé » dénonce Marc Agnellet. « La deuxième, le loup l’a mangée, il ne restait plus que la tête et les pattes. » Puis, il y a quatre ans, l’alpagiste a recherché, pendant 7 jours, une chèvre, qui manquait à l’appel à l’heure de la traite. « L’officier chargé de constater la blessure a bien confirmé qu’il s’agissait du loup, mais comme il s’était écoulé plus de 72 heures, je n’ai eu que mes yeux pour pleurer. C’est malheureux de se faire balader comme ça ! » s’irrite l’éleveur. « Vous nous aidez pour les parcs, mais ça ne suffit pas » soutient-il.

Photo Le DL/Krystel Bablée
Photo Le DL/Krystel Bablée

« La prédation, c’est de jour comme de nuit »

Les éleveurs ont été, en partie, entendus. Ils pourront désormais bénéficier d’un(e) berger(e) d’appui pour la saison d’alpage 2024. « Le retentissement d’une attaque sur le moral est important, car  le berger et/ou l’éleveur le ressent comme un échec, il a l’impression d’avoir failli dans la protection de son troupeau » explique Léna Durbecker. « Et puis, Il y a des pertes indirectes, un troupeau attaqué, c’est une production laitière en baisse, ou des agneaux moins gras à la descente des alpages. D’où cette épaule bienvenue pour se reposer un peu, car la prédation, c’est de jour comme de nuit. »

Pour le dispositif, la société d’économie alpestre s’est inspirée du système testé avec succès dans les parcs naturels nationaux, où les tirs de défense sont interdits. « On a vu que ça marchait et qu’il y avait une forte demande. Vu la pression de prédation, il pourrait y avoir deux bergers d’appui, ce ne serait pas de trop » dit-elle. À condition de réunir les 38 000 euros nécessaires pour les 3 mois que coûte le dispositif…

Article issu du Dauphiné Libéré

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