Au col du Petit Saint-Bernard, de grosses machines continuent en ce mois de mai de dégager les quatre mètres de neige accumulée cette saison. À 2 000 mètres d’altitude, quand la neige avait disparu le 11 mai 2024, elle s’était déjà évaporée le 20 avril cette année.
Pour autant, l’enjeu des agents du Département de Savoie consiste à transformer cette route empruntée par les skieurs en hiver, en une route praticable pour les motards, les cyclistes du dimanche, et même les vacanciers en caravanes l’été. Depuis le début du mois, le top départ des travaux de déneigement a été lancé, après une investigation méticuleuse du nivologue du Département. Le premier homme à avoir marché sur la route du col du Petit Saint-Bernard permet donc aux éclaireurs d’entrer dans la danse. Le binôme est chargé de tracer la voie vers l’Italie.
Une expertise humaine pour compléter les GPS
Les agents plantent leur sonde de 6 mètres de long dans l’épais manteau neigeux et laissent leur ouïe les guider pour ne pas faire fausse route. « On entend le résonnement de la sonde dans le sol si on est sur la route, alors qu’aucun son ne s’échappe lorsque l’on touche la terre », explique l’éclaireur Franck Muneret. Après son sondage qui rendrait jaloux l’IFOP, le passionné positionne des repères visuels, comme des bouts de branchages, pour indiquer l’itinéraire à suivre à ses collègues, 100 mètres plus bas.
Une expertise humaine qui permet de compléter les relevés GPS, mis en défaut dans les zones où le réseau ne passe pas, les zones grises. Ce vendredi 16 mai, un radieux soleil éclaire les visages alors qu’habituellement, la grisaille ralentit le déneigement dans les virages. La fraise ouvreuse s’en donne à cœur joie. Équipée de chenilles, la machine vient « croquer » à pleines dents la première épaisseur de neige. Le manteau neigeux se rabat dans un tonneau et s’éjecte tel un geyser pour finir sa course dans le ravin.
« On évacue la neige au col, c’est notre nettoyage de printemps »
En deuxième position de la chenille, le Franc-comtois Hervé Labourey est le pilote d’une fraise balai de 350 chevaux et de 14 tonnes. « Normalement à 10 mètres, tu ne vois pas la machine de tête à cause du brouillard, du vent de face, c’est une autre paire de manches », raconte avec le sourire le petit nouveau de l’équipe qui vit sa deuxième ouverture au col transfrontalier de Haute Tarentaise.
Il passe la seconde lame, en élargissant la coupe de la neige, à plus de 2 mètres cinquante de largeur. « Y en a qui vident leurs armoires, nous, on évacue la neige au col, c’est notre nettoyage de printemps », compare-t-il. Dans son siège, il vit chaque vibration du dénivelé de la route. Une expérience digne d’une séance immersive au cinéma en 4DX. Et pourtant, le paysage de montagne saupoudrée de neige et de verdure qui s’offre devant lui est bel et bien réel.
De 5 heures du matin à 16 heures, les agents dévoués du Département s’activent pour rouvrir le col du Petit Saint-Bernard le mercredi 28 mai prochain. Actuellement à trois kilomètres (le 16 mai dernier) de leurs confrères italiens, ils avancent mètre par mètre, piano piano, dans un mélange d’excitation et de prudence. « Le maniement de ce genre d’engins nécessite une dextérité et un sang-froid à toute épreuve. Lorsque les conditions météorologiques sont inadaptées, nous n’hésitons à stopper les opérations pour garantir la sécurité de nos équipes », rappelle Christina Le Boulh, responsable unité route.
Un match France-Italie pour atteindre le sommet
En effet, le port de détecteur de victimes d’avalanches (DVA) est obligatoire sur site. Des coulées peuvent survenir à tout moment, surtout l’après-midi, lorsque les températures augmentent. Pour l’heure, la route du col du Petit Saint-Bernard demeure interdite au public, au regard des risques. La gendarmerie et les agents du Département sont habilités pour verbaliser les contrevenants. Des opérations de nettoyage des résidus rocheux et des blocs de glaces avec un tracteur agricole donneront un dernier coup de lifting, avant la mise en place de la signalétique pour accueillir les milliers de touristes passant par le col chaque été.
Nul doute que les déneigeurs italiens et français se challengent pour savoir qui avance le plus vite et qui attendra son voisin pour clôturer main dans la main ce chantier transfrontalier. Même si à la fin, c’est toujours le col du Petit Saint-Bernard qui gagne avec l’éternelle et fraternelle fête de la réouverture.
Article issu du Dauphiné Libéré





