Quatre-vingts scientifiques se sont rendus au Jardin du Lautaret à la fin du mois de mai. Ils participent au programme Terra forma, qui consiste à installer des capteurs intelligents capables de fournir notamment des données météorologiques.
« Les défis instrumentaux sont doubles. Il s’agit de déployer sur le terrain une nouvelle génération de capteurs intelligents, connectés et à faible consommation énergétique, mais également de disposer d’une infrastructure de communication adaptative pour efficacement traiter l’information des réseaux de capteurs en ligne », explique le CNRS (Centre national de la recherche scientifique).
Un programme national à 9,6 millions d’euros
« Nous cherchons à comprendre comment fonctionne l’environnement, l’écosystème, quelle est le taux d’humidité de l’air, la température de l’eau dans les rivières, la concentration de certains éléments dans l’eau, la qualité de l’eau… », détaille Jean-Gabriel Valay, directeur du Jardin du Lautaret, retenu comme l’un des trois sites pilotes en France. Les capteurs sont également capables d’analyser le passage de certains animaux, la température du sol prise toutes les dix minutes…
Un programme national à 9,6 millions d’euros, financé par l’État, a donc été lancé. « Les scientifiques veulent des capteurs à bas coût, solides et qui résistent aux conditions », rapporte-t-il.
Le programme compte une quinzaine de familles de capteurs, placés « dans les airs, dans la terre, sur des drones. C’est un projet national. Plusieurs laboratoires de toute la France travaillent là-dessus avec des scientifiques, des électroniciens… Les capteurs seront imprimés en 3D ».
Le coût du programme Terra forma s’élève à 9,6 millions d’euros. Au moins 200 personnes travaillent dessus au niveau national.
Les capteurs, de 15 catégories différentes, sont destinés à être déployés par centaines ou milliers d’exemplaires, dans toute la France.
Au Jardin du Lautaret, à terme, ils pourraient être déployés à hauteur de 200 ou 300 exemplaires, dans les cinq à six ans, mais toutes les catégories de capteurs ne sont pas concernées localement.
Un programme qui s’étale sur une dizaine d’années
Leur fabrication est en cours. C’est un programme qui s’étale sur une dizaine d’années. Il a commencé il y a trois ans. « Ce sont des capteurs avec de l’intelligence artificielle. Le système sait faire le tri et enverra seulement les données recherchées : passage d’animaux, changement de pratiques pastorales, températures, humidité, composition de l’eau, état de la végétation… Le projet prévoit également le déploiement de capteurs sous forme de colliers placés sur des moutons. Ces derniers doivent bientôt être déployés. »
Le réseau LoRa a été mis en place, afin de pouvoir récupérer de l’information avec « peu de débit et très peu de consommation. Toute la zone, ici, y est connectée depuis deux ans », précise le directeur du Jardin.
Les capteurs seront déployés sur trois sites pilotes : en Bretagne, près de Lorient ; dans les coteaux de Gascogne, près de Toulouse et au Jardin du Lautaret. Toutes ces données permettent d’analyser l’écosystème dans le cadre du changement climatique. « L’objectif est de voir l’impact des pratiques sur la biodiversité, la présence de carbone dans le sol, d’azote, les flux, l’érosion, la présence de micro-organismes dans les sols… »
« Ce projet est censé irriguer la société »
Le programme Terra forma comporte aussi une dimension sciences humaines et sociales. « L’un des enjeux dans les années qui viennent c’est de voir comment les acteurs du territoire peuvent se saisir des données : les associations pastorales, les regroupements d’agriculteurs, les personnes qui gèrent l’eau, les inondations, la qualité de l’eau, les collectivités locales, les acteurs du tourisme, le Parc national des Écrins, le grand public… », détaille Jean-Gabriel Valay.
Cela permettra, par exemple, d’avoir accès au débit de rivières en temps réel, aux déneigeurs d’avoir des informations plus fines sur la quantité de neige, aux accompagnateurs en montagne de connaître les conditions de neige… « Ce projet est censé irriguer la société », estime-t-il. « Ce n’est pas seulement pour les scientifiques. C’est la loi européenne, il s’agit d’argent public. »
Article issu du Dauphiné Libéré