Entre Chambéry, Annecy, Aix-les-Bains et Albertville, il s’élève telle une forteresse rocheuse. Territoire rural de moyenne montagne et écrin de verdure, au patrimoine et à l’histoire riches, le Parc naturel régional du massif des Bauges prend la mesure des défis environnementaux autour d’une feuille de route et de fils conducteurs : concilier respect de la biodiversité, qualité des paysages et du cadre de vie avec la sobriété d’utilisation des ressources naturelles et la valorisation du territoire, comme le décrypte le directeur Jean-Luc Desbois. Retour sur ces différentes actions envisagées.
Le défi de la hausse de température
La température dans les Préalpes, Bauges comprises, augmente plus vite qu’ailleurs (+ 2,3 degrés de plus en 60 ans). « On va devoir trouver les moyens de s’adapter », précise Jean-Luc Desbois. Les projections prévoient une hausse de 1,5 à 2 degrés.
Le défi de l’agriculture
L’agriculture, qui a grand besoin d’eau, est la première impactée. « Une des mesures envisagée est le stockage de l’eau, principalement de pluie pour abreuver les animaux dans les alpages et pour la transformation du lait », souligne Jean-Luc Desbois.
En accord avec la Chambre d’agriculture, de nouvelles pratiques sont pensées : « Planter des arbres pour le bien-être des troupeaux, des haies pour retenir l’eau et couper le vent qui assèche la terre et pourquoi pas des céréales. Il faut rechercher de nouvelles filières en production végétale et en ce qui concerne les espaces où la forêt gagne, des exploitations avec ovins et/ou caprins. »
- La nouvelle charte du PNR a été approuvée par le comité syndical le 16 janvier 2024. Elle sera adoptée début 2025 par décret ministériel.
- Le PNR a été fondé le 5 décembre 1995. Une surface de 898 km2 est classée dans le périmètre. 64 communes en font partie et 13 nouvelles vont être appelées lorsque la charte sera adoptée. Leur nombre s’élèvera alors à 77.
- Pour rappel, un parc naturel régional est créé sur la base de la volonté d’élus locaux et d’élus de la région. Ils écrivent un projet de territoire adapté, qui lie protection des patrimoines naturels et culturels et activités économiques locales, avec révision tous les quinze ans et la liberté d’écrire dans sa charte ce qu’il désire. L’État n’a pas la gouvernance, contrairement à un Parc national
Le défi de l’autonomie énergétique
En accord avec les agriculteurs, le PNR des Bauges peut leur permettre de trouver une certaine autonomie énergétique et de les aider dans les démarches à mettre en place. « Par exemple en préconisant des panneaux solaires pour l’électricité et l’eau chaude nécessaire en production laitière. » En sachant que la pose au sol est proscrite afin de préserver les espaces agricoles.
Le défi de la forêt
La forêt du massif est très impactée par les attaques du scolyte sur les épicéas. « À l’heure actuelle il paraît très difficile de penser à la forêt du futur, faut-il introduire des essences nouvelles et voir leur adaptation ou laisser la régénération naturelle ? Des expérimentations sont en cours sur le terrain », explique le directeur du PNR.
Le défi de l’eau
Le Parc contribue également à protéger les ressources en eau. Il répertorie et cartographie les sites pour protéger le Chéran, rivière essentielle à la survie des truites sauvages. À la suite des résultats obtenus, le Parc espère pouvoir proposer une conférence de l’eau à l’échelle du massif avec tous les acteurs connus. Alors que pour la lutte contre les incendies, il s’inspire d’autres plans mis en place dans le sud de la France, « avec stockage de l’eau multifonction, de la lutte adaptée à nos montagnes ainsi que des informations sur le terrain pour les touristes », précise Jean-Luc Desbois.
Le défi de l’économie touristique
Que faire pour les stations de ski face au réchauffement ? « Un travail est engagé depuis 15 ans au travers des programmes Espaces valléens. Dans le troisième en cours, dix études ont été proposées à Aillons-Margériaz et Savoie Grand Revard pour une projection à 50/100 ans. Un travail méticuleux a été fait, piste par piste, exposition, altitude, qui donne la durée de l’enneigement et du risque de saisons difficiles. » Avec ainsi une aide pour de futurs investissements.
Mettre en place des indicateurs
Le dernier enjeu de la charte concerne la prise en compte de la gouvernance : « Il faut mettre en place des indicateurs qui rendent visibles ce changement climatique, photos à l’appui, pour que les habitants du Massif se rendent compte année après année de l’évolution de la nature. »
En quoi le Parc est-il affecté par la crise climatique ?
Philippe Gamen, président du PNR des Bauges : « Il voit les températures s’élever avec des phénomènes de sécheresse, comme en 2022 et 2023, qui ont impacté l’agriculture : manque d’eau dans les alpages et de production de foin, pluies abondantes sur peu de jours, vent violent voire tempétueux, manque ou trop de neige qui perturbent l’activité touristique… Les forêts sont aussi attaquées par le scolyte et il manque d’eau pour certaines communes. Il y a une nécessité d’interconnexion avec d’autres réseaux ce que nous faisons avec l’agglomération Grand Chambéry. »
Quelles sont les voies d’adaptation ?
« Nos stations ont amorcé leur transition pour aller vers un tourisme quatre saisons. Les réflexions sont lancées pour Les Aillons-Margeriaz et Savoie Grand Revard. L’agglomération a repris la compétence sur l’aménagement des domaines skiables, avec des budgets alloués pour des investissements sur la diversification des activités estivales. Notre production agricole est basée sur des vaches laitières, qui consomment 120 à 150 litres d’eau par jour. Faudrait-il mettre en place des stockages d’eau de pluie ? Faire de la diversification de la production agricole avec tentative de maraîchage ou de verger, avec des variétés adaptées ? »
Y a-t-il un calendrier et un chiffrage d’actions ?
« Dans une charte écrite pour les 15 ans à venir, il y a l’obligation sur les trois premières années d’avoir des actions précises et chiffrées. Il est difficile de faire un choix car elles sont toutes liées au changement climatique : l’agriculture, la forêt, l’eau, la diversification, l’alimentation, les risques incendies, la préservation de la biodiversité… »
Vous êtes président délégué de tous les parcs régionaux. La réflexion est-elle avancée dans l’ensemble des PNR ?
« Le changement se fait ressentir sur les littoraux méditerranéens ou bretons avec le grignotage du trait de côte, la forêt souffre du manque d’eau, comme dans les Pyrénées catalanes avec des problèmes d’approvisionnement pour les populations et les parcs de moyenne montagne sont eux aussi face au manque de neige. »
Article issu du Dauphiné Libéré
