Quand d’autres bronzent sur la plage, Christopher Baud continue de traîner ses spatules sur les neiges éternelles du Mont-Blanc. Le guide de haute montagne n’a pas encore rangé ses skis et ne le fera pas tant qu’il trouvera, là-haut, une neige à son goût et des pentes où glisser est bien plus fun que marcher.
Le 9 juillet dernier, en compagnie de son ami Cédric Aubert, il réalisa même une première en dévalant un itinéraire de la face ouest du mont Blanc qui n’avait jamais été skié dans sa globalité.
Un enneigement exceptionnel cet été
Un projet que le Chamoniard avait en tête depuis longtemps. L’an dernier, il avait déjà inspecté cette partie sauvage du toit des Alpes avec l’espoir d’y trouver des conditions accueillantes. Mais l’enneigement bien moins important que cette année l’avait contraint à reporter cette tentative.
« À l’époque, cette ligne qui part du sommet du mont Blanc pour rejoindre le glacier de Miage empruntait un étroit couloir sur lequel une avalanche avait retiré toute la neige fraîche. Il n’y avait plus que de la glace bleue », se souvient l’alpiniste.
Cette année, l’enneigement fut tel au-dessus de 4 000 mètres que l’exigu couloir avait disparu sous l’or blanc. « Au lieu d’une fine bande de neige, il y avait 30 mètres de large. Presque de quoi tailler de grandes courbes », assure-t-il, photo à l’appui.
Une « longue mission » plein d’inconnues
Mais encore fallait-il trouver le bon partenaire pour cette « longue mission » pleine d’inconnues et qui promettait surtout d’être éreintante.
Début juillet, les potentiels camarades de cordée motivés pour prendre le risque de longtemps porter leurs skis se font de plus en plus rares. Par chance Cédric Aubert, fondateur d’une entreprise spécialisée dans l’événementiel en montagne, parvient finalement à se libérer une journée.
Voilà donc les deux hommes prenant la première benne de l’aiguille du Midi en direction de la voie des trois monts. Avec endurance et détermination, la cordée atteint le mont Blanc en milieu d’après-midi, mais se fait prendre dans le brouillard.
« Un micro-créneau est soudainement apparu »
Quelque peu abattus, les deux amis consultent inlassablement les radars météo, presque résignés. Surgissent alors Christophe Profit et son optimisme légendaire pour toute entreprise alpinistique sortant de l’ordinaire. « Il nous a clairement remonté le moral en nous disant que les nuages allaient bien finir par partir. Et de fait il a eu raison ! Un micro-créneau est soudainement apparu », raconte Cédric, qui, bien qu’alpiniste et skieur expérimenté, chaussait pour la première fois les skis depuis le point culminant de l’Europe occidentale.
Dans une atmosphère presque mystique, la brume les laisse passer avant de se refermer derrière eux. Il est 19 heures, et les voilà partis pour une descente, certes raide, mais étonnamment délicieuse dans une neige printanière. Deux rappels leur sont tout de même nécessaires pour s’extirper de séracs infranchissables à ski. Mais ces derniers chasseurs de poudre ne se pressent pas. Entre deux virages, ils prennent même le temps d’inspecter des veines de quartz. « Cristallier un jour, cristallier toujours », s’amuse Christopher Baud.
2 400 mètres de dénivelé à ski
Après près de 2 400 mètres de dénivelé à ski sur le versant italien, avec pour seule trace humaine la vue sur le bivouac Giuso-Lampugnani, ils déchaussent. Une sacrée descente pour un 9 juillet.
Vient ensuite une longue marche sur l’immense glacier de Miage pour récupérer une voiture laissée dans le val Vény. Chez eux à 3 heures, après quelques heures de sommeil bien méritées, les solides explorateurs de pentes encore très sauvages reprennent leur rôle de père de famille.
Non, le ski d’été n’est pas mort. Il est juste réservé aux montagnards audacieux prêts à tutoyer les cieux.
Article issu du Dauphiné Libéré