Entre nécessité technique et casse-tête transfrontalier, la rénovation de la voûte du tunnel du Mont-Blanc rouvre un vieux débat de part et d’autre du massif : comment moderniser sans asphyxier les vallées ? Dans le cadre de la Commission intergouvernementale du tunnel du Mont-Blanc (CIG), les États français et italiens ont demandé aux préfectures de consulter acteurs économiques, élus et autorités organisatrices des mobilités.
Deux scénarios sont à l’étude : le premier, une fermeture par phases de trois mois et demi à l’automne répétée sur une quinzaine d’années ; le second, une fermeture continue estimée à environ trois ans et demi.
Ces hypothèses doivent compléter le bilan des chantiers tests menés en 2024 et 2025, sans préjuger du choix final. Mais pour l’heure, la communication n’a eu lieu que côté français, alimentant incompréhensions et débats des deux côtés de la frontière.

Les habitants du Mont-Blanc consultés
Suite à cette demi-annonce, le député Xavier Roseren a pris les devants en lançant une consultation express en ligne à l’échelle de la circonscription du Mont-Blanc. Résultat : 585 votes en trois jours et près de 78 % d’entre eux optant pour le scénario par phases, synonyme de maintien d’activité neuf mois sur douze. Des résultats qui ont déjà été transmis à la préfète de Haute-Savoie.
Mais pour d’autres élus, il est urgent d’attendre. « Les socioprofessionnels, les associations environnementales et élus de la vallée avec qui nous avons pu échanger sont d’accord pour dire qu’il est encore trop tôt pour se prononcer sur l’un ou l’autre des scénarios, explique le maire de Chamonix Éric Fournier. Nous avons besoin d’une étude d’impact sérieuse et chiffrée, menée conjointement par la France, l’Italie et le Groupement européen d’intérêt économique exploitant le tunnel. »
« Il n’y a de toute façon pas de bonne solution », ajoute le maire de Servoz Nicolas Evrard, estimant qu’il faudrait davantage de transparence sur les éléments techniques qui poussent le tunnel et la CIG à envisager ces deux scénarios. D’un point de vue technique, la direction du tunnel avait indiqué après les premiers travaux de réhabilitation de la voûte qu’il ne semblait pas nécessaire de la refaire sur 11,6 kilomètres mais seulement sur près de 6 kilomètres. Un point qui pousse d’ailleurs beaucoup d’acteurs à se demander pourquoi il faudra autant de temps pour réaliser ces travaux.

En Italie, pour une seule et longue fermeture ?
En Italie, forts de l’expérience des trois ans de sans tunnel après le dramatique incendie de 1999, des voix plaident plutôt pour une seule et longue fermeture. « À l’époque, nous avions réussi à réorienter la clientèle vers les autres accès de la vallée d’Aoste et l’effondrement économique qu’on nous annonçait ne s’est pas produit », assure Roberto Rota, le maire de Courmayeur. « La fermeture s’était en plus imposée à nous du jour au lendemain. Nous pourrions cette fois bien mieux l’anticiper et la préparer », ajoute le maire qui craint qu’avec des fermetures répétées, les touristes perdent simplement le réflexe de se rendre de l’autre côté de la frontière.
Une position qui ne fait toutefois pas l’unanimité chez les Italiens. Les sociétés de remontées mécaniques tendent par exemple à privilégier la fermeture par phases, beaucoup moins préjudiciable pour leur activité. « Avec les fermetures de ces deux derniers automnes, nous nous sommes réorganisés pour attirer davantage la clientèle italienne de proximité mais aussi les pays du Nord, qui peuvent facilement transiter par la Suisse. On mise également sur des plus longs séjours pour lesquels les clients sont prêts à emprunter une autre route, même plus longue », explique Deborah Lettry. Des alternatives et solutions qui font dire à cette chargée de promotion et de développement du secteur touristique de Vallée d’Aoste que la fermeture par phases est peut-être préférable pour le moment.
Dans tous les cas, qu’ils soient Italiens ou Français, tous attendront avec un grand intérêt la prochaine réunion de la CIG prévue en décembre prochain à Rome. Une instance à laquelle aimeraient participer les élus du pied du Mont-Blanc, français ou italiens. « Le problème posé par la rénovation de cette voûte doit être l’occasion d’enfin repenser l’ensemble des flux à travers les Alpes et d’évoquer l’impérieuse nécessité d’accélérer le transport modal », défend surtout le maire de Chamonix. Lui appelle aussi à ce que la vallée de la Maurienne soit concertée puisqu’elle hériterait en grande partie du trafic dérouté lors de la ou des fermetures du tunnel du Mont-Blanc.
Article issu du Dauphiné Libéré