Sans oxygène, trois « 8000 » d’affilée, mais jusqu’où ira l’alpinisme ?

L'exploit dont parle dans l'interview :

Le 10 juillet, Vadim signait un record au sommet du Nanga Parbat (8 126 m), 9e plus haut sommet du monde, en 15 heures et 15 minutes, battant le temps de référence du Valdotain François Casanelli (plus de 20 heures).

Le 22 juillet, il atteint le sommet du Gasherbrum II (8 035 m) en 17 h 17 ! Alors bien acclimaté et en pleine forme, Vadim poursuit sur le voisin, le Gasherbrum I (8 080 m) qu’il atteint le 28 juillet en 11 h 55 d’efforts ininterrompus.

Trois sommets en trois semaines avec à la clé trois records de vitesse battus en mode “summit push” (direct du camp de base au sommet sans étapes aux camps intermédiaires).

Comment t’es venu le goût de l’altitude ?

« Mes deux parents sont guides. J’ai toujours fait de la montagne avec eux avec mon premier 3 000 à 10 ans aux Canaries où nous étions en vacances.

Puis j’ai continué dans les Écrins où nous avions une maison et mon premier 4 000 à 12 ans au Grand Paradis, le mont blanc à 15 ans, et mes premiers sommets seuls à 14 ans avec le goût pour la glace et la neige.

Puis je suis parti avec ma mère en Iran pour gravir le Damavand (5 600 m) et avec mon père après au Chili pour un sommet de plus de 6 800 m. Ça a été la découverte de la haute altitude et j’ai commencé à rêver de passer les 8 000 m. »

Et ce premier 8 000 ?

« En 2020, j’ai dû renoncer à cause du Covid à faire le Manaslu (8 163 m). J’avais choisi ce sommet car c’est le moins dangereux.

Finalement, je l’ai fait en 2021. Je suis devenu le plus jeune alpiniste (et le plus jeune Français) à grimper un 8 000, sans oxygène et en one-shot. J’ai même battu le record de vitesse en 12 heures et 45 minutes. »

Photo le Dauphiné Libéré / Gregory Yetchmeniza
Photo le Dauphiné Libéré / Gregory Yetchmeniza

Pourquoi le faire sans rien ?

« Mon père m’a toujours dit que ceux qui avaient besoin d’oxygène ou d’assistance ne sont pas vraiment des alpinistes. Ni cordes fixes, ni oxygène, cela correspond pleinement à mon éthique de la montagne : être propre, monter seul et ne laisser aucune trace !

La première fois, je suis monté un peu vite, j’ai eu des maux de tête : j’ai compris qu’il fallait prendre son temps. Je monte au camp de base, je m’acclimate, je poursuis à près de 7 000 m pour compléter cette acclimatation, puis je redescends au camp de base et je grimpe d’une traite au sommet.

Finalement, cette méthode abîme moins le corps, les cellules, l’organisme car on reste moins longtemps très haut. Alors, c’est tout bénéf ! »

L’alpinisme à ce niveau, ça coûte cher ?

« Oui, il y a les déplacements, les permis qui sont de plus en plus onéreux, l’abonnement satellite pour garder un lien avec les miens. J’ai aussi besoin d’une agence pour la logistique mais avec la plus simple formule jusqu’au camp de base.

Après, je fais tout tout seul : pas de porteur, pas d’assistance sur place, pas d’oxygène à acheminer. Quand je fais la montée ultime, je porte sur moi juste 6 litres d’eau.

Heureusement, j’ai des sponsors comme BlackPeuf qui a permis mes premières ascensions. Millet et Illem (société suisse d’informatique) m’aident et la commune de Morzine m’offre un budget qui me permet de poursuivre mon rêve de montagne. Par ailleurs, je travaille comme moniteur de ski de fond l’hiver et tailleur de pierre le reste du temps. »

Avez-vous connu la peur, le renoncement ?

« Le renoncement, oui. En 2022 j’ai tenté la face Sud du Lhotse (8 516 m) et à l’automne le Dhaulagiri (8 167 m). Mais j’ai à chaque fois dû renoncer à cause des conditions météo. En mai 2023, là j’ai vraiment eu peur ! J’étais en voie de grimper l’Annapurna.

J’ai eu une intoxication alimentaire qui m’a affaibli et j’ai développé un œdème pulmonaire au camp de base. J’ai commencé à me sentir mal, à cracher du sang. Je savais qu’il fallait que je redescende : j’ai pris le minimum et je suis descendu en courant.

À l’hôpital de Pokhara, les médecins m’ont confirmé que si je restais une heure de plus là-haut, j’aurais pu y rester. Depuis, j’ai fait une formation à l’Ifremont à Chamonix pour les premiers gestes d’urgence en cas d’accident ou de maladie. Heureusement, j’ai ma famille, ma sœur Keva, ma copine Mélisande, mes parents. Ils sont là pour la météo mais aussi pour m’aider à prendre des décisions en cas de doute. »

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