C’est une acquisition que certains pourraient juger insolite de la part du Département de Haute-Savoie. Pourtant, via sa compétence de protection du patrimoine, le conseil départemental n’est pas dans l’erreur quand il décide d’acquérir tout un alpage et son chalet dans le Chablais.
En tout cas, c’est la décision qu’ont prise les élus lors de la dernière commission permanente, ce lundi 28 août : racheter les 64 hectares de l’alpage de la Cheneau, ainsi que son chalet de 340 m², sur la commune de La Chapelle d’Abondance. L’objectif est simple : préserver la fonction agricole de cet alpage ancestral, situé sur le versant sud des Cornettes de Bise.
Un achat à 700 000 €
Car il aurait pu en être tout autrement. Mise en vente à l’été 2022 sur le site d’annonces Leboncoin, la propriété avait suscité l’intérêt de plusieurs potentiels acquéreurs privés. Même si un bail agricole est en vigueur jusqu’en 2026, permettant à un éleveur (le Gaec des Cornettes de Bise) de faire pâturer ses vaches, rien n’obligeait les futurs maîtres des lieux à le renouveler. Pis, ils pouvaient d’emblée transformer le chalet, de longue date une étable, en bien d’agrément ou résidence secondaire.
C’était sans compter sur le service départemental des Espaces naturels sensibles, qui scrute de près ce type de mises en vente. Rapidement, un contact a été pris avec le vendeur et un compromis de vente a finalement été établi, par l’intermédiaire de la Safer Auvergne-Rhône-Alpes, la Société d’aménagement foncier et d‘établissement rural. « L’ensemble était proposé au prix de 900 000 €, nous l’avons acheté pour 700 000 €. Il faut souligner la bonne volonté du propriétaire, qui a été attentif à la cause publique et à la pérennisation de l’alpage », met en avant Nicolas Rubin, vice-président au Département et maire de Châtel, qui a suivi ce dossier de près.
Le chalet serait aménagé en ferme d’alpage
Sur les 64 hectares de terrain, 40 sont utilisés ces dernières années en estives par Franck Vuarand et ses vaches de race abondance, dont le lait sert ensuite à confectionner le fameux fromage AOP. L’agriculteur, puis son fils qui souhaite reprendre l’exploitation, pourra donc continuer à faire paître ses vaches à la Cheneau.
Par ailleurs, comme c’était le cas autrefois, le chalet pourra retrouver une vocation agricole. Actuellement vide, il pourra être aménagé et équipé, avec l’installation d’une étable avec salle de traite, d’un atelier de production fromagère et d’une cave d’affinage. Une issue finalement logique, quand on sait que le Département avait subventionné à hauteur de 62 000 € en 2006 des travaux de rénovation (maçonnerie, toiture, charpente) du chalet en question.
Préserver les espaces naturels et agricoles emblématiques du département est une des missions du conseil départemental de Haute-Savoie. Ainsi, dans le cadre des schémas départementaux pluriannuels des espaces naturels sensibles, la collectivité dispose de budgets et d’outils spécifiquement dédiés. Un nouveau a été adopté cette année pour la période de 2023 à 2028.
Cela peut passer par exemple par des subventions aux associations foncières pastorales ou aux collectivités pour l’aide aux travaux en alpages et rénovation des chalets. Cela représente dans ce cadre 18,2 millions d’euros depuis 1995, dont 1,7 million d’euros en 2022 et 992 820 euros de subventions déjà attribuées en 2023.
224 hectares achetés en un peu plus d’un an
L’achat de foncier et de biens en alpages est aussi une autre option. Ainsi, le Département possède 616 hectares répartis en 10 alpages et neuf chalets. Un foncier agricole qui n’est pas insignifiant, mais à mettre en parallèle avec les 96 500 hectares de pâturages en Haute-Savoie. L’alpage de la Cheneau est ainsi le dernier à avoir été acquis, en août 2023. Le budget pour ces acquisitions pour 2021-2028 s’élève 11,5 millions d’euros dont 6,8 déjà affectés à des acquisitions faites ou en cours.
L’alpage le plus important se situe au plateau des Glières. Celui de la Cheneau est le second à avoir été acquis dans le Chablais, mais de loin le plus important. L’exécutif départemental semble vouloir accélérer ces acquisitions : en un an, 224 hectares ont été achetés, soit plus d’un tiers du total.
Malgré un ralentissement, l’artificialisation du foncier agricole continue en Haute-Savoie ces dernières années. 3 500 ont ainsi été consommés entre 2004 et 2014.
Article issu du Dauphiné Libéré
