En images : Spielberg, de Palma… dans quelle station des Alpes ont-ils skié ?

À quoi cela tient une bonne idée ? « À Brigitte Bardot ! », rigole Gérard Brémond, qui aime raconter que l’icône du cinéma français est à l’origine, sans le vouloir, de la création du Festival du film fantastique d’Avoriaz.

« Du jour au lendemain, il n’y avait plus de Bardot »

Pour comprendre ce lien singulier, il faut remonter à la fin des années 1960. À l’époque, Gérard Brémond, jeune promoteur immobilier, imagine avec l’architecte Jacques Labro et l’ancien champion de ski Jean Vuarnet une station de sports d’hiver sans voiture, aux lignes futuristes, installée sur un désert blanc à 1 800 mètres d’altitude.

Avoriaz voit le jour à Noël 1966 et bénéficie rapidement d’un éclairage médiatique providentiel grâce à la présence de Brigitte Bardot, entraînée par des amis communs. Une superbe aubaine pour la notoriété de la toute jeune station. « Malheureusement pour nous, elle s’est rapprochée d’un jeune homme tout à fait agréable, qui avait un défaut, il habitait Méribel », soupire le maître des lieux. « Du jour au lendemain, il n’y avait plus de Bardot. On se retrouvait le bec dans l’eau. »

« Créer l’endroit où il faut être, où il faut skier »

Le futur fondateur de Pierre et Vacances comprend, bien avant l’heure, qu’il n’y a pas mieux que les “people” pour faire du buzz. « Si les vedettes sont là, les médias suivront, entraînant des reportages qui coûteront beaucoup moins cher que des pages entières de publicité », résume-t-il sans fioriture. Il lui faut pour cela créer un événement pérenne, suffisamment attractif, pour assurer la promotion d’Avoriaz. Et accessoirement commercialiser ses immeubles. Il invente « les relations publiques immobilières », comme il dit. « Créer l’endroit où il faut être, où il faut skier et où il faut acheter un appartement. » Voilà qui a le mérite d’être clair.

Encore faut-il trouver cet événement qui fera date ! Lionel Chouchan, le fondateur de Promo 2000, une agence de “com” parisienne, lui propose d’organiser un festival du film fantastique. Le genre n’est pas très en vogue à l’époque, mais le bonhomme a un carnet d’adresses long comme un jour sans fin.

Gérard Brémond y voit même un avantage. « On s’est dit que pour créer une manifestation sur le long terme, il fallait qu’il y ait une cohérence entre la localisation et la manifestation artistique. » L’architecture mimétique d’Avoriaz, où chaque bâtisse, implantée en fonction du relief, respire la modernité semble être le terrain de jeu idéal pour un genre cinématographique novateur qui semble épouser les courbes inquiétantes de ce village futuriste, les soirs de brouillard.

L'affiche du festival en 1985
L'affiche du festival en 1985
Le festival international du film fantastique d'Avoriaz

Le Festival international du film fantastique d’Avoriaz a été créé en 1973. Le festival se tenait chaque année en janvier dans la station de Haute-Savoie. Après sa dernière édition en 1993, il est remplacé par le festival international du film fantastique de Gérardmer.

Steven Spielberg, Brian de Palma, James Cameron…

« On a surtout eu de la chance », poursuit notre hôte. « Toute une génération de nouveaux réalisateurs talentueux va passer par chez nous. » À commencer par un certain Steven Spielberg, qui dès la première édition en 1973, remporte le Grand Prix avec Duel. Suivront Soleil Vert de Richard Fleischer, Carrie de Brian de Palma, Elephant Man de David Lynch, Mad Max 2 de George Miller, Terminator de James Cameron ou Faux-semblants de David Cronenberg. Que des “master class” qui vont propulser Avoriaz en haut de l’affiche.

On y croise Robert de Niro, Tony Curtis, Bo Derek, Klaus Kinski. Le Festival du film fantastique devient “the place to be” si ardemment souhaité par Gérard Brémond. Un lieu incontournable où il faut être vu. Aussi célèbre que Saint-Tropez l’été. Le talentueux prometteur est bluffé par « l’esprit d’entreprise du jeune Luc Besson », beaucoup moins par Roman Polanski, « qui était très agité dans tous les domaines. »

Le showbiz français de Serge Gainsbourg à Sacha Distel, en passant par Alain Delon, Jeanne Moreau, Michel Audiard débarque de Paris en force par un train spécialement affrété et décoré pour la circonstance où l’on peut s’amuser toute la nuit. Les soirées aux Dromonts, l’emblématique hôtel d’Avoriaz, sont aussi mémorables que les descentes de piste en sac-poubelle. Rien ne fait peur à la petite station haut-savoyarde. Elle imagine même des badges bijoux créés par Morabito qu’elle distribue aux VIP. Rien n’est trop beau pour Avoriaz dont la renommée a largement traversé les frontières.

Mais la machine va s’emballer. Les majors du cinéma US ne veulent plus présenter leurs grosses productions, à moins d’avoir la garantie de gagner. « Ce qui était impossible. C’était une question de crédibilité et d’indépendance. On n’avait pas d’instruction à recevoir de quiconque », détaille Brémond.

« Cette image bling-bling ne collait plus à nos aspirations »

Le genre cinématographique évolue. Le fantastique glisse vers l’épouvante et l’horreur à grand renfort d’hémoglobine, à travers des films plus proches de la série Z. Le palmarès s’en ressent. Le Festival a pris une telle importance qu’il a littéralement phagocyté la petite station haut-savoyarde aux infrastructures limitées pour accueillir un tel barnum. « On se retrouvait avec une clientèle du style Courchevel, Megève, alors qu’on est une station familiale, sans grandes marques de luxe et sans chalets de 500 m² », ironise notre hôte. « Cette image bling-bling ne collait plus à nos aspirations. »

À la surprise générale, le Festival tire sa révérence en 1993, vingt ans après avoir vu le jour. Associé au célèbre producteur Daniel Toscan du Plantier, Gérard Brémond tentera bien de poursuivre l’aventure à travers un festival du film français. Mais l’esprit n’y est plus. Le genre fantastique s’est exporté à Gérardmer dans les Vosges. Loin des strass et des paillettes d’Avoriaz qui, l’espace d’une parenthèse enchantée, fut sous le feu des projecteurs par la grâce d’une absence de marque qui obligea la station à s’inventer un futur.

Article issu du Dauphiné Libéré

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