L’aiguille Verte : à 4122 mètres d’altitude, la reine du massif du Mont-Blanc

Elle est la reine du Mont-Blanc. Une grande dame qui n’a pas le titre de la plus haute montagne du massif, mais qui comme aux échecs, apparaît aux alpinistes bien plus décisive que le roi lui-même. Contrairement au mont Blanc, l’aiguille Verte n’offre aucun passage aisé.

Chacun de ses versants constitue un défi de taille. « Avant la Verte, on est alpiniste, à la Verte, on devient montagnard », résumait à son sujet l’unique Gaston Rébuffat. Une phrase qui a d’ailleurs entretenu le caractère légendaire de ce sommet haut de 4 122 m et resté longtemps inaccessible.

Une première ascension en 1865

Alors que le mont Blanc fut gravi pour la première fois en août 1786, il a fallu attendre juin 1865 pour qu’Edward Whymper, Christian Almer et Franz Bine domptent l’aiguille Verte. Une équipe d’alpinistes qui, cinq jours plus tôt, avait été la première à atteindre le sommet d’une des pointes des Grandes Jorasses, qu’ils gravissaient uniquement pour obtenir un point de vue sur la Verte. C’est dire la fascination exercée par cette montagne, qui à elle seule, peut s’apparenter à un massif entier.

Ses faces hautes et étendues imposent l’humilité. Depuis Chamonix, elle prend l’apparence d’une tour minérale, coiffée d’une calotte glaciaire, d’où s’étirent quatre murailles rocheuses. Depuis le bas de la vallée, certaines de ces proéminences satellitaires, comme les Drus, laissent parfois l’impression de la dominer, mais dès que l’observateur prend de la hauteur, il réalise que même ce sommet époustouflant s’écrase derrière la reine du secteur. Un monument naturel dont le nom pourrait venir des reflets bleu-verts que prend la glace sommitale lorsque le soleil l’éclaire de profil, mais dont l’origine est plutôt attribuée à la racine préceltique “ver”, désignant une hauteur.

L’aiguille Verte (à gauche). Photo Le DL/Baptiste Savignac
L’aiguille Verte (à gauche). Photo Le DL/Baptiste Savignac

Une multitude d’itinéraires ouverts

Quoi qu’il en soit, dans la capitale de l’alpinisme, quand la nouvelle de sa première ascension tombe, les membres de la Compagnie des guides de Chamonix sont furieux, vexés de s’être fait doubler dans cette grande période de conquêtes. Quelques-uns d’entre eux, dont Michel Croz, y retournent quelques jours plus tard et ouvrent une voie nouvelle, plus longue et plus complexe via l’arête du Moine.

Les locaux ne pouvaient faire autrement que d’inscrire à leur tour leur nom sur ce phare du Mont-Blanc, composé de trois versants. Le versant sud, où l’on retrouve sa voie d’ascension la plus classique : le couloir Whymper. Le vertical versant du Nant Blanc qui domine la vallée de Chamonix, et le versant nord au-dessus du glacier d’Argentière où se distinguent les couloirs Couturier et Cordier, longs toboggans de neige et de glace de plus de 1 000 mètres de hauteur. Depuis près de 125 ans, une multitude d’itinéraires ont été ouverts dans ces différents versants et quelques alpinistes les ont presque tous gravis.

Armand Charlet. Photo Archives Le DL
Armand Charlet. Photo Archives Le DL

Armand Charlet a gravi l’aiguille Verte 100 fois

L’aiguille Verte est ainsi souvent associé à la figure d’Armand Charlet, qui entre 1924 et 1960 a gravi ce sommet 100 fois, par pas moins de 14 itinéraires différents, dont sept nouveaux. Avec Camille Devouassoux, celui qu’on surnommait le plus grand guide de sa génération réalise même la première du versant du Nant Blanc en 1929. La Verte fut aussi le jardin d’Alain Iglésis, secouriste décédé tragiquement après avoir été emporté dans une avalanche sur l’arête des Cosmiques en mai 2021. Lui aussi s’était rendu plus d’une centaine fois en haut de cette montagne, théâtre de nombreux exploits mais aussi de drames.

Du fait de sa difficulté et de l’engagement que demande la descente de certains de ses itinéraires, des accidents s’y produisent presque chaque année. Mais le 7 juillet 1964, le monde prit un peu plus conscience de la dangerosité de la Verte, lorsque 14 alpinistes furent mortellement précipités dans la face nord. Neuf aspirants guides accompagnés de leurs professeurs à l’École nationale de ski et d’alpinisme (ENSA), tous piégés par une plaque à vent alors qu’ils remontaient l’arête des Grands Montets. Un drame qui a marqué au fer-blanc la vallée de Chamonix.

Un panorama à couper le souffle

D’autres ont cru s’y voir mourir mais s’en sont sortis miraculeusement. Gaëlle Cavalié est l’une d’elles. Bloquée non loin du couloir Couturier après 100 heures de solitude, la jeune femme alors âgée de 21 ans put finalement être sauvée in extremis, même si elle dut être amputée de tous ses orteils, trop abîmés par le gel.

Des histoires qui pourraient dissuader les candidats à son sommet. Mais la Verte reste infiniment attractive. De son point culminant, les montagnards peuvent admirer la somptueuse enfilade des aiguilles effilées de Chamonix jusqu’au mont Blanc. Un panorama à couper le souffle que ne peut que fantasmer le commun des mortels, qui aime à la place admirer sans fin cette cime de légende.

Article issu du Dauphiné Libéré

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