La Dent Parrachée : toutes les Alpes depuis la pyramide de Maurienne

Selon les cartes, elle culmine entre 3 693 et 3 697 mètres. Ça n’en fait pas le plus haut sommet de Savoie (la Grande-Casse, 3 855 mètres), ni même le point culminant de la Maurienne, la pointe de Charbonnel à 3 752 mètres. Mais la Dent Parrachée en impose par sa situation géographique, par la domination à la fois harmonieuse et écrasante qu’elle semble imposer à son environnement.

3 août 1864 : la première ascension officielle

Qu’en pensaient les chasseurs qui, les premiers, sans doute en 1862, ont gravi cette majestueuse pyramide ? Ils l’ont gardé pour eux, à tel point que la première ascension connue, officielle, date du 3 août 1864, par Thomas Blanford, R. M. Cuthbert, Alexandre Deymoniez, Joseph Victor Favret, Jérôme Gisioz et Edward Penning Rowsell.

Ils se lançaient à l’assaut d’un sommet dont le nom bizarre (“Parrachez” à l’époque) figurait sur la “mappe sarde” de 1855, le cadastre des États de Savoie. Comme souvent, il semble qu’il s’agissait d’une retranscription approximative du patois haut-mauriennais “Parreis”, qui signifie tout simplement “paroi”. Le grand William Coolidge l’escaladera en 1878.

La Parrachée était donc considérée dès l’origine comme plutôt abrupte, et elle l’est toujours. D’autres voies n’ont été ouvertes que bien plus tard. La face nord le fut par Jean-Noël Roche, célèbre guide à Lanslevillard, en 1973 avec Jean-Claude Poulain.

Dans ces années-là, elle faisait partie de la trilogie des belles faces nord de Vanoise, avec la Grande-Casse et la Ciamarella. Pour faire bon poids, Jean-Noël Roche l’a aussi, le premier, descendue à ski, mais le réchauffement climatique, ces dernières années, la rend moins attractive.

Photo Le DL/Frédéric Thiers
Photo Le DL/Frédéric Thiers

Le sommet des gens du coin

Mais la Parrachée, c’est beaucoup le sommet des gens du coin. Tout jeune Aussoyen qui fait de la montagne a gravi la Dent Parrachée. Et beaucoup, à plusieurs reprises. Josué Damevin, le guide emblématique du village, premier du village à obtenir son diplôme national, y serait monté plus de 200 fois, dont la dernière à plus de 80 ans, en 1982 ! À tel point qu’il était surnommé “Josué La Parrachée”.

Si l’assiduité de Josué est inégalée, les 3 697 mètres restent très fréquentés. Il n’est pas rare de trouver deux douzaines d’ascensionnistes au sommet. De petites histoires circulent à son propos.

Ainsi Tim Margueron, à l’époque où il était aide-gardien au refuge de la Parrachée, servait le petit-déjeuner aux clients qui partaient vers 4 heures, puis montait au sommet en courant et rentrait à temps pour assurer la même prestation aux clients levés à une heure plus détendue. Alain Marnezy, lors d’un de ses mandats de maire, y organisa une sortie de tour le conseil municipal, en y conviant le sous-préfet de l’époque !

Une sorte de concentré des Alpes

Les points forts de la Dent Parrachée sont la vue, bien sûr, et la variété, qui en font une sorte de concentré des Alpes. Écaille calcaire, elle baigne un peu dans les schistes, il faut donc prendre garde aux chutes de pierre. Elle est cotée “peu difficile inférieure”, ce qui ne doit pas faire illusion : c’est bien une course de haute montagne, et non un but de randonnée. Ce n’est même pas un sommet facile d’initiation, mais une course mixte avec neige et glace.

Comme elle paraît bien proche depuis les refuges qui donnent sur sa face sud, il n’est pas rare que certains s’y lancent sous-équipés, et en reviennent sans dommages, mais c’est prendre un risque inconsidéré : crampons, baudrier, casque sont de rigueur. Il faut aussi compter avec la descente, loin d’être une promenade de santé.

On peut aussi s’abstraire de la traditionnelle face sud pour, en début de saison (ne pas dépasser la mi-juillet pour se prémunir contre les chutes de pierre), tenter le passage par la brèche de la Lauza. C’est aussi la voie du printemps, en ski-alpinisme, là encore réservée aux expérimentés.

Une vue sur les Écrins, le Viso, le mont Rose

En début d’été, on monte fréquemment d’un côté pour redescendre de l’autre. Par la brèche de la Lauza, on passe à côté d’un lac en formation, sur le glacier rocheux de la Fournache. Cette poche d’eau naissante est surveillée, mais ne présente pas, pour l’heure, de danger de rupture. La face est se descend aussi à ski, en direction de Termignon, mais à la montée, c’est un itinéraire beaucoup moins fréquenté.

Il faut aussi penser à ceux qui n’y monteront jamais, qui ne verront pas, de là-haut, les Écrins et le Cervin, le Viso et le mont Rose, et toute la chaîne du Mont-Blanc. En remontant la vallée de la Maurienne, même en voiture, la Parrachée est des sommets qu’on ne peut manquer. Même d’en bas, elle est mythique.

Article issu du Dauphiné Libéré

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