Léo Slemett, la montagne lui a offert le bonheur comme son malheur

À deux reprises, la montagne lui a pris sa moitié

En 2016, alors que rien ne semble pouvoir arrêter son irrésistible ascension sur le circuit du Freeride World Tour, Léo Slemett perd, dans une avalanche, Estelle Balet , qui partageait sa vie depuis deux ans et demi. Les cimes qui semblaient alors le porter au sommet, l’emmènent au plus bas. Mais le jeune homme, animé d’une force intérieur rare, cherche et trouve une porte de sortie à son malheur : la compétition, la victoire, le titre. La peine reste immense mais le Chamoniard taciturne la cache derrière son costume de super skieur. Avec le temps, le gamin des Pèlerins s’autorise à nouveau à aimer. Sa nouvelle dulcinée l’aide même à trouver dans la vie, une saveur qu’il pensait dissipée, jusqu’au jour où un nouveau coup de poignard vient rouvrir toutes les cicatrices de son cœur.

Jeune aspirante guide, Adèle Milloz meurt dans l’exercice de sa passion et de son futur métier. Un drame et un deuil de plus qui laissent l’athlète dans l’incompréhension la plus totale. « La montagne m’a offert mes plus grands moments de bonheur, mais m’a aussi infligé mes plus grands malheurs », livre aujourd’hui celui qui dut, une nouvelle fois, trouver l’énergie de poursuivre son existence. « Ça fait encore très mal, mais j’ai moins de difficulté à en parler », ajoute le skieur qui a accepté de se confier, comme jamais auparavant, pour les besoins d’un film de 52 minutes prévu pour l’automne prochain.

Mathis Dumas à la réalisation

Produit par le guide et vidéaste Mathis Dumas, l’un de ses meilleurs amis et désormais connu du jeune public pour avoir accompagné le youtubeur Inoxtag, ce portrait, qui dénotera avec les traditionnels films de glisse, reviendra sur les dix dernières années de ce dompteur de faces. « Mathis m’a dit qu’il ne connaissait personne ayant autant ramassé et qui avait la démarche de faire face. Je lui ai fait confiance et je dois dire que le tournage me sert presque de thérapie ». Un documentaire qui reviendra aussi sur la maladie de Crohn contractée par le freerideur en 2013 et dont il n’a jamais tellement parlé. « Quitte à s’intéresser à l’humain plutôt qu’à sa glisse, autant dire tout ce que j’ai toujours gardé pour moi ».

Pour celui qui est devenu champion du monde de freeride en 2017, le ski reste aujourd'hui une pratique très personnelle, un exutoire.  Photo Mathis Dumas
Pour celui qui est devenu champion du monde de freeride en 2017, le ski reste aujourd'hui une pratique très personnelle, un exutoire. Photo Mathis Dumas

« J’aurais aimé me retirer façon Martin Fourcade »

De toute façon, le ski reste pour ce champion hors cadre, une pratique très personnelle, un exutoire. Depuis quelques années déjà, la compétition le fait moins rêver que certaines descentes d’envergure en haute montagne. « Je sais que mon ski n’a pas pris une ride, mais je n’ai plus envie de prendre autant de risques dans n’importe quelles conditions. J’y retournerai peut-être malgré tout, mais je n’ai plus rien à prouver. Et si j’arrête, ça n’aura pas été parce que je n’étais plus au niveau, mais parce que je l’ai choisi. J’aurais bien sûr aimé me retirer façon Martin Fourcade, en gagnant l’étape reine de Verbier, qui s’est toujours refusée à moi, mais je serai quoi qu’il arrive en paix avec ma décision ».

Guide, une nouvelle voie pour avancer

Après tout, d’autres objectifs l’attendent dès la semaine à venir avec le « probatoire », le difficile examen d’entrée au diplôme d’État de guide de haute montagne. Pour celui qui ne vient pas du milieu, devenir premier de cordée de métier n’a jamais été une vocation. Mais depuis quelques années, l’as du backflip s’est mis à pratiquer un peu plus la montagne dans toute sa largeur. Alpinisme, escalade, cascade de glace… Entouré des meilleurs de chaque discipline, Léo Slemett s’est constitué en peu de temps une liste de course étoffée, sans presque le chercher. « J’aime l’idée d’avoir plusieurs cordes à mon arc. J’ai la chance de vivre encore de mes sponsors qui m’encouragent notamment dans mes projets de films, mais un jour, j’aimerais bien partager ma passion dans un terrain plus vaste que les domaines skiables ».

Avec l’humilité de celui qui sait que rien n’est acquis d’avance, le trentenaire fan de rap et imprégné de la culture urbaine se présente à un examen où il côtoiera des jeunes Chamoniards fans de lui. Une jeunesse « rock, loin du milieu aseptisée de la course » qu’il regarde avec l’œil bienveillant du sage grand frère. Celui d’un homme élevé avec des valeurs de partage et de diversité, attaché à son quartier, « le plus mélangé et le plus beau de Chamonix ».

Tout faire pour devenir guide, l’aide en tout cas à aller de l’avant. Et même si Léo Slemett reste probablement toujours plus fort à la descente qu’à la montée, sa résilience fait de lui le plus endurant des montagnards.

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