« Avec Inoxtag, toute une génération s’est fait piquouzer à la montagne »

Avec Daniela Capone, compagne de Nico, plus gros influenceur français aux 28 millions d’abonnés Tik Tok, les guides de haute montagne, artisans des cimes, pas vraiment “geek”, ne sont pas tombés sur la bonne cliente. Fin août, ils découvraient un terrain plus hostile qu’une face nord. Le temps d’un post, l’influenceuse livrait en pâture à ses millions d’abonnés sa mésaventure dans un stage de préparation au mont Blanc accusant ses premiers de cordée de l’avoir « mise en danger ». Et la corporation de découvrir les effets dévastateurs pour son image de ce qu’il est convenu d’appeler un “bad buzz”.

Les réseaux sociaux, vecteur de communication de la montagne

Dans ce registre 2.0, s’il est un membre de la confrérie en pointe, c’est bien l’Ardéchois Mathis Dumas, basé au pied du mont Blanc. Le guide d’Inoxtag, star de YouTube, qu’il a emmené sur l’Everest, a vu son bataillon d’abonnés sur Instagram doubler (750 000) avec le succès du film Kaizen.

Le jeune montagnard photographe a beau être vieux routier des réseaux, il s’est laissé prendre dans le piège tendu par Maeva Ghennam, ex-vedette de la téléréalité Les Marseillais, exilée à Dubaï. Il n’aurait jamais dû répondre à sa sollicitation bidon pour emmener la gracieuse grimper le toit des Alpes. Las, il croyait bien faire, en expliquant à cette émule de Nabila les vraies valeurs de la montagne.

C’est tout l’enjeu des réseaux sociaux aujourd’hui, à l’ère où les influenceurs s’imposent comme de nouveaux acteurs de la montagne. Leur puissance chamboule les codes et Mathis Dumas est venu sensibiliser ses confrères « à ce milieu qui leur paraît encore abstrait », histoire d’éviter de subir. Par leur pouvoir de diffusion, ces réseaux peuvent être aussi un formidable vecteur de communication.

Mathis Dumas. Photo Le DL/Antoine Chandellier
Mathis Dumas. Photo Le DL/Antoine Chandellier

« Les influenceurs deviennent athlètes et vice-versa »

Drôle d’oiseau que l’influenceur qui sait créer une proximité avec une communauté. Certains dans le milieu en sont. Kilian Jornet, l’ultra terrestre, le Népalais Nims Dai, vedette de Netflix, depuis qu’il a gravi les géants himalayens en six mois ou même le vieux pionner Messner. « Tous ont en commun des exploits à 8 000 » précise l’expert.

Mais des guides évoluant dans le haut niveau sont aussi influenceurs : la grimpeuse Liv Sansoz, les alpinistes Charles Dubouloz ou Benjamin Védrines, le skieur Vivian Bruchez. « Ils donnent ainsi de la visibilité à leurs partenaires ». Les annonceurs touchent ainsi leur cible marketing pile dans le mille. « Les influenceurs deviennent athlètes et vice-versa ». L’intérêt : maîtriser sa communication et devenir son propre média. Passé 500 000 followers, selon le nombre de pouces levés un message peut se monnayer 10 000 €.

Photo Mathis Dumas
Photo Mathis Dumas

Le film Kaizen racheté depuis par la plateforme Disney

Le cas d’Inoxtag, dans la catégorie méga influenceur (plus d’un million d’abonnés), est édifiant par l’effet qu’il a eu sur l’attrait de l’altitude auprès des jeunes que l’on a du mal, encore, à mesurer si ce n’est par le bond des ventes au Vieux Campeur. Le film Kaizen, qui relate l’ascension de l’Everest de ce jeune banlieusard, mais aussi sa préparation, avec Mathis en guide « spirituel », a été vu 40 millions de fois sur internet, racheté depuis par la plateforme Disney. Il est vécu comme une révolution.

L’aventure avait pourtant démarré, dans la polémique. Et on mesure la force des réseaux. Dumas a su éveiller le néophyte à la bonne démarche mais surtout à la communiquer. « On a réussi à retourner la situation. Et au final créer quelque chose de bénéfique en passant des messages auprès d’un public qui nous était difficile à atteindre. Toute une génération de 5 à 25 ans s’est fait piquouzer à la montagne. Les réseaux offrent une nouvelle opportunité pour promouvoir une pratique responsable. »

Car ces publics, nul ne pourra les refréner. « Autant leur faire passer les bons codes pour éviter qu’ils se tuent ». Les influenceurs n’ont pas attendu Inoxtag pour se pointer au mont Blanc. Mais la vidéo du lever du jour à 4806 m est devenue banale. « Maintenant, ils se mettent à dévoiler les coulisses d’ascension ». Gare au « bad buzz » avec les toilettes du refuge du Goûter.

Inoxtag a changé la vie de Mathis Dumas, qui croule sous les sollicitations. On lui a même demandé de reprendre l’association À chacun son Everest, de Christine Janin. L’existence d’Ines Benazzouz aussi a été bouleversée. « Inox », jeune héros du quotidien, qui a commencé dans sa chambre avec de jeux vidéo, est amené à devenir un personnage récurrent des hauteurs. Cet hiver, il va se mettre au snowboard et prévoit d’autres ascensions. Kaizen 2, 3 voire 4 sont dans l’air. « Pour lui l’histoire commence maintenant ».

Article issu du Dauphiné Libéré

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