Inoxtag au sommet de l’Everest : « Je dis merci à ces gens qui m’ont critiqué »

Inoxtag, phénomène de la génération Z, s’est fait connaître à 11 ans en filmant ses parties de jeux vidéo. Il assure qu’il n’a pas tenté cette ascension de l’Everest avec le guide ardéchois Mathis Dumas pour une course aux clics. Il y est allé par défi et en est revenu changé. Il veut montrer le véritable esprit de la montagne qui l’a envoûté.

Êtes-vous surpris par les réservations, parties en quelques heures partout en France ?

« Je suis « choqué ». Avoir son film au cinéma, je pensais que c’était impossible quand j’avais 11 ans dans ma chambre. C’est la concrétisation de onze ans de travail. Des cinémas ont rouvert des séances. Les sites Pathé, UGC, Allociné ont crashé… Peut-être parce que c’est la première fois qu’une de mes vidéos sort sur grand écran, avec une véritable immersion. »

« Ça avait l’air impossible d’aller au sommet du monde »

Comment en vient-on à vouloir gravir l’Everest, sans avoir mis les pieds en montagne ?

« Je me suis d’abord lancé des défis à travers les jeux vidéo, comme Fortnite. Un jour, j’ai voulu refaire dans la vraie vie ce que je faisais chez moi, m’inspirer de films, comme 48 heures pour survivre à une invasion de zombies. J’ai fait Paris-Roubaix sans connaître le vélo, je suis allé seul sur une île déserte au Cambodge, Koh-Lanta version hardcore. Je me suis mis à dépasser mes limites. Alors, pourquoi pas l’Everest ? Ça avait l’air impossible d’aller au sommet du monde. Je remercie Mathis Dumas, le guide qui m’a accompagné et m’a transmis les bonnes valeurs. »

Photo Le DL/Bertrand Riotord
Photo Le DL/Bertrand Riotord
Un budget à plus d’un million d'euros

Un an de préparation, un mois et demi d’expédition et quatre mois de montagne… Pour réaliser ce documentaire, la star du net a réuni un budget d’1 million d’euros, avec le soutien de partenaires comme Nike. Pour la seule partie de l’expédition à l’Everest, avec un budget à 65 000 euros par personne, il n’était pas dans les standards les plus élevés.

« La montagne est aussi un endroit spirituel »

Avant ça, que représentait cet univers ?

« Je ne connaissais pas le milieu. Dans l’aventure qui aura duré un an, j’étais accompagné par des gens de la montagne. Comme Léo Slemett, le champion de ski freeride, ou l’Allemand David Goettler qui a gravi l’Everest sans oxygène durant la préparation. Tous m’ont appris que la montagne est aussi un endroit spirituel, à respecter où il faut savoir se mettre en sécurité. Il y a eu aussi Antoine Mesnage qui fait de la slackline.»

« Les sommets les plus connus ne sont pas les plus durs »

Comment s’est passé la rencontre avec Mathis, alpiniste et photographe ?

« Un ami, Nico Mathieu, aventurier, spécialiste de la survie en Amazonie nous a mis en contact. Au début, il n’était pas intéressé, à cause de la surpopulation de ce sommet. Il a voulu voir ma démarche, m’a fait venir trois semaines à Chamonix pour m’entraîner. Il m’a dit : « Ce que je veux, c’est que tu montres la montagne, pas que l’Everest. » On a d’abord fait des courses d’arêtes, gravi la dent du Géant, puis le mont Blanc, l’arête des Papillons, le Cervin, en Suisse, le mont Aiguille et le Vercors où on a bivouaqué en paroi. J’ai compris que les sommets les plus connus ne sont pas les plus durs. »

Photo Le DL/Bertrand Riotord
Photo Le DL/Bertrand Riotord

« C’est une vraie rupture dans ma vie »

Vous avez coupé les réseaux, annonçant vouloir inciter les jeunes à sortir et lâcher l’écran…

« Kaizen, le nom japonais du documentaire, c’est ça : progresser chaque jour, se dépasser, à son rythme, à sa mesure. En partant je me suis déconnecté, je n’ai pas pris mon téléphone. On passe trop de temps sur les réseaux, moi le premier, si j’en suis là c’est grâce à ça. Alors qu’on pourrait utiliser ce temps passif à s’ouvrir. Pour se trouver une motivation, il faut se mettre en mouvement. »

Un signe de maturité ?

« Cette aventure, c’est une vraie rupture dans ma vie. Un projet qui m’a changé. L’Everest m’a fait aussi prendre conscience qu’un projet comme celui-ci se fait en équipe. On était quatre pour la production d’images et les sherpas pour la sécurité, une dizaine de personnes. Mais entre la préparation et le documentaire, une centaine de personnes ont pris part au projet. »

« Je dis merci à ces gens qui m’ont critiqué »

Il a suscité la polémique. On vous a accusé de contribuer à la banalisation de l’Everest…

« Je comprends. Je dis merci à ces gens qui m’ont critiqué, ils m’ont permis de me remettre en question. La plupart de ceux qui tentent l’Everest n’ont jamais mis de crampons avant de venir. Dans le documentaire, sur 2 h 30, 50 minutes sont consacrées au sommet, le reste c’est notre préparation avec cette autre montagne l’Ama Dablam, la plus belle. Le Cervin de l’Himalaya, ultra technique, il n’y a personne. On l’a escaladée sans bouteille d’oxygène, en petit comité. Et on fait le parallèle avec l’Everest, surpeuplé. »

« Ça fait peur d’être aussi haut et il y avait trop de monde, c’était angoissant »

Ce versant noir de l’Everest est-il mis en avant dans votre documentaire ?

« Au dernier camp, à 8000, on a filmé plein pot les tentes déchirées, les déchets. J’ai été choqué. Quand on va en montagne, on la laisse dans l’état où on l’a trouvé, m’a appris Mathis. Et avec le monde, j’ai eu vraiment peur. La fréquentation se condense sur le mois de mai, toutes les expéditions attendent la fenêtre météo, montent d’un coup et ça devient dangereux. Avec les embouteillages, on est resté bloqués plusieurs heures dans la cascade de glace, l’ice fall, sous des gros séracs (blocs de glace suspendus). Le danger est là. Au ressaut Hillary, sous le sommet, je ne me sentais pas bien. Ça fait peur d’être aussi haut et il y avait trop de monde, c’était angoissant. Mathis m’a rassuré. De retour au camp de base j’ai appris qu’à l’endroit où j’avais eu peur, six alpinistes étaient tombés (NDLR, deux sont morts, à la suite de la rupture d’une corniche en raison de la surcharge). On avait entendu paniquer, mais on ne réalisait pas. On n’est pas passé loin. »

Photo Le DL/Bertrand Riotord
Photo Le DL/Bertrand Riotord

« J’ai planté du riz avec un paysan »

À l’arrivée au camp de base, quelle a été votre réaction ?

« J’avais l’impression d’être sur une autre planète, pas faite pour l’homme, sur un glacier en mouvement. C’est aussi une mini-ville, avec des agences de luxe, qui proposent des couvertures chauffantes. Nous, on avait une petite tente, une petite équipe, un truc fraternel, avec des moments de galère. L’esprit de la montagne. Je me revois dans les camps supérieurs, torse nu avec le masque à oxygène, pas bien, à me demander ce qu’on foutait là.»

Qu’est-ce que vous avez ressenti là-haut ?

« C’est tellement bon…J’ai pensé à mes proches, mes abonnés. Les grands sommets se font à plusieurs. »

Pourquoi avoir attendu quatre mois pour dire que vous aviez bien fait le sommet ?

« Quand je suis parti, j’ai laissé mon téléphone. Deux mois sans, une première pour moi. J’ai acheté une liseuse, avec 120 tonnes de mangas, j’ai appris à jouer aux échecs. Et après, avant de rentrer en France, je voulais prendre du recul, je suis parti à Cuba, j’ai planté du riz avec un paysan. De retour à Paris, je ne me suis même pas reconnecté à Instagram. Maintenant je me mets des barrières. Sans téléphone on vit deux fois plus, il n’y a pas un écran pour nous séparer de la réalité. »

« J’ai gravi le mont Ventoux »

Êtes-vous retourné en montagne ?

« Oui, dès cet été. J’ai fait aussi du vélo et gravi le mont Ventoux. Je ne pouvais pas trop me montrer. En janvier, je veux grimper l’aiguille Verte qui consacre les vrais alpinistes. »

« On marche sur un livre d’histoire »

Quand on dit qu’aujourd’hui « Tout le monde peut faire l’Everest », vous validez ?

« Il faut une certaine motivation, tenir deux mois au camp de base, prendre des risques. Dans l’ice fall, que l’on soit Kilian Jornet ou moi, le sérac peut vous tomber dessus. Pour certains, c’est le rêve d’une vie. On marche sur un livre d’histoire. J’ai lu Maurice Herzog, le livre sur l’Annapurna. À l’époque, ils partaient vers l’inconnu et nous ont ouvert la voie. Quand je vois des monstres comme Benjamin Védrines qui réalise des exploits, comme son record au K2…Ce sont eux qu’il faut mettre en avant. Mais même le K2 et les autres montagnes himalayennes commencent à devenir comme l’Everest. Le film montre l’angoisse que l’on ressent. L’humain rend la montagne plus dangereuse.»

Article issu du Dauphiné Libéré

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