« Il y a eu le plan Neige dans les années 60. Là on a une transition à faire mais on n’a pas de plan de l’État. Ça peut paraître vertigineux. » Voilà pour le contexte, résumé par Benjamin Aidan, de l’organisation environnementale Protect our Winters. Alors, « sur sa propre initiative », tient à préciser son directeur général, Frédéric Marion, Grand Massif Domaines skiables (GMDS) a élaboré son plan Résilience, qui doit lui permettre de s’adapter au réchauffement climatique.
Une « vision de sincérité et d’engagement » présentée le 16 octobre, du moins ses grandes lignes, car le plan reste « un document de travail confidentiel » que l’entreprise a toutefois souhaité « faire connaître », ne serait-ce que parce que ses répercussions dépassent le seul domaine skiable.
Il est l’un des plus gros, figurant dans le top 10 français avec ses 265 kilomètres de pistes s’étalant de 700 à 2 500 mètres d’altitude sur cinq communes (Samoëns, Sixt-Fer-à-Cheval, Morillon, Magland et Arâches pour Flaine), avec un chiffre d’affaires de 52,53 millions d’euros.
Et lui aussi doit composer avec le changement climatique : « Malgré le travail de nos équipes, le givre, le vent, les tempêtes nous obligent à fermer plus souvent. La neige se transforme. Ces facteurs entraînent un report des skieurs sur les pistes ouvertes, qui saturent. On atteint alors les limites du confort, donc de la satisfaction du client et par extension, l’attractivité du domaine. Avec évidemment aussi des enjeux de sécurité », expose le directeur. « Il faut se poser la question : combien de skieurs peut-on accueillir raisonnablement ? », sachant qu’à l’horizon 2050, 30 % de la superficie skiable sera perdue, avec une remontée générale du front de neige à 1 600 mètres.
Un plan Blanc avec la stratégie du « contingentement »
Plutôt qu’une logique de « tarification dissuasive », GMDS optera pour le « contingentement » et l’étalement de la fréquentation. « Le contingentement, ça existe déjà, comme dans les calanques, au refuge du Goûter, etc., relativise Frédéric Marion. Pour certaines périodes, le forfait de ski, il faudra le réserver. Notre objectif est de réagir avant le trop-plein grâce à des prévisions qui observent les pistes clé aux moments clé, le temps d’attente aux remontées mécaniques, etc. En tenant compte des réservations et des forfaits saison, on mettra le supplément en vente. »
Ce plan Blanc, qui prévoit également la relocalisation de certaines remontées mécaniques (qui passeront de 51 à 41) et le repositionnement des équipements de neige de culture promet une « sanctuarisation du produit skiable de décembre à avril. Le produit ski ne va pas s’effondrer, seulement, il ne montera pas », rassure le directeur, qui annonce : « On passera de 1,3 million de journées skieurs, chiffre stable depuis une vingtaine d’années, à 1,1 million. » Ce plan se fera « dans la limite de nos capacités », soit 180 millions d’euros.
Un plan Vert « pour les zones qui ne sont plus garanties en ski »
Il s’accompagnera d’un plan Vert « pour les zones qui ne sont plus garanties en ski et qui tourneront avec autre chose, y compris l’hiver […] On a identifié quatre produits à organiser : la vue sur le Mont-Blanc, le désert de Platé, l’alpage de la Vieille à Morillon,et les lacs d’altitude », détaille Frédéric Marion.
« Le gros du trafic hors ski, ce sont les piétons, pas les vélos, et actuellement on ne leur propose pas grand-chose. D’où la nécessité de développer les services (restauration, accueil, toiletttes, etc.), sans pour autant faire le parc Astérix en haut. L’idée n’est pas de saturer l’été mais de lisser les flux », avec des remontées mécaniques qui verront leur amplitude d’ouverture augmentée de juin à octobre (actuellement de fin juin à début septembre).
Il faudra adapter ces mêmes remontées, certains chemins « pour les PMR, les chiens, les poussettes… » Et d’illustrer : « On a trois télécabines en vallée du Giffre. Si elles tournent neuf à dix mois de l’année, elles n’ont pas été faites pour ça. Il faudra changer des équipements, adapter les horaires, le confort aussi, et la chaîne de mobilité qui y amène les gens. Avec des ouvertures plus longues, les créneaux de maintenance ne seront plus les mêmes. Ça va être lourd, d’où l’importance de passer un cap ».

« Les années de transition ne vont pas être simples »
Ce plan Vert doit « amener un trafic supplémentaire qui permettra à notre chiffre d’affaires d’augmenter ». Il assurera aussi « le maintien de nos 230 équivalents temps plein (dont quasi 100 permanents) au prix d’un énorme travail de réorganisation de l’entreprise et d’un grand plan de formation ». Il cite l’exemple de la Bretagne « qui occupe ses saisonniers de mai à la Toussaint. Ça permet des contrats plus attractifs ». Mais sous-tend aussi la question de leur logement. « Les années de transition ne vont pas être simples », reconnaît le directeur.
Sur le volet environnemental, le plan Résilience « ne consommera pas plus de ressources. Les consommations énergétiques vont diminuer grâce aux appareils plus modernes, et on va même renaturer certains endroits ». De plus, « la quasi totalité des modifications seront des remplacements. On garde notre capacité. Le DMC (Flaine) en revanche, sera forcément un nouvel appareil. »
À la fin du plan Résilience, en 2035, le hors ski devrait représenter 15 % du chiffres d’affaires contre 4 % aujourd’hui. Une vision qui devra être partagée par les communes, dont GMDS est délégataire. le maire de Samoëns, Jean-Charles Mogenet, s’est dit « surpris » de découvrir ce plan lors d’une réunion grand public, le 16 octobre. «On a besoin de ce genre de travaux, mais ce sont les élus qui ont la vision du territoire. Je prends ce travail comme un apport à une vision commune », a-t-il commenté.
Article issu du Dauphiné Libéré


