En Haute-Savoie, le casse-tête de la préservation de l’eau en montagne

« Une retenue collinaire de 150 000 m³ en altitude, c’est une mini-goutte d’eau si c’est prélevé au bon moment ! » Avec le sens de la formule qui le caractérise, Martial Saddier n’a pas hésité à taquiner, jeudi 26 octobre, les opposants aux différents projets d’aménagements liés à l’eau qui peuvent exister dans nos massifs.

Cette phrase, que le président du conseil départemental de Haute-Savoie a prononcée à l’occasion du congrès annuel de la Société d’économie alpestre (SEA), fait évidemment écho au dossier de La Clusaz, où, justement, la construction d’un réservoir de cette taille est désormais suspendue. Mais elle est également symptomatique des enjeux qui pèsent sur la ressource dans nos alpages, puisqu’elle évoque à la fois le timing, la technique et les débats inhérents au sujet. Trois aspects que nous décryptons ici.

1. Pourquoi l’eau est primordiale pour les alpages ?

Toujours lors du congrès de la SEA, plusieurs interlocuteurs ont affirmé que le pastoralisme haut-savoyard était actuellement « en grand danger ». Certes à cause du loup et de la surfréquentation en montagne, mais surtout par le fait du réchauffement climatique, qui provoque des canicules qui se suivent et se ressemblent. « Or, sans eau là-haut, les alpagistes ne peuvent plus travailler. Et sans eux, on n’a plus de biodiversité, on n’a plus les paysages qu’on connaît, on ne peut plus viser la souveraineté alimentaire ni la transition écologique », a souligné le député Antoine Armand.

Un discours repris par les agriculteurs eux-mêmes, qui considèrent que « le temps des constats est terminé » et qu’il est « urgent d’agir », d’après les mots de Guillaume Mollard, dont la ferme se trouve à Passy. « On voit bien que c’est de plus en plus difficile d’abreuver le bétail, de le nourrir (sans eau, il y a moins de végétation) et de fabriquer des fromages en été, a exposé ce dernier lors du congrès. Si on ne remédie pas à ça, les alpages de Haute-Savoie sont perdus. »

2. Pourquoi est-il si difficile d’en avoir ?

Selon Christophe Chaix, climatologue à l’Agence alpine des territoires, « une année pluvieuse comme 2021, il n’y en aura plus que tous les 10 ans ». Le reste du temps, il faudra faire face à des étés chauds et très chauds, voire à une « cinquième saison (NDLR : celle des canicules) » pour reprendre son expression. Autrement dit : de l’eau en été, il n’y en aura plus beaucoup naturellement. « D’où l’idée générale de la capter et de la stocker quand elle est abondante – c’est-à-dire au printemps – afin de pouvoir la restituer quand on en a besoin », résume Anne-Lise Bard-Houdant, directrice de la SEA.

Pour ce faire, plusieurs techniques existent, de la conservation de névé à la création de citernes, impluviums et autres retenues collinaires. Des solutions qui se différencient principalement par leurs tailles. Une citerne enterrée contient jusqu’à 100 m³, une citerne souple jusqu’à 300 m³ et une bassine plusieurs milliers.

Le hic, c’est que leur construction se fait forcément au coup par coup, avec des financements contraints (bien qu’en développement) et un matériel humain limité. Sans compter le fait que régulièrement, ces projets sont épinglés par l’opinion publique.

3. Pourquoi ce sujet est-il si clivant ?

Ces derniers temps, à chaque fois qu’un projet d’ampleur est arrivé sur la table (retenue de La Clusaz, conduite d’eau au Semnoz…), il s’est en effet trouvé des militants et des citoyens pour les dénoncer. « Le stockage de l’eau, ça crée des émotions et des passions importantes, c’est indéniable », reconnaît Antoine Rouillon, l’ancien directeur de la SEA. « Pourtant, le stockage de l’eau, ça n’est pas un gros mot », se désole Antoine Armand, qui observe, depuis sa position de parlementaire, « un affrontement entre approche scientifique et idéologique ». « Il n’y a pas d’un côté les agriculteurs pollueurs et les écologistes qui sauvent la planète, regrette-t-il. Tout le monde veut que la Haute-Savoie reste ce qu’elle est. »

D’après Joël Baud-Grasset, à la fois élu et paysan, ce ne serait toutefois pas tant le stockage de l’eau qui poserait problème que son utilisation. « Quand je parle avec des gens opposés aux projets qui sont cités, ils me disent tous la même chose : “On n’a rien contre les agriculteurs et les alpagistes. On ne veut juste pas que l’eau stockée serve à faire encore plus de pognon”. » Une façon fleurie d’évoquer l’industrie du ski ou la croissance urbanistique des villages de montagne.

Article issu du Dauphiné Libéré

PARTAGER
Découvrez nos lectures liées
Restez informé, suivez le meilleur de la montagne sur vos réseaux sociaux
Réserver vos séjours :
hébergements, cours de ski, forfaits, matériel...

Dernières actus

Nos tops stations
  • Avoriaz
  • Chamonix
  • Courchevel 1850
  • Flaine
  • Font-Romeu
  • L'Alpe d'Huez
  • La Bresse
  • La Plagne
  • Le Lioran
  • Les 2 Alpes
  • Les Menuires
  • Montgenèvre
  • Orcieres Merlette
  • Peyresourde
  • Risoul 1850
  • Saint-Lary-Soulan
  • Tignes Val Claret
  • Val Thorens
  • Villard-de-Lans
Les stations par région
  • Alpes (134)
  • Massif central (4)
  • Pyrénées (21)
  • Jura (6)
  • Vosges (4)
  • Corse (1)
Suivant
Adultes18 ans et +
Enfantsde 0 à 17 ans
1er enfant
2ème enfant
3ème enfant
4ème enfant
5ème enfant
6ème enfant
7ème enfant
8ème enfant
9ème enfant