Le nouveau Jandri aux Deux Alpes : une supertélécabine 4 saisons

« Chut, écoutez, on n’entend pas un bruit ». Si c’était une voiture, ce serait une Tesla, cette remontée mécanique du futur. Mais là, on serait plus dans l’ordre du spatial. De la génération des “3 S”, trois câbles, deux porteurs, un tracteur, ce téléphérique mutant aux cabines de 32 places (24 assises), est le plus rapide au monde. « 8 m/s en entrée en gare », ajoute Fabrice Boutet, directeur général de SATA Group, cette compagnie de l’Oisans qui exploite l’Alpe d’Huez, Oz/Vaujany, l’Alpe du Grand Serre, La Grave (Hautes-Alpes) et donc les 2 Alpes, star de l’hiver dans les massifs.

« Le dénouement du plus gros chantier en Europe cette année »

Ce « nouveau Jandri » comme dit le maire Stéphane Sauvebois, remplace le quadragénaire DMC (double mono câble) dont l’épithète « express » sonne comme un anachronisme en comparaison. Avec 17 minutes de trajet contre 40 jusque-là, c’est comme si on avait échangé votre DS avec une Formule 1.

« C’est le dénouement du plus gros chantier en Europe cette année. Et dans l’histoire de Poma, j’ai du mal à trouver un équivalent, en montagne, avec une ligne sur 1600 mètres de dénivelé », tente de se souvenir Fabien Felli, PDG du constructeur isérois. Si, en hiver, il faudra changer de « train » à 2 600 m en gare intermédiaire de la Toura, en été, l’usager en provenance du village restera à bord jusqu’au glacier du mont de Lans, 3 200 m d’altitude et terminus du voyage.

À la jonction des deux tronçons, la hauteur des quais est ajustée automatiquement selon l’usage. Et en sous-sol, une véritable cathédrale de 2500 m² stocke la cinquantaine de cabines pour la nuit, déplacées par un élévateur de dix mètres.

« Le Jandri est hors norme par son échelle mais aussi par ses délais de réalisation : 18 mois. Une bonne centaine d’entreprises, essentiellement locales, ont travaillé sur ce chantier », s’émerveille l’architecte Marie Davy, du cabinet Ateam, de Crolles. À 148 M€ l’addition, il faut remonter aux pionniers du câble pour retrouver pareil engagement dans une réalisation.

Le “Space Mountain” des 2 Alpes

Le 30 novembre dernier, pour l’ouverture de la partie supérieure du domaine, quelque 7000 skieurs ont emprunté le deuxième tronçon du “Space Mountain” des 2 Alpes. Sur le premier, le bon vieux Jandri express jouait son chant du cygne pour une dernière semaine, avant que le nouvel appareil se donne en intégral à partir du 7 décembre. « Mais c’est bien plus qu’une prouesse technique », nous met en garde le patron de la SATA vantant son insertion environnementale : 10 pylônes contre 17 auparavant et une gare sommitale semi-enterrée. Exit l’ancien mastodonte de tôles au pied du glacier. Place à un belvédère avec vue dégagée sur les aiguilles d’Arves, le mont Blanc et les Grandes Rousses.

La nouveauté tombe à point nommé pour la station qui, après un record de fréquentation l’an dernier enregistre pour cet hiver 6 % de remplissage en plus. À la centrale de réservation, Sébastien Roger souligne l’anticipation sans précédent des séjours. « C’est sans doute la garantie neige qu’offrent les stations d’altitude. On est déjà complet pour le Nouvel an ».

« Un roulement de saisons qui s’enchaîne sans arrêt, du 30 novembre au 31 août »

Même l’intersaison de janvier est remplie à 62 %. Le Jandri va pouvoir gérer ce flux de skieurs. Mais à l’office de tourisme, Héléna Hospital souligne que sa vocation va bien au-delà de l’hiver. « Cet appareil est le moteur de la transition et de la nouvelle organisation de la station. »

Pour s’adapter au changement climatique, les 2 Alpes a fait glisser son offre ski d’été, dont elle est l’une des deux spécialistes en France, sur la fin du printemps, mai et juin. « Avec le Jandri on va avoir un roulement de saisons qui s’enchaîne sans arrêt, du 30 novembre au 31 août ». Le ski jusqu’au 7 juillet, puis (et même en simultané) le VTT, le trail, la randonnée et la contemplation. Avec même une réouverture en mode piéton à la Toussaint, la station pourra ainsi vivre jusqu’à dix mois sur douze.

Pour le maire des Deux Alpes, Stéphane Sauvebois, la nouvelle dynamique est le fruit de l’élan donné dès 2017, avec la fusion des communes supports de la station (Mont de Lans et Venosc). Et un nouveau contrat de délégation de service public de ses remontées mécaniques en 2020 pour laquelle la municipalité a préféré la SATA, société d’économie mixte dans laquelle elle est présente à hauteur de 2 % avec sa voisine Huez (50,1 %), à son historique opérateur, la Compagnie des Alpes.

Un « TGV des montagnes »

Ce « TGV des montagnes », comme l’élu appelle le Jandri, c’est le fer de lance d’un plan d’investissements qui, en quatre ans, a vu la SATA investir plus de 200 millions, remplaçant des télésièges par des télémix (cabines et sièges), notamment sur le versant de Vallée Blanche, en face, pour un usage multisaisons. « Au regard du réchauffement, on travaille sur une ouverture à l’année. L’ambition des 2 Alpes était de changer d’ère, sur un double plan économique et écologique », souligne Stéphane Sauvebois.

Et revenir à plus de raison ? Avec 35 000 lits, on y a beaucoup construit. De gros hébergeurs, tels MMV et Belambra, se sont mis en évidence ces dernières années. Mais il n’est plus question du Club Med. Le maire assure dorénavant privilégier la réhabilitation. « On a racheté le parking des glaciers, 300 places, pour éviter la construction d’une nouvelle résidence ». Et le vieux serpent de mer de la liaison mécanique avec la voisine de l’Alpe d’Huez a été enterré.

Fini la course à l’échalote des stations de l’Oisans pour rivaliser avec les divas savoyardes de Tarentaise ? Signe de ces temps de transition, ces dernières commencent à regarder ce qui se passe en versant isérois, où se déploie une vision de territoire. Une communauté locale de 9000 abonnés a souscrit à l’abonnement en mode télépéage “AEON pass” donnant accès aux stations de l’Oisans du réseau SATA.

Aux 2 Alpes, on espère maintenant une saison à la mesure de la nouvelle fusée Jandri.