« Plus de chiens en face de plus de loups » : l’avenir des troupeaux en montagne ?

C’est le principal sujet d’inquiétude des alpagistes, dont la présidente Fabienne Duliege s’est fait l’écho lors de l’assemblée générale de la Société d’économie alpestre (SEA) mardi 15 avril : la prédation du loup.

« Les alpagistes concernés sont exaspérés : certains ont fait le choix de stopper leurs activités et de vendre leurs troupeaux, d’autres suivront. Les alpages se refermeront, la montagne se videra de ces femmes et ces hommes passionnés par leur métier », a-t-elle alerté.

Des solutions difficiles et coûteuses

Au total, 120 loups sont recensés en Haute-Savoie. Pour la protection des bergers, le Département a mis à disposition 16 abris, la SEA trois. « On les pérennise quand on le peut, mais il y a pas mal d’alpages où construire n’est pas possible. »

Une bergère d’appui a été embauchée à l’été 2024, qui outre le soutien aux alpagistes en cas de forte prédation, a permis leur remplacement en cas d’arrêt, de congé, etc. Le test a été « très concluant ». Mais ce dispositif coûte 39 000 euros, que la SEA ne peut assumer. Or la réponse de l’État sur sa participation financière pour l’été 2025 se fait attendre, « alors qu’on est déjà à mi-avril et qu’elle a besoin de savoir si nous allons l’embaucher ou pas », indique Fabienne Duliege, qui a fait part de cette urgence à la ministre lors de sa venue à Vaches en piste.

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 « On ne sait pas comment accompagner les éleveurs »

De ce sujet découle un autre : la cohabitation entre utilisateurs de la montagne et chiens de protection. « Les signalements d’incidents sont en hausse », et ce malgré les nombreux outils de communication en place, comme l’appli régionale MapPatou, qui indique la présence de ces chiens sur des cartes et explique quels comportements adopter.

« On ne sait pas comment accompagner les éleveurs, il n’y a pas d’aide financière de l’État. Or, il y a de plus en plus de chiens, puisqu’il y a de plus en plus de prédations. Il faut que la prédation diminue. Pour les éleveurs psychologiquement, c’est très dur », plaidait Fabienne Duliege.

Trois millions d'euros pour plusieurs projets

La Société d’économie alpestre 74 est une association qui accompagne le développement économique de l’agriculture de montagne, dans une gestion durable des espaces. Son partenaire principal est le Département, qui vient de lui renouveler son aide au fonctionnement pour la période 2025-2027 pour un montant de 730 800euros. Elle travaille avec les 31 associations foncières pastorales de Haute-Savoie (6 496 propriétaires pour une surface totale de 45 600 ha), dont la plus récente s’est constituée au Grand-Bornand.

Des opérations pour les scolaires

Les prochaines naitront à Praz-sur-Arly, Novel, Seytroux, La Forclaz, La Baume (extension) et Vailly. Trois millions d’euros de projets ont été accompagnés par la SEA en 2024, principalement des travaux de sécurisation en eau d’alpages, des réfections de bâtiments, des investissements pour la production et la création de logements. On peut citer au Reposoir, la rénovation de l’étable à l’alpage de Méry (43 000 euros), à Manigod, la reconquête d’espaces par broyage à l’alpage de l’Aulp du Fier d’en Bas (11 000 euros), etc.

La SEA coordonne aussi des opérations de sensibilisation pour le grand public ou les scolaires, comme “Un berger dans mon école” (26 classes en 2023-2024), PastoKezako sur internet et les réseaux sociaux, ou en étant présente sur les événements de partenaires.

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« Cet été ça va être catastrophique »

Bernard Mogenet, le président de la FDSEA des Savoie, abondait : « Cet été ça va être catastrophique. Tout ce qu’on nous propose, c’est mettre plus de chiens en face de plus de loups. Et on renvoie la responsabilité juridique sur les éleveurs. Il faut assouplir le carcan pour pouvoir maintenir le pastoralisme ». « Le temps passé à dresser les chiens, c’est du temps que le berger ne passe pas auprès de son troupeau. Si nous voulons du tourisme et des alpages ouverts, on ne pourra pas continuer comme ça », concluait Karine Richard, éleveuse à Sixt.

Enfin, la fréquentation croissante de la montagne depuis le Covid amène de nouvelles difficultés, dont témoignait un éleveur : « On voit de plus en plus de promeneurs accompagnés de chiens, dont les déjections transmettent la néosporose aux vaches.Sur mon troupeau de 75 bêtes, 54 l’ont.

Je vois aussi apparaître de nouveaux véhicules électriques qui vont trop vite, et qui amènent une population qui n’a pas la culture de la montagne ». Que faire alors ? « Il faut aller plus loin dans la communication, notamment avec les offices de tourisme qui sont notre relais auprès des vacanciers. Que ces derniers comprennent qu’en montagne, il y a des gens qui vivent et qui travaillent », concluait l’assemblée.

Article issu du Dauphiné Libéré

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