Près de 250 000 skieurs sur l’hiver 2023-2024, générant un chiffre d’affaires qui dépasse les 8 millions d’euros : ce sont les derniers chiffres de la station Villard/Corrençon présentés par la société SEVLC qui exploite le domaine. Sont-ils bons ou mauvais ? Comment se porte aujourd’hui la station, dont l’actionnaire majoritaire est Tony Parker ? On vous explique tout.
« Je ne suis pas pessimiste »
« On voit des résultats d’exploitation très négatifs, à -1 million d’euros, c’est inquiétant, constate Véronique Beaudoing, première adjointe à Villard-de-Lans. Est-ce que vous pouvez les commenter ? » En face d’elle, Sébastien Giraud vient tout juste d’arriver au bout de la présentation du rapport d’activité de la plus grande station du Vercors : Villard–Corrençon. En tant que directeur de la SEVLC – la société qui exploite le domaine skiable au titre d’une délégation de service public (DSP) – il a épluché les chiffres de la saison 2023-2024 lors du conseil municipal de jeudi soir. « Je ne suis pas pessimiste », lâche-t-il enfin. Voilà pourquoi.
Jours d’ouverture, fréquentation des pistes, production de neige artificielle, chiffre d’affaires… Sébastien Giraud a dans ses mains des données importantes, qui disent tout de l’état de santé de la station de moyenne montagne si chère aux Villardiens. Ces informations intéressent à plus d’un titre : elles permettent à la fois de prendre le pouls d’un domaine alpin qui pourrait changer de mains le 15 juin 2026, et sont aussi intimement liées au projet immobilier dit “Parker”, qui devrait sortir de terre au pied des pistes de la Côte 2000.
Depuis sa création, la commune de Villard-de-Lans confie la gestion de son domaine skiable à la Société d’équipement Villard-de-Lans/Corrençon (SEVLC), à travers un contrat de délégation de service public (DSP). Le dernier en date avait été signé le 19 juin 1996 par Daniel Huillier, figure de la station.
Convenu pour une durée de 30 ans, ce contrat court jusqu’en juin 2026, il arrive donc à son terme. Cet été, une concertation publique a donc été lancée pour réfléchir à l’avenir de la station pour la future DSP des 30 années à venir. La commune rédige actuellement le cahier des charges, qui permettra aux exploitants de se positionner pour assurer la gestion de la station.
La SEVLC a déjà annoncé qu’elle se porterait candidate. Rappelons qu’en 2019, Tony Parker en est devenu l’actionnaire majoritaire lorsqu’il a racheté les parts des frères Huillier. Cette même année, il avait également présenté un projet immobilier d’envergure sur la Côte 2000, baptisé Ananda Resort, avec l’objectif de donner un nouveau souffle économique à la station.
« Sur la saison d’hiver 2024, on a ouvert 104 jours contre 84 la saison précédente et 129 en 2022. C’est plutôt correct, tant au niveau des ventes que des conditions météo qui nous ont obligés à fermer quelques jours pour cause de vent fort et d’un enneigement faible en dessous de 1 500 m », explique-t-il. Une grande partie des ventes de forfaits s’est concentrée sur les week-ends, mais aussi les vacances de Noël (1,5 M€ générés) et celles de février (plus de 3 M€), qui ont attiré au total 249 589 skieurs l’hiver.
Neige artificielle : « Une production constante »
Pour assurer l’activité ski alpin, la station dispose de 300 enneigeurs qui ont produit 450 164 m³ de neige artificielle en consommant 204 620 m³ d’eau, majoritairement puisée dans les lacs du pré des Preys (70 000 m³) et de la Moucherolle (118 000 m³). « On est sur un volume constant de production de neige, qui varie très peu car elle permet de sécuriser le domaine. La neige naturelle relève plus du confort des skieurs. »
« Sur les 8,3 M€ de chiffre d’affaires réalisés, l’été représente 550 000 € », poursuit-il. Un chiffre qui est « à peu près stabilisé depuis 5 ans ». « En 2018, on faisait entre 250 000 € et 300 000 € sur cette période, on a réussi à le faire augmenter avec de nouvelles activités et depuis, on plafonne ». La station, qui emploie 131 personnes au plus fort de la saison, attire majoritairement des randonneurs (56 %) en période estivale.
La nouveauté pour cette saison : la tarification dynamique en ligne
Sébastien Giraud annonce ensuite « la grande nouveauté » de la saison 2024-2025 : « La tarification dynamique en ligne ». Comprenez : « Plus vous achetez votre forfait tôt, moins vous achetez cher, comme un billet d’avion. Et cela, jusqu’à 24 heures avant la venue du client. Ensuite, on bascule sur la grille normale ». Le tarif étudiant, lui, n’existe plus en raison des « fraudes trop nombreuses sur internet et immaîtrisables une fois sur place ». Pour pallier ce manque, le tarif jeune a été étendu à 23 ans.
Pour toutes ces raisons, Sébastien Giraud n’est « pas pessimiste », donc. « Le résultat financier de -1M€ est à nuancer car il faut se rappeler des charges d’énergies importantes que l’on a dû assumer sur les précédents exercices. Et puis, on a toujours la mémoire courte mais l’hiver dernier a été très compliqué… et pas si mauvais à la fois. Ça a été la bannière tous les jours, mais à la fin on a un chiffre d’affaires convenable où l’on arrive à équilibrer nos charges, hors énergie. »
D’un hochement de tête, Véronique Beaudoing le remercie, soulignant tout l’intérêt d’avoir « ces données de l’existant », qui permettent de « réfléchir objectivement à l’avenir de la station ». Alors que la commune est en pleine rédaction du cahier des charges de la prochaine DSP du domaine skiable, qui s’étendra sur les 30 années à venir, c’est en effet tout l’enjeu. D’ailleurs, elle a une dernière question. Une question centrale, que tout le monde se pose en moyenne montagne, et qui restera malheureusement sans réponse : « Est-ce qu’il y aura de la neige cet hiver ? »
Il y a un an déjà, la commune de Villard-de-Lans décidait de céder le parking P1 de la Côte 2000 à la Société d’équipement Villard-Corrençon (SEVLC) pour récupérer le terrain des Adrets que celle-ci possédait. L’objectif de cet échange de parcelles était de déplacer le projet immobilier Parker sur un parking déjà bétonné plutôt que d’autoriser sa construction sur un espace naturel.
Alors que le dossier Parker vient d’être déposé auprès des services de l’État, qui doit valider ou non sa construction d’ici le premier trimestre 2025, l’élu d’opposition villardien Luc Magnin s’interroge : « Nous avons voté cet échange de parcelles l’année dernière, quid du parking cet hiver maintenant qu’il appartient à la SEVLC ? Comment ça va se passer ? Pourra-t-on l’utiliser ? »
Rappelant en quelques mots le contenu de la délibération votée en octobre 2023, le maire Arnaud Mathieu lui précise « que l’échange sera définitif quand le projet [Ananda Resort, dit “Parker”, NDLR] sera abouti. Ce n’est pas le cas pour l’instant. Il est évident que la commune ne peut pas se séparer de cet emplacement stratégique sans savoir si le projet arrivera à son terme, surtout au stade où il se trouve ».
Le parking n’étant pas désaffecté, il reste donc le parking de la station Villard-Corrençon… pour l’instant !
Article issu du Dauphiné Libéré