Un pas de plus dans sa quête des Alpes. Depuis qu’il s’est mis en tête de dévaler à ski les 82 sommets à plus de 4 000 m de l’arc alpin, Vivian Bruchez scrute, inspecte, et analyse les environs du dôme de Rochefort (4 051 m), un des sommets les plus difficiles d’accès du massif du Mont-Blanc. « Ça faisait un petit moment que je tournais autour », avoue le guide, heureux d’avoir enfin pu skier cette montagne, éclipsée par ses voisines, plus visibles et plus avenantes.
« Ce qui m’encourageait à y croire, c’est l’enneigement abondant de ce printemps »
L’an dernier, celui qui est devenu une référence mondiale du ski de pente raide avait déjà tenté d’y traîner ses carres en compagnie de Mike Arnold. « La pente du bas était totalement en glace. Nous étions donc sagement descendus par le glacier du mont Mallet en rejoignant la descente classique de la brèche Puiseux », explique-t-il. Opiniâtre, celui qui ne s’aventure presque jamais sans ses spatules en altitude a néanmoins toujours gardé un œil sur l’enneigement du secteur.
« Ce printemps, j’ai continué mes repérages depuis le point de vue au-dessus de la buvette du Chapeau. Je prenais des photos, les analysais, traçais mes idées et les envoyais à quelques copains pour les motiver de m’accompagner », raconte-t-il, longtemps sujet au doute. « Je gardais toujours des incertitudes sur la faisabilité de mes idées, mais ce qui m’encourageait à y croire, c’est l’enneigement abondant de ce printemps résultant d’une météo généreusement mauvaise ».
Un lever de soleil mémorable sur le mont Blanc
Finalement, le 4 juin dernier, toutes les planètes se sont alignées pour ce chasseur de ligne. Un créneau météo rend possible une nouvelle tentative. Mieux, le jeune et talentueux Benoît Cougoureux est d’attaque pour l’accompagner. Une cordée inédite mais en parfaite osmose. Ensemble, ils atteignent le sommet après un lever de soleil mémorable sur le mont Blanc. Place ensuite à la descente. Les deux skieurs décident de suivre l’itinéraire de la première ascension en alpinisme, la voie Payot, ouverte le 2 août 1881 par James Eccles, Alphonse et Michel-Clément Payot. « Je suis parti sur les traces de ma belle-famille », sourit-il, heureux d’avoir épousé le pas de ces pionniers.
Un ski de montagne exigeant, à moitié dans les nuages, mais qui fit le bonheur des deux hommes désormais liés par cette première à ski. « C’est compliqué de mettre en relief l’implication qu’il y a pour aller parcourir ce genre d’itinéraire. Ça peut paraître facile de tracer un trait sur une photo, mais c’est de nombreuses heures, des jours et des années de réflexion pour aller le dessiner sur les montagnes », assure le champion du virage sauté.
Plus que six 4 000 des Alpes à gravir
Boostés par cette réussite, Vivian et Benoît sont rentrés dormir au refuge Torino avec l’envie de prolonger cette aventure dans un massif que le Chamoniard arpente depuis 30 ans ou presque. Le lendemain, ils domptent la face nord de la dent du Géant (4 013 m) en la connectant à la pointe Yeld, pour ensuite remonter à la brèche Puiseux et accéder au pied de la face nord du dôme de Rochefort. Une nouvelle connexion inédite qui récompense des années de pratique et de lecture des cimes.
Désormais, seuls six 4 000 m attendent encore de voir les courbes de ce skieur du ciel. « Mais ce ne sont pas les plus faciles », reconnaît le premier de cordée, subjugué par ces ultimes défis exploratoires.
Article issu du Dauphiné Libéré
